Pas encore au Brésil

La Suisse a concédé ses premiers points de la campagne de qualifications pour la Coupe du Monde 2014 contre une équipe norvégienne limitée mais solide. Le chemin qui mène au Brésil est encore long, à commencer par un déplacement en Islande de tous les dangers mardi.

Près de sept ans : c’est le temps qu’il aura fallu attendre pour revoir un match officiel de l’équipe de Suisse à Berne après le fameux Suisse – Turquie de 2005. On espère qu’il ne faudra pas patienter aussi longtemps avant le suivant, car, nonobstant quelques milliers de places (et les recettes qui vont avec) en moins, le Stade de Suisse surpasse en tous points le parc Saint-Jacques : les accès sont moins bouchonnés, on entre plus vite dans le stade, c’est plus convivial, la situation géographique mieux centrée amène un public plus diversifié et moins blasé, les buvettes sont plus fonctionnelles… Bref, s’il ne tenait qu’à moi, on jouerait tous les matchs officiels de la Nati dans la capitale, point barre.  

En mode Coupe Davis

Le seul petit bémol, c’est l’ambiance. Et là, la faute en incombe principalement aux sponsors qui, à la place des sempiternels drapeaux, ont eu la funeste idée de distribuer des gadgets en carton, ornés de leur logo et des paroles de l’hymne suisse (en schwytzertütsch, français et italien), mais qui surtout pouvaient se plier et se taper pour faire un bruit insupportable. Si le but était de tuer l’ambiance et de couper court à toutes velléités de chants, c’était réussi. Pire, on aurait dit une ambiance beauf Coupe Davis (pléonasme). Si vraiment on veut distribuer un truc qui fait un bruit désagréable, alors donnez-nous des vuvuzelas (avec la recette de la fondue inscrite dessus) ! Au moins, la vuvuzela, ça donne un son qui claque et ce n’est pas à la portée du premier venu, cela se mérite. Mais une fois que tu as pigé le truc, c’est vraiment jouissif de faire le plus de bruit possible avec cet instrument merveilleux. Nettement plus amusant que de devoir endurer le boucan des nombreux spectateurs qui ont tapé leur machin en carton comme des demeurés durant nonante minutes.

Les petits Suisses

Si l’on a eu du plaisir à Berne, c’est aussi que la Nati nous a fait plaisir, en début de match surtout. La première demi-heure de ce Suisse – Norvège est à classer dans les meilleures séquences de la jusqu’ici peu glorieuse ère Ottmar Hitzfeld. Cela combinait bien, cela jouait vite, Derdiyok, que l’on a si souvent critiqué, était très intéressant dans son rôle de pivot, Shaqiri et Lichtsteiner perforaient régulièrement le flanc gauche de la défense norvégienne et Barnetta s’est découvert un jeu de tête dans le club d’Ebbe Sand, avec trois tentatives du chef, la plus dangereuse échouant sur le poteau. Avec encore deux frappes de Derdiyok et Lichtsteiner arrêtées par le gardien Jarstein, la Suisse était bien dans son match. Sauf sur les balles arrêtées.
Evidemment avec une équipe pas très grande où même l’un des centraux est en dessous du mètre huitante, tu vas être en difficulté contre une équipe aussi athlétique que la Norvège. Pour ne rien arranger, les Helvètes se montrent plutôt du genre laxistes au marquage : à chaque corner ou presque, j’aurai voulu hurler à nos défenseurs de marquer au deuxième poteau ce satané numéro 23, Vegard Forren, mais j’étais assis au balcon et j’avais encore quelques reliquats d’extinction de voix depuis la Wies’n. Si le jeu norvégien, assez fruste et essentiellement constitué de longs ballons, ne parvient guère à mettre hors de position unser Nati, celle-ci est à l’agonie sur les balles arrêtées ; il faut trois miracles de Diego Benaglio au quart d’heure, plus un autre sur un coup franc de Riise, pour préserver sa cage inviolée. Aujourd’hui, après une période où descendre en flèche la Nati était à la mode, il est de bon ton de chanter les louanges d’une équipe rajeunie et triomphante. Mais il ne faudrait juste pas oublier que, sans un gardien actuellement en état de grâce dès qu’il revêt le chandail national (c’est plus compliqué à Wolfsburg), on pourrait très bien en être à 3 matchs / 1 point avec une qualification fortement compromise.

