Geneva aubaine

Y’avait de la place dans le tableau

Après son tour de Suisse tennistique de l’été passé (oui, l’auto-promo c’est tout à fait notre genre, allez vite relire ça ici et ), Carton-Rouge reprend petit à petit ses habitudes d’intrépide globe trotter pré-pandémique. En effet, après avoir soigneusement vérifié que son passeport était bel et bien périmé depuis 2 ans, comme la plupart de ses congénères à croix blanche, votre serviteur s’est tout de même débrouillé pour franchir la frontière le séparant de la manifestation sportive locale la plus importante de l’année (et de très loin) chez nos voisins de la République calviniste de Genève.

Le décor

Le Craven Cottage du tennis. Après avoir traversé le Pont du Mont-Blanc, qui tient lieu de Putney Bridge genevois, petite balade bucolique le long de la Tamise euh pardon du Léman jusqu’aux portes du Parc des Eaux-Vives (continuez à visualiser le sud-ouest londonien, nous sommes maintenant à Bishop’s Park, dans l’antre du Fulham Football Club).

Tout simplement hideux.

Au bout du sentier qui mène au site du Geneva Open, on tombe sur le Village, sorte d’arène parsemée de produits dérivés du tournoi et de rafraîchissements. Voilà qui tombe bien puisqu’on est déjà en plein cagnard alors qu’il n’est que 11 heures du matin. C’est d’ailleurs certainement pour cela qu’on s’attend presque à y voir des sacrifices humains en hommage au dieu Râ en cours de journée. Ou tout du moins la saignée de quelques cartes de crédit au vu des prix affichés. Vite, direction la Tribune Est, encore ombragée pendant quelques heures.

La semaine en deux mots

Déréglement climatique.

La météo a eu autant de peine à se décider que Kylian Mbappé:

Soleil qui rougeoie et ciel qui bleuoie ? ✅

Crachin insupportable pendant plus d’une heure ? ✅

Grisaille ? ✅

Bon, en vrai tout cela est plus ou moins arrivé jeudi, mais le reste de la semaine c’était plutôt canicule. On avait juste très envie de faire une vanne sur Mbappé.

Les têtes d’affiche avant le tirage au sort

Daniil Medvedev, Stan Wawrinka, Dominic Thiem, Denis Shapovalov, Casper Ruud.

Amélie Mauresmo – pour autant qu’elle ait le temps d’y penser entre deux crises d’angoisse liées au possible forfait de Rafael Nadal à Paris pour inaugurer son mandat de directrice de la deuxième levée du Grand Chelem – n’aurait probablement pas craché sur ces 5 présences en deuxième semaine de son tournoi… en 2017.

Les têtes d’affiche six jours plus tard en quarts de finale

Daniil Medvedev, Stan Wawrinka, Dominic Thiem, Denis Shapovalov, Casper Ruud.

Oui, le mec qui a un prénom de fantôme est donc le seul qui n’aura pas été transparent au bout du Léman. Nous voilà dans de beaux draps.

Blague (terrifiante) à part, tout cela est au moins aussi surprenant qu’une intervention bisannuelle de Massimo Lorenzi sur le thème de la fameuse « surenchère ahurissante ». En effet en ce lundi 16 mai de l’an de grâce 2022, Stan était 257ème mondial et n’avait joué que 10 matches (5 victoires, 5 défaites) sur le circuit principal en 17 mois. Et surtout, sa participation au tournoi restera probablement la plus courte de l’histoire du club des Eaux-Vives. En effet, entre l’annonce de dernière minute de son obtention d’une wild card et son forfait, il ne se sera écoulé que 4 jours, le tout 48 heures avant le coup d’envoi du premier tour. A peine le temps d’écouler quelques billets auprès de fans vaudois en mal d’émotions fortes depuis la clôture du 22ème Championnat du Monde des Tracassets le 30 avril dernier. Thiem occupait quant à lui la 194ème place du classement ATP et sa dernière victoire remontait au mois de mai 2021 alors que Medvedev n’avait plus foulé les courts depuis 45 jours, la faute à une hernie inguinale qui a nécessité un passage sur le billard (un sport comme un autre après tout).

Bon et Shapo dans tout ça ? A part nous priver d’une salve d’excellentes vannes au sujet de couvre-chefs et autre culture du melon, le Canadien de 23 ans semble vouloir s’obstiner à suivre les traces hasardeuses d’Alexander Zverev en termes d’immaturité et de stagnation dans les performances. Tiens, d’ailleurs il avait lui aussi failli assassiner un arbitre de chaise en 2017.

