La lutte des Suisses

La Zweite Liga reprend ses droits ce week-end pour un sprint de quinze matchs qui permettra, entre autres, de désigner deux promus et un barragiste. Ils sont trois Suisses, Orhan Ademi, Fabian Lustenberger et Albert Bunjaku, à convoiter ces trois places enviées, avec de très bonnes chances d’y parvenir.

Eintracht Braunschweig (1er, 44 points)

Orhan Ademi n’est pas très connu en Suisse et pour cause : le jeune Saint-gallois d’origine macédonienne a lancé sa carrière à Altach en deuxième Bundesliga autrichienne, qui n’est pas le championnat le plus médiatisé du monde. Il y obtiendra une place de titulaire et une promotion dans l’élite en Autriche. Désireux de ne pas brûler les étapes, il a alors opté pour la Zweite Liga et Braunschweig où il est en train de vivre une superbe aventure. Auteur du but de la victoire contre Köln (1-0) en ouverture de saison qui a amorcé la dynamique positive sur laquelle les Löwen surfent toujours, le jeune attaquant de 21 ans a d’abord plutôt été utilisé comme joker, la place d’unique avant de pointe étant dévolue à l’idole locale Dominick Kumbela. Mais, au fil des matchs, il a gagné en temps de jeu, parfois comme demi de couloir, parfois comme deuxième attaquant. S’il lui reste à améliorer son efficacité devant le but, Orhan Ademi brille déjà par sa présence athlétique, son excellente couverture de balle et une certaine roublardise lorsqu’il s’agit d’obtenir l’un ou l’autre pénalty. Clairement un joueur à suivre, surtout qu’il devrait bientôt découvrir la Bundesliga.

Alors que personne ne l’attendait, Braunschweig a survolé le premier tour avec un effectif sans star mais extrêmement soudé et homogène, s’appuyant sur un noyau dur de joueurs évoluant ensemble depuis la Dritte Liga. Alors qu’on les pensait fatigués, les Löwen ont montré de sacrées ressources en empochant quatre points lors des deux matchs du deuxième tour disputés avant Noël contre les équipes en forme de la fin d’automne, Köln et Union Berlin, à chaque fois après avoir été menés au score. Même si son contingent paraît moins expérimenté et fourni que celui de ses concurrents, l’Eintracht nage dans une telle euphorie et possède une telle avance qu’on ne voit pas trop ce qui pourrait l’empêcher de retrouver la Buli vingt-huit ans après l’avoir quittée.

Hertha BSC Berlin (2e, 42 points)

Après un bref passage au FC Lucerne, Fabian Lustenberger a connu un début de carrière fulgurant en se retrouvant titulaire, à même pas 20 ans, au milieu de terrain du Hertha Berlin de Lucien Favre qui luttait pour le titre de champion d’Allemagne. La suite a été plus pénible, tant sur le plan individuel que collectif avec une interminable série de blessures, des passages sur le banc et les deux relégations de l’Alte Dame en Zweite Liga. Mais la carrière du Lucernois a pris, à 24 ans, un nouvel envol cet été, à un poste nouveau : quelques blessures dans l’effectif ont contraint l’entraîneur Jos Luhukay à reculer le Suisse en charnière central où il s’est instantanément imposé comme le patron de la défense, reléguant notamment le Tchèque Hubnik, quart de finaliste du dernier Euro, sur le banc. Les fans l’ont même élu «Herthaner der Hinrunde». Sachant le peu de certitudes que possède Ottmar Hitzfeld dans l’axe central, Fabian Lustenberger a toutes les chances de retrouver la Nati avant la Coupe du Monde brésilienne. A condition que le Hertha retrouve la Bundesliga.
Et c’est plus que bien parti : emmené par le Brésilien Ronny, meilleur joueur du 1er tour en Zweite Liga, l’Alte Dame a déjà fait le trou, tout en donnant l’impression de n’avoir de loin pas exploité l’intégralité de son potentiel, avec une mise en route chaotique, la longue absence de joueurs clés comme Franz ou Lasogga et l’inconstance des attaquants. Déjà promu avec Mönchengladbach et Augsburg, l’entraîneur Luhukay connaît la musique et on a l’impression que l’Alte Dame possède une marge de progression encore conséquence. Ce serait donc une immense surprise de ne pas retrouver le Hertha Berlin et Fabian Lustenberger en tête du classement, ou, au pire, à l’un des deux places de promu direct, au soir de la 34ème journée.

1. FC Kaiserslautern (3e, 32 points)

Albert Bunjaku a mené une carrière assez discrète en LNA avec Schaffhouse avant de s’exiler à Erfurt en troisième division allemande parce qu’il y gagnait plus que dans l’élite helvétique. Ses bonnes performances en ex-RDA, notamment un doublé en Coupe contre le Bayern d’Hitzfeld, lui valent un engagement à Nürnberg avec lequel il fêtera le retour en Bundesliga où il s’imposera comme titulaire indiscutable. On est en 2009-2010 et la carrière du Zurichois est à son apogée, ce qui lui vaudra d’ailleurs de goûter à la Coupe du Monde 2010 (13 minutes de jeu contre le Chili). S’ensuivront deux ans de galères, de blessures et de bancs de touche. Il a décidé de se relancer l’été dernier à Kaiserslautern où il s’empare immédiatement du brassard de capitaine pour former l’un des duos d’attaque les plus performants de la ligue avec la Camerounais Idrissou. On pensait le 1. FCK en route pour le Wiederaufstieg mais les Roten Teufel ont méchamment coincé à l’approche de l’hiver. Avec un seul point lors des quatre dernières journées, Kaiserslautern a dû laisser filer ses compagnons d’échappée Braunschweig et Hertha et voit le reste du peloton se rapprocher dangereusement.