Les moutons noirs

La qualité du match va aller decrescendo et la faute en incombe partiellement aux trois plus mauvais acteurs du match, le trio arbitral. Guy Roux disait, notamment après un mythique Auxerre – Dortmund et un but sur bicyclette de Lilian Laslandes annulé pour pied levé, que les arbitres espagnols sont les pires du monde. Je partage son avis et c’est particulièrement le cas pour l’équipe de Suisse. M. Fernandez Borbalan rejoint donc les Señores Iturralde Gonzalez (Suisse – France M-21 2002) et Dauden Ibanez (Suisse – Russie 2003) dans la liste des arbitrages les plus catastrophiques pour un match de la Nati. On se plaint souvent de l’arbitrage chez nous mais les directeurs de jeu venus de Liga n’ont même pas le niveau de notre cinquième ligue. Tu me diras, au pays du Villarato, une carrière dans l’arbitrage ne se construit pas forcément uniquement sur les compétences. Mais alors, que ces guignols restent dans leur pauvre petit championnat de toute façon déjà tronqué depuis le début et ne viennent pas pourrir des matchs internationaux entre équipes qui ont envie de jouer au foot.

Xhaka et Rodriguez décevants

Cela dit, la très faible prestation arbitrale n’explique pas à elle toute seule la baisse de régime helvétique après la pause car, à part une reprise de Barnetta et une tentative de bicyclette de Derdiyok, la Suisse n’a guère été dangereuse. La faute en revient d’abord à une équipe norvégienne qui a posé problème par sa présence athlétique et son pressing mais aussi par la quasi disparition de Derdiyok, Barnetta et Shaqiri que l’on a très peu vu en seconde période. Mais les deux faillons faibles de notre équipe nationale vendredi furent nos champions du monde M-17. Positionné en numéro 10, Granit Xhaka n’a eu aucun impact sur le jeu et n’a quasiment jamais offert de solutions à ses partenaires. Le talent du bonhomme ne fait aucun doute mais attention à ne pas choper la grosse tête. Les déclarations de l’ancien Bâlois sur le manque d’ambition présumé de ses coéquipiers à Mönchengladbach étaient assez maladroites, surtout que ses performances actuelles ne sont pas vraiment celles du mec qui va emmener son équipe en Ligue des Champions. Et l’on n’a que peu apprécié sa sortie du terrain (finalement avortée) avec l’entrain du fonctionnaire arrivant au boulot le lundi matin, alors que le score était toujours nul et vierge. Espérons que Lucien Favre saura recadrer un joueur qui a tout pour réussir mais qui ne doit pas se croire arrivé. Quant à Ricardo Rodriguez, il a emmené en équipe de Suisse ses difficultés actuelles à Wolfsburg avec un apport offensif limité et quelques difficultés sur les rares offensives adverses, avec notamment une affreuse relance dans les pieds norvégiens. On pardonnera bien volontiers à ces deux joueurs qui n’ont même pas la vingtaine mais on a eu un peu tendance à oublier, dans le triomphalisme général qui a suivi les succès contre la Slovénie et l’Albanie, que notre équipe est très jeune et reste soumise à ce genre de sautes de performances.

Le but improbable et le but probable

En deuxième mi-temps, le danger est surtout venu du côté d’un Stephan Lichtsteiner comme d’habitude très généreux et très percutant sur son flanc droit mais aussi très imprécis au moment de centrer. On semblait donc s’acheminer vers un score nul et vierge lorsque l’ouverture du score est tombée de la manière la plus improbable qui soit, sur un corner d’une équipe helvétique archi-dominée dans le jeu aérien jusque-là. Mais Shaqiri tire intelligemment son corner à mi-hauteur, trop bas pour les tours scandinaves, Xhaka (son seul éclair du match) dévie au premier poteau et Mario Gavranovic conclut en renard au deuxième poteau. On a assez souvent critiqué le manque d’audace d’Ottmar Hitzfeld pour saluer ici le risque payant d’introduire un deuxième attaquant, espérons que cela lui donnera quelques idées pour la suite. Malheureusement, le risque n’a pas été payant jusqu’au bout puisque la Norvège égalisera sur un but lui beaucoup plus probable, soit une erreur d’arbitrage et un corner. En effet, sur un coup de coin inexistant (la 283ème décision erronée – mais pas la dernière – du trio infernal), Brede Hangeland surgit au premier poteau pour devancer Diego Benaglio. Difficile de reprocher quoi que ce soit à notre portier sur le coup, il y avait beaucoup de monde devant lui et le défenseur de Fulham est une vraie montagne.

