Une certaine idée du romantisme (1/2) : Gelsenkirchen

Paris, Venise ou Vienne, c’est ringard. Si tu veux vraiment être romantique, là où il faut aller, c’est à Gelsenkirchen, la cité aux mille feux, ses usines désaffectées, ses cheminées fumantes, ses hauts-fourneaux, ses canaux aux eaux saumâtres, son équipe de football et son stade.

Ce déplacement à Gelsenkirchen pour le derby Schalke 04 – Fortuna Düsseldorf a débuté sous les meilleurs auspices puisque, dans le train qui nous emmène de Cologne vers la cité aux mille feux, je remporte facilement le concours de kleiner Feigling grâce à un parcours sans faute. Et ce n’était même pas moi qui avais pris l’initiative d’acheter un carton de cette excellente boisson. Mais les supporters dortmundois que nous sommes avions besoin d’un petit quelque chose pour nous donner du courage avant notre infiltration en plein territoire ennemi. D’ailleurs, on infiltre tellement bien que nous poussons le vice jusqu’à aller boire l’apéro dans un bar réservé aux supporters le plus inconditionnels de Schalke 04. Gageons que, si les sympathiques fans königsblaue qui ont gentiment cédé leur place devant l’écran pour la Konferenz aux quatre touristes parlant français avaient su que deux des touristes en question agitaient un drapeau du BVB sur la pelouse du Westfalenstadion une semaine plus tôt jour pour jour, l’accueil aurait été un poil moins cordial. Ce déplacement à Gelsenkirchen démarre d’autant mieux qu’il neige sur le Ruhrpott. Et quand il y a des flocons sur la Veltins-Arena, le match se joue avec le toit fermé : un stade en configuration patinoire avec plus de 60’000 fans, cela donne toujours des ambiances assez sympas.

Schalke est tragique

Pourtant, l’atmosphère n’est pas à la franche rigolade du côté de la Veltins-Arena car Schalke 04 est en crise. Comme d’habitude serait-on tenté d’ajouter. Schalke, c’est un club avec un stade somptueux, l’un des plus gros budgets d’Allemagne, la sixième affluence d’Europe derrière Dortmund, Manchester, Barcelone, Real et Bayern mais dont les résultats sont rarement à la hauteur d’un potentiel qui reste largement inexploité en raison d’une gestion assez erratique, sous la houlette des deux hommes forts du club : le président du conseil d’administration, Clemens Tönnies, un marchand de viande (profession à la mode s’il en est), et le manager Horst Heldt, lequel coûte cher et bénéficie d’une aura assez inexpliquée en Allemagne depuis que, directeur sportif néophyte, il avait amené Stuttgart à un titre de champion inattendu en 2007 au détriment de… Schalke mais qu’il n’a jamais vraiment confirmé.

Les deux hommes multiplient les décisions incompréhensibles : ils ont congédié des entraîneurs qui obtenaient des résultats comme Mirko Slomka ou Mike Büskens, juste parce que leur nom n’était pas assez clinquant, ils ont donné les pleins pouvoirs à Felix Magath pour réaliser quarante transferts en dix-huit mois avant de le virer à son tour. Pire, en décembre, l’inénarrable duo a licencié Huub Stevens, l’entraîneur qui a permis au club de réussir ses plus grands exploits de ces cinquante dernières années pour le remplacer par un mec sans charisme ni expérience, Jens Keller, dont la principale qualité est d’être pote avec le manager Heldt. Depuis, il ne se passe pas un jour sans que la presse allemande n’évoque le prochain entraîneur des Knappen puisque tout le monde considère l’échec de Jens Keller comme acquis : Effenberg, Di Matteo, Jol, Büskens, Tuchel, Streich, et, la dernière rumeur en date, Heynckes, sont notamment évoqués. Difficile dans ces conditions pour le malheureux Keller de travailler sereinement, avec un effectif qui plus est assez mal pensé. Le duo Heldt-Tönnies a ainsi accordé une substantielle augmentation de salaire au buteur muet Huntelaar, un boulet depuis le début de la saison, mais a laissé filer l’indispensable meneur de jeu Holtby à Tottenham pour récupérer deux petits millions d’euros, tout en empilant les demis de couloir dans l’effectif (Draxler, Farfan, Bastos, Affelay, Obasi, Barnetta…).  