Le haut fait de Denis « Calimero » Shapovalov en 2022. On imagine que Mirka Federer n’aurait pas manqué de l’affubler d’un sobriquet si elle avait été dans l’assistance…

Pour contrer les observateurs mainstream et leur prédiction d’une énième victoire norvégienne sur l’ocre d’un ATP 250, il ne nous restait donc plus qu’à tout miser sur l’arbre qui cache la forêt (littéralement), celui qui a probablement été recalé de peu le jour du casting des Ents du Seigneur des Anneaux, on a bien sûr nommé le fort délicat Reilly « tie-break » Opelka et ses 211 cm sous la toise. Ce d’autant que la grosse cylindrée du Michigan aux 413 aces saisonniers en 2022 semblait en avoir encore sous le pied puisqu’on raconte que son dernier échange supérieur à 5 coups de raquette remonte à l’enfance. Gare donc à celui qui se trouvait à la place du mort située au bout du carré de service opposé au moment où le cromlech du Midwest s’apprêtait à lâcher les chevaux.

La doublure de Sylvebarbe prête à montrer de quel bois elle se chauffe.

Bref, tout ça pour vous dire que huitante-cinq balles pour le grand huit du tournoi Satellite de Chêne-Bougeries, c’est quand même un peu fort de café.

Les ressorts comiques

Benoît Paire, Alexander Bublik, Fabio Fognini.

Une fois encore, l’envoyé spécial de votre site favori est arrivé après la bataille, nos joyeux lurons ayant tous été éliminés d’entrée ou presque. Il faudra donc se contenter d’une visite sur YouTube pour se consoler.

C’est rigolo et c’est presque aussi court qu’un set remporté par Iga Świątek.

Les éternels espoirs de moins en moins primesautiers (certains beaucoup moins que d’autres)

Tommy Paul, Thanasi Kokkinakis, Richard Gasquet.

Allez, on continue d’espérer au moins pour deux d’entre eux.

Les hommes de la semaine

Le duo Mathieu Germanier – Marc Rosset en roue libre à l’antenne de la RTS. Entre les tests de culture tennistique administrés par le second et les aveux d’ignorance parfois confondante du premier (non, Andre Agassi n’est pas chauve de naissance), leur avenir au micro s’annonce aussi radieux que le ciel de ce mois de mai annonciateur de catastrophes naturelles futures.

La buse de la semaine

Ilya Ivashka. En plus de nous avoir condamnés à un quart-de-finale Ivashka-Sousa en lieu et place du royal Shapovalov-… euh bon d’accord, probablement Sousa quand même, le Biélorusse représentant d’une bannière neutre a réussi l’exploit d’un sabordage de son propre frêle esquif digne de la ligne de défense des avocats d’Amber Heard. Menant d’un break dans la première manche et 4-1 service à suivre dans la seconde, le supporter d’Arsenal (tout s’explique) s’est débrouillé pour perdre la partie 7-5 7-5 au bout de la nuit. Non sans s’être plaint auprès de l’arbitre d’une odeur de fumée émanant des tribunes en cours de rencontre. A ce stade du match, ladite fumée provenait probablement d’un espace situé entre les deux oreilles du malheureux. Quand Ilya de l’eau dans le gaz…

« Euh chéri, tu m’avais pas dit qu’on avait un billet pour Shapovalov ? »

Le tournant de la semaine

Le moment où le héros de tout un peuple a été sorti par un joueur néerlandais au patronyme de club de football de deuxième division turque en huitièmes de finale. C’était pourtant le pied, Nikles. Avant de subir la loi de Tallon.

Bon OK, personne ne connaissait ces deux gars il y a quinze jours, mais avouez qu’ils mériteraient quelques points au classement ATP du calembour de bas étage.

Le coup droit gagnant long de ligne de la semaine

Façon de parler. Notre ami Opelka avait pris le soin d’emporter sa machine à remonter le temps sur les bords du Léman. En effet, le derrick de St. Joseph est parvenu à remporter son quart-de-finale face à Tallon Griekspoor en trois manches en ne jouant en tout et pour tout que 3 jeux de retour, dans la plus pure tradition des affrontements sur surfaces rapides des années 90, au cours desquels, dans le pire des cas, il s’agissait de fermer les yeux sur un retour bloqué dans le tie-break pour l’emporter. Voilà qui a dû plaire au Pete Sampras de la grande époque et qui nous a en tout cas forcé à faire une halte au bar dans l’espoir de trouver un café suffisamment fort pour faire battre en retraite nos attaques de paupières répétées.