Pour parer au danger, le manager Stefan Kuntz a mené le mercato hivernal le plus actif de la ligue avec les arrivées du champion d’Allemagne Löwe (Dortmund), des expérimentés Köhler et Hoffer (Francfort), de l’un des grands espoirs du foot allemand Weiser (prêté par le Bayern), de l’international autrichien Drazan (Rapid Vienne) et du routinier Karl (Union Berlin). Ces arrivées complètent un contingent qui était déjà plutôt fourni. Si le retard concédé sur le duo de tête sera difficile à combler, ce serait un immense échec qu’avec un tel effectif les Roten Teufel ne parviennent pas au moins à accrocher la troisième place synonyme de barrage contre l’antépénultième de Bundesliga. 

Energie Cottbus (4e, 29 points)

Cottbus croit-il vraiment en ses chances d’accrocher l’une des trois premières places ? On peut en douter ; l’entraîneur Rudi Bommer ne cesse de répéter que son contingent ne permet pas de viser une ascension cette saison et sourit d’un air incrédule dès que son équipe marque un goal, comme si cela avait quelque chose de complètement incongru. Ce manque de confiance en soi rejaillit sur les performances de la formation la plus inconstante de la ligue : Cottbus a été le seul à battre le leader Braunschweig mais derrière il a enchaîné avec 4 matchs/1 point, dont des défaites à Sandhausen et Aue, qui ne lui ont pas permis de profiter de l’effondrement de Kaiserslautern. Dommage car avec un effectif expérimenté et un infernal duo d’attaque Sanogo-Stiepermann, les Lausitzer auraient un bon coup à jouer cette saison mais leur irrégularité devrait s’avérer rédhibitoire.

VfR Aalen (5e, 28 points)

Le néo-promu Aalen, c’est l’invité surprise dans le haut du classement. Pourtant, l’effectif est celui d’un relégable en puissance mais l’entraîneur autrichien Ralph Hasenhüttl, désormais convoité par plusieurs clubs de l’élite, a réussi à mettre en place un bloc défensif extrêmement solide auteur de l’ancien joueur de Freiburg Oliver Barth. Le VfR ne marque peut-être pas beaucoup mais encaisse encore moins et constitue l’une des équipes les plus difficiles à manier de la ligue. L’objectif de la saison, le maintien, en poche, il va pouvoir évoluer sans pression ce printemps, le trouble-fête par excellence et nul doute que quelques ténors vont s’y casser les dents.

TSV München 1860 (6e, 27 points)

Dans un pays viscéralement et réglementairement hostile à tout ce qui pourrait s’apparenter à une mainmise étrangère sur des fleurons du football national, Munich 1860 fait figure de laboratoire avec son investisseur jordanien Hasan Ismaik. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela ne marche pas trop bien : incarnant des vues diamétralement opposées sur l’avenir du club, le «bienfaiteur» venu du Proche-Orient et le président du club, Dieter Schneider, représentant les sociétaires historiques du club auxquels les règlements de la ligue garantissent 50+1% des voix, ne se parlent plus que par avocats interposés. L’entraîneur Reiner Maurer a fait les frais de cette lutte de pouvoir. Pourtant, il ne faisait pas du mauvais boulot mais il a payé le départ des deux meilleurs atouts offensifs des Löwen, Aigner et Volland, une campagne de recrutement ratée et surtout la volonté d’Hasan Ismaik de s’offrir un entraîneur plus bling-bling. Celui-ci aurait dû être Sven-Göran Eriksson mais un nouvel entraîneur a été nommé avant son arrivée et le Suédois s’est vu proposé un poste assez flou de coach-bis qu’il a préféré refuser. Dans un tel panier de crabes, difficile d’imaginer que l’équipe puisse trouver les ressources d’aller taquiner le trio de tête, le ventre mou du classement est bien plus vraisemblable. On suivra en revanche avec attention la lutte d’influence en coulisses. Un échec d’Hasan Ismaik donnerait un signal fort : l’Allemagne n’est ni l’Espagne, ni la France ni l’Angleterre, elle est toujours fière de son football et n’est pas prête à brader son histoire, ses traditions et ses clubs à quelques mythomanes venus de contrées lointaines. Le cas échéant, on espère juste que Munich 1860 ne suivra pas l’exemple des Regionalligisten du Sachsen Leipzig qui ont eu la fierté de refuser les millions et les ambitions de l’envahisseur étranger (en l’occurrence l’Autrichien Red Bull) mais sont partis en faillite quelques mois plus tard.

Écrit par Julien Mouquin

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