L’Allemagne est l’avenir du foot : le retour au sommet

Pour que la reconquête du football allemand soit totale, il fallait un grand succès international. Ce sera chose faite dès ce soir, peu importe le vainqueur. Enfin, pourvu que ce soit le Borussia Dortmund…

Tous les voyants sont donc au vert pour le football allemand : les finances sont saines, la moyenne d’âge des stars actuelles est jeune, le succès populaire ne se démentit pas, les infrastructures sont magnifiques et amorties, la solidité de l’économie garantit les recettes de sponsoring, le système de formation est performant, les droits TV nationaux vont augmenter graduellement de 50% d’ici à 2016 et il reste encore un potentiel inexploité (au moins 500 millions d’euros si l’on compare à la Premier League) au niveau des droits télévision internationaux. En effet, hors des frontières allemandes, le Bundesliga reste un produit de niche, un truc de qualité pour initiés et connaisseurs mais largement méconnu du grand public étranger. Lequel préfère les blockbusters anglais et espagnols au scénario souvent insipide mais au casting prestigieux et au marketing agressif. Or, désormais, le Bundesliga est capable non seulement de former elle-même ces stars mondiales qui attirent l’attention des médias ou du public mais aussi de les importer. Le Bayern Munich qui, il faut l’avouer, a toujours une longueur d’avance en matière commerciale, ne pense pas autrement en engageant Josep Guardiola. Les dirigeants bavarois sont probablement convaincus que Guardiola est un bon entraîneur (ils pensaient aussi que Klinsmann était un bon entraîneur…) mais son arrivée est avant tout une question de marketing. Avec le Catalan, une foule de médias vont débarquer en Bundesliga et sortir une carte de géographie pour découvrir des clubs comme Mönchengladbach, Augsburg ou Mainz dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence six mois auparavant. Quels joueurs peuvent assurer une telle résonnance médiatique ? Messi, Ronaldo, peut-être Rooney, Neymar, Pirlo ou Iniesta mais là on parle de sommes de transferts de 50 millions d’euros ou plus et de salaires à 15 millions, Guardiola c’est en tout et pour tout 8 millions de salaire annuel. Une excellente opération commerciale qui devrait être suivie d’autres qui vont encore augmenter l’attractivité et la visibilité de la Buli.

Une prise de pouvoir inéluctable

On ne sait pas dans quelle mesure le fair-play financier cher à Michel Platini sera appliqué ; on doute que l’UEFA en arrive en jour à exclure ses chéris barcelonais ou madrilènes des Coupes d’Europe. Néanmoins, fair-play financier ou pas, un club comme Barcelone ne peut pas perdre indéfiniment les 80 millions d’euros annuels qui ont permis d’acheter les succès des trois premières années Guardiola. Alors que les budgets explosent en Bundesliga (Dortmund va probablement doubler son chiffre d’affaire entre 2010 et 2013), tout en restant excédentaires, partout ailleurs en Europe (en dehors des mirages russes ou qataris), ils se contractent et sont largement déficitaires. On peut donc penser que cette expansion économique et sportive devrait permettre à un championnat qui aujourd’hui rivalise déjà presque avec ses rivaux de devenir le numéro un au monde lorsqu’il les aura dépassé économiquement. A l’indice UEFA, la Bundesliga a déjà doublé et largué Ligue 1 et Serie A et est revenue à moins de huit points de la Liga et trois de la Premier League, alors qu’elle avait encore 27 points de débours sur ces deux championnats en 2008.
Très honnêtement, en début de saison, je n’aurai pas misé un Deutsche Mark sur une finale de Ligue des Champions 100% allemande et l’affiche de Wembley ne signifie pas forcément que la Bundesliga a (déjà) définitivement pris le pas sur les autres championnats majeurs. Il n’est pas inconcevable d’imaginer qu’aucun club allemand ne figure dans le dernier carré de la prochaine édition de la C1. Mais, à moyen terme, les perspectives financières et sportives de la Bundesliga paraissent tellement plus favorables que celles des autres ligues qu’on ne voit pas trop ce qui pourrait l’empêcher de devenir le meilleur championnat du monde et l’Allemagne de redevenir cette formidable machine à gagner qu’elle fut jadis.