L’épouvantail islandais

Au final, le nul est logique. Certes, la Suisse a été meilleure dans le jeu et peut regretter de n’avoir pas conservé plus longtemps son avantage au score. Il y a donc quelques regrets d’abandonner deux points à domicile contre un adversaire largement prenable qui se relance complètement dans la course à la qualification. D’un autre côté, le décompte des occasions de but est largement à l’avantage de la Norvège qui aurait pu l’emporter sur la fin avec une tête d’Hangeland (entachée d’une faute que seul le nullissime Fernandez Borbalan n’a pas vu) sauvée par Benaglio et un tir d’Elyounoussi sur le poteau. En fait, le match en Islande mardi déterminera vraiment si l’on a gagné un point ou perdu deux vendredi à Berne. Le déplacement s’annonce compliqué contre un adversaire qui va poser un nouveau défi athlétique à nos petits Suisses et qui sera sans doute survolté en se rendant compte qu’il dispose là d’une occasion unique d’obtenir la première qualification de son histoire pour un grand tournoi. Incontestablement un match clé qui va conditionner la suite de ces qualifications, soit en asseyant la première place helvétique, soit en relançant complètement plus ou moins toutes les équipes du groupe si la Suisse ne s’imposait pas.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Suisse – Norvège 1-1 (0-0)

Stade de Suisse, 30’712 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Fernandez Borbalan.
Buts : 79e Gavranovic (1-0), 81e Hangeland (1-1).
Suisse : Benaglio ; Lichtsteiner, von Bergen, Djourou, Rodriguez ; Berhami (91e Dzemaili), Inler; Shaqiri, Xhaka, Barnetta (70e Gavranovic); Derdiyok.
Norvège : Jarstein ; Ruud, Hangeland, Forren, J.A. Riise; Nordtveit; Braaten, Henriksen, Yttergard Jenssen (83e Wolff Eikrem), Elyounoussi (92e Parr); Söderlund (64e King).
Cartons jaunes : 11e Nordtveit, 40e Derdiyok, 44e Lichtsteiner, 73e Yttergard Jenssen, 83e Benaglio, 88e Braaten.

Écrit par Julien Mouquin

Commentaires Facebook

9 Commentaires

  1. Scandaleux cet arbitre !!!

    Bravo à Gottmar pour ce doigt d’honneur bien mérité !

    Quant à xhaka faut qu’il dégonfle (très) vite du melon… Le mec a encore TOUT à prouver.

  2. Joli papier, objectif.
    Sauf… le passage sur l’ambiance. Dire que le bruit de ces bout de papiers cassent l’ambiance, je suis assez d’accord, mais encourager les vuvuzelas à la place, c’est assez surréaliste. Il n’y a pas pire objet pour détruire un match.

  3. D’accord avec toi de A à Z….
    Pourvu que les sponsors ne nous « offrent » jamais ces horribles saucisses en plastique censées démultiplier l’ambiance..

  4. Heu les accès moins bouchonneux ??? 2h pour passer de Neuchâtel à ma place au stade… Arrêté sur la bretelle d’autoroute pendant 30 minutes. Accès plus rapide ??? On rentre trois par trois alors que les autres portes restent fermées tout ça pour qu’un securitas déchire notre billet…
    Et le retour, faire 10 kilomètres pour aller prendre l’autoroute à Schönbühl… Faut pas déconner mais l’organisation à Bâle ne peut pas être pire !

  5. Reste chez toi vieil aigri.

    Ce match nul est, selon moi, salutaire. On aurait déjà sorti les bouteilles de champagne en cas de victoire vendredi. Là, tout le monde est redescendu sur terre, les jeunes dégonflent du melon et Gottmar s’énerve. De très bon signe!

    Ce soir on balaie les blondinets 3-0 et on frappe un grand coup.

    Quant à l’ambiance a Berne, ok avec l’article. Bof bof… mais mille fois mieux qu’au cimetière de St.-Jacques.

    Hopp Schwiiiiiiz!

  6. Ahahaha le pique sur les Espagnols….mythique!
    Sinon la télévision suisse nous a montrer et remontrer le vieux suisse dans les tribunes, descendu tout droit de son alpage, avec sa pipe et son bonnet de vieux « bouèbe » qui donne une image bien sympathique du pays mais un tantinet arriéré….
    Après en Australie on me demande si je descandais à l’école en ski.. 🙂
    Bonne journée.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.