A part ça, on y réfléchit depuis deux jours, mais un mec qui s’appelle Talon Piste Grecque (traduction libre) et qui n’a pas de point faible malgré ses pieds rapides, ça commençait quand même à nous paraître bizarre. Cette défaite face à l’antenne télescopique de Silver Beach nous rassure donc énormément.

Le vieux revers boisé dans le bas du filet de la semaine

Le fameux « Sousaphone », cri déclenché avant, pendant et après chaque frappe du Portugais et qui s’intensifie à mesure que le match se durcit. On parle beaucoup des hurlements stridents qui sévissent sur le circuit féminin depuis l’avènement de Monica Seles (ce qui n’était encore pas grand chose par rapport aux défis acoustiques ultimes que représentent Maria Sharapova, Victoria Azarenka ou encore Michelle Larcher de Brito pour nos lecteurs les plus pointus), mais il est important de souligner que João Sousa gagne à être connu dans ce registre musical si particulier.

Rare image de Sousa et son staff à l’entraînement à huis clos. 

Le chiffre à la con

1. Comme le nombre de balle de break obtenue (et convertie) par Ruud pour l’emporter en demi-finale face à Opelka (7-6 7-5). Sur une double faute. Il est de ce genre de matches qui vous font espérer voir jouer Sara Sorribes Tormo et ses moonballs plus souvent.

L’anecdote

Figurez-vous qu’aucun cas de monkeypox n’a été recensé durant le tournoi, et ce malgré le cadre champêtre propice à la vie sauvage.

Et sinon, dans les tribunes ?

A part un ressortissant croate (« BRAVO ! IDEMO ! ») pour ouvrir les débats jeudi sur les coups de 11h30 et un ultra fan biélorusse à faire pâlir d’envie Luca Loutenbach lui-même et dont les hurlements (« DAVAIDAVAIDAVAI !!! ») n’avaient d’égale que la stature loukachenkonienne (qui a d’ailleurs forcé votre serviteur à battre en retraite de quelques rangs) en clôture, le public local était étrangement mesuré et connaisseur.

Le public local était également prudent sous les ogives américaines.

Bon OK, il y avait quand même au moins un beauf. Autant Thanasi Kokkinakis doit souvent être la victime de blagues d’une subtilité non feinte descendant de gradins anglophones (on ne vous fait pas un dessin), autant le « Allez Kokkine! » qui a retenti dans l’après-midi genevoise devait être une première.

La minute Pierre-Alain Dupuis (l’imitation)

La performance du speaker officiel (et dyslexique) du tournoi, qui devait également être en charge des réseaux sociaux de la compétition au vu du nombre d’imprécisions orthographiques dans les noms des joueurs cités au programme sur Instagram. Si George W. Bush n’avait pas remis les choses en perspective en confondant l’Irak et l’Ukraine dans ce qui doit être le lapsus du millénaire, il y a fort à parier que nous ririons de tout cela à gorge déployée.

« Il a battu Roger Federer en 2018, il est australien, Thanasiiiii… KOKKIKANIS !!! » 

Tout commence à 11h30, à l’entrée en lice des deux paires de double qui se chargent de la première partie du concert de simples qui débute à 13h30. Si le binôme venu de Split (et donc prédestiné à une séparation prochaine) Mate Pavić / Nikola Mektić semble bien connu du docte préposé au micro (ils sont tenants du titre à Wimbledon et aux Jeux olympiques tout de même), lorsqu’il annonce un duo polonais qui sera donc leur adversaire du jour, rien ne se passe. Et pour cause: c’est en fait la paire franco-monégasque inconnue au bataillon Fabrice Martin / Romain Arneodo qui est attendue sur le Court Central. Ils ont dû apprécier. Par chance pour les organisateurs, ce petit incident diplomatique s’est produit à un moment où il y avait clairement plus de monde sur le court qu’en tribunes.

La minute Pierre-Alain Dupuis (la vraie)

OK, elle n’a duré qu’une cinquantaine de secondes, mais vous ne nous en voudrez pas, pour une fois qu’on essaie d’être un peu littéral sur ce site.

PAD et toute sa panoplie de l’oligarque russe modèle en loges.

La rétrospective du prochain tournoi

Il y a un tournoi cette semaine ? Vous nous l’apprenez. En tout cas ça fait un moment qu’aucun joueur n’a défrayé la chronique donc on ne voit pas vraiment ce qui pourrait faire le buzz de toute façon.

 

Crédit photographique:

Sousa et son staff à l’entraînement (en réalité Indiana State University Sousaphone Section): TubaPlayers.USA/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Indiana_State_University_Sousaphone_Section.jpg#filelinks

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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