Sans idée

La colère commence à enfler dans les travées de la Veltins-Arena, même si le nul ramené en Ligue des Champions de l’ « enfer » d’Istanbul contre Galatasaray a un peu calmé les esprits. Et, soi dit en passant, l’enfer en question ressemble de plus en plus à un tranquille barbecue familial, tant les équipes turques n’arrivent plus à gagner leurs matchs à domicile, il suffit de marquer un goal pour réduire au silence la tellement fameuse ferveur des fans locaux. En tous les cas, les supporters königsblaue font bloc derrière leur équipe pour recevoir le voisin Düsseldorf qui est beaucoup plus serein. Le néo-promu n’a plus que quelques points à inscrire pour valider un maintien qui n’avait rien d’évident en début de saison. Devant son public, Schalke prend le match en main et s’installe dans le camp adverse mais cela manque cruellement d’inspiration. Il n’y a guère que le Péruvien Jefferson Farfan qui parvient à porter le danger devant but des Flingeraner avec un tir à côté, une frappe arrêtée par le gardien Giefer et une autre sur le poteau. Quand tu manques à ce point d’imagination, il faut souvent t’en remettre à une balle arrêtée pour trouver la solution et c’est ce qui va se produire : un coup-franc de Farfan trouve la remise de Jermaine Jones pour le défenseur camerounais Joël Matip qui conclut dans le but vide.

Comme à l’entraînement

On pensait que le plus dur était fait contre un Fortuna venu surtout pour défendre. Mais les Flingeraner vont trouver les moyens de concocter une superbe égalisation pour leur seule véritable occasion du match. Après un joli dessin avec Dani Schahin et Andreas Lambertz,  Axel Bellinghausen conclut comme à l’entraînement une action qu’il avait lui-même initiée. Dans le rôle des sauveurs, Lambertz et Bellinghausen sont assez exemplatifs de ce Fortuna 2012-2013, des joueurs plus besogneux que talentueux mais qui laissent leurs tripes sur le terrain à chaque rencontre. A priori, cela devrait suffire pour permettre aux Flingeraner d’aller chercher le maintien. Evidemment, ce score de 1-1 ne suffisait pas pour Schalke dans l’optique d’une qualification européenne. La Veltins-Arena commence à gronder devant les difficultés de son équipe à s’approcher du but adverse. 

Joël Matip en héros

Finalement, la solution va à nouveau venir d’une balle arrêtée. Le ballon revient sur Michel Bastos dont le centre-tir trouve une nouvelle fois, de manière assez fortuite, Joël Matip qui peut tromper Giefer à bout-portant pour son premier doublé en Bundesliga. Un but tout ce qu’il y a de plus chanceux mais cela suffira pour prendre les trois points et contenter les fans des Knappen. Dans le marasme actuel, cette victoire, la première depuis le 18 janvier, est bonne à prendre ; le dernier match à domicile des Königsblauen s’était soldé par une défaite contre Fürth, il y a donc du progrès, alors que se profilent à la Veltins-Arena le Derby contre Dortmund et le retour contre Galatasaray en Ligue des Champions. Tu sais bien que, vu nos attaches partisanes jaunes et noires, Schalke ce n’est pas trop notre truc mais, malgré un match pas transcendant, on a passé un bon début de soirée à GE, l’ambiance était sympa et la Veltins se laisse boire. L’une de mes connaissances a même tellement adoré cette bucolique cité de Gelsenkirchen et n’avait tellement pas envie de la quitter qu’elle a pris l’escalator qui nous amenait sur le quai de la gare à l’envers, avec quelques vols planés spectaculaires au passage. On reviendra, c’est certain.

FC Schalke 04 – Fortuna Düsseldorf  2-1 (1-0)

Veltins-Arena, 61’673 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Weiner.
Buts : 29e Matip (1-0), 56e Bellinghausen (1-1), 81e Matip (2-1).
Schalke 04: Hildebrand; Höger (84e Metzelder), Höwedes, Matip, Kolasinac; Jones, Neustädter (80e Meyer); Farfan, Draxler (66e Raffael), Bastos; Huntelaar.
Düsseldorf: Giefer; Balogun, Latka, Malezas, van den Bergh; Bodzek (84e Omae), Tesche; Lambertz, Fink, Bellinghausen (89e Ilsö); Reisinger (12e Schachin).
Cartons jaunes: 20e Bodzek, 41e Jones, 92e Giefer.
 
Notes: Schalke sans Unnerstall, Affelay, Moritz, Papadopoulos, Uchida ni Marica (blessés), Fortuna sans Bruno Soares, Bolly, Garbuschewski ni Voronin (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

Commentaires Facebook

3 Commentaires

  1. Ahahaaahahah t’as osé! 😉
    Sinon j’vais quand même avouer que c’était bien sympatique ce petit déplacement à GE. (Peut-être d’ailleurs grâce à la veltins ;-)). Voir un nouveau stade c’est toujours cool, l’infiltration m’a bien fait rire aussi mais ce que j’ai préféré c’est de pouvoir chanter sch**** s04 dans leur propre stade et ville ;-).

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.