Achtung Gefahr

Bien sûr, tout n’est complètement rose non plus dans le royaume magique de la Bundesliga, il y a quelques écueils à éviter pour ne pas gâcher le formidable travail accompli. J’en vois trois. Actuellement, seul le Bayern Munich peut vraiment rivaliser avec les clubs riches du continent et la soudaine exposition du foot allemande engendre le risque que des clubs comme Dortmund, Schalke ou Leverkusen se fassent dépouiller de leurs meilleurs éléments et ne puissent plus rivaliser avec le Rekordmeister. Or, une Bundesliga outrageusement dominée par le Bayern, voire par un duo Bayern-Dortmund si le BVB parvient à continuer son expansion financière, perdrait beaucoup de son intérêt. Un autre risque, c’est le retour de la violence que les Allemands croyaient éradiquée, ou du moins cantonnée dans les séries inférieures d’ex-Allemagne de l’Est, après une Coupe du Monde 2006 et les quelques saisons suivantes presque sans incidents. Malheureusement, depuis trois saisons, les débordements se multiplient, à tel point que certains milieux politiques et policiers réclamaient un renforcement drastique des mesures de sécurité, notamment – ultime blasphème – l’interdiction des places debout. Finalement, une mobilisation massive des fans et une réunion de crise en décembre dernier ont permis d’éviter le pire et de se contenter de mesures peu coercitives Mais les clubs allemands ne sont pas à l’abri qu’un coup de couteau malheureux dans une explication entre quelques dizaines de gamins bourrés sur un parking à côté d’un stade ne légitime un durcissement massif qui réduirait à néant quinze ans de travail pour faire de la Buli la grande kermesse festive qu’elle est devenue. Enfin, il ne faudrait pas que la santé économique retrouvée des clubs ne les conduise à piller des championnats étrangers en faillite au détriment des jeunes locaux qui ont si bien performé ces dernières saisons. Avec le risque d’une pénurie en équipe d’Allemagne sur certaines positions, comme c’est déjà le cas au poste de centre-avant puisque pas grand monde ne se profile derrière les anciens Gomez, Klose et Kiessling.

Le paradoxe

Pendant des années, l’Allemagne ne jouait pas forcément très bien mais finissait toujours par gagner. A l’inverse, Français, Hollandais ou Espagnols régalaient par un jeu chatoyant mais s’effondraient dans les moments décisifs. Or, avec cette nouvelle génération germanique, le paradigme s’est inversé, c’est la Mannschaft qui séduit par son football enthousiasmant mais elle finit toujours par perdre contre des adversaires plus rébarbatifs mais plus réalistes. L’Allemagne n’a pas encore retrouvé les tueurs d’antan, ces tronches capables de détruire un adversaire supérieur dans les moments décisifs, cette culture du win ugly qui faisaient jadis sa force. Jusque-là, les Jungs sont doués techniquement et généreux mais fébriles et parfois indolents dans les phases finales. En 2006, l’échec en demi-finale de la Coupe du Monde avait été bien perçu, ils étaient des centaines de milliers devant la Porte de Brandebourg pour célébrer les joueurs qui avaient redonné au pays un style et une fierté en son équipe nationale.
Lors de l’Euro 2008, l’Allemagne n’avait finalement réussi qu’un seul bon match (en 1/4 contre le Portugal) et l’Espagne encore brillante d’Aragones méritait sa victoire, tant sur la finale que sur l’ensemble du tournoi. En revanche, les échecs de 2010 en Afrique du Sud et surtout 2012 en Pologne/Ukraine ont valu beaucoup de critiques – justifiées – envers le sélectionneur national Joachim Löw. L’impression, c’est qu’après avoir brillé dans les tours préliminaires, la Mannschaft l’avait joué petit bras dans les matchs décisifs, d’avoir eu peur de l’adversaire et de ne pas avoir osé jouer son jeu. Cette attitude timorée, on l’a également retrouvée au niveau des clubs puisque, entre 2009 et 2012 Hambourg (deux fois), Brême, Schalke 04 et le Bayern Munich (les deux finales de Ligue des Champions 2010 et 2012) ont tous échoué au poteau après avoir atteint le dernier carré d’une grande compétition internationale.

Le déclic ?

Après le double échec de l’Allemagne et du Bayern Munich en 2012, un doute a saisi le pays. N’a-t-on pas engendré une génération de perdants, aussi brillante et spectaculaire soit-elle ? Malgré des progrès spectaculaires et une qualité de jeu reconnue, il manquait cette grande victoire internationale qui signifierait le retour de la Grosse Deutschland au sommet du football continental et concrétiserait le formidable redressement opéré depuis le gouffre de 2004. C’est désormais chose faite, et plutôt bien faite, avec cette Jahrhundert-Finale de Wembley. Tout porte à croire que celle-ci devrait servir de déclic et qu’elle appelle beaucoup d’autres triomphes du football allemand dans les années à venir. Après, tu te doutes bien que j’ai une très légère préférence sur l’identité du club qui va mettre un terme à ces douze ans de disette du football germanique mais je n’en dirai pas plus et mon avion pour Londres m’attend. Bien avant de devenir une hype planétaire, cette affiche entre le Borussia Dortmund et le Bayern Munich doit être le match de football étranger le plus relaté sur ton site préféré. En guise de présentation, tu peux aller jeter un œil aux articles sur les douze BVB – Bayern auxquels j’ai assisté depuis la création de CartonRouge.ch. En espérant que le treizième ressemble à celui joué l’année passée à Berlin, déjà sans Mario Götze…
Bonne finale à tous !
2012-2013 : Borussia Dortmund – Bayern Munich 1-1 
DFB-Pokal 2013, ¼ finale : Bayern Munich – Borussia Dortmund 1-0 
2012-2013 : Bayern Munich – Borussia Dortmund 1-1 
Supercup 2012 : Bayern Munich – Borussia Dortmund 2-1 
DFB-Pokal 2012 Finale : Borussia Dortmund – Bayern Munich 5-2 
2011-2012 : Borussia Dortmund – Bayern Munich 1-0 
2011-2012 : Bayern Munich – Borussia Dortmund 0-1 
2010-2011 : Borussia Dortmund – Bayern Munich 2-0 
2009-2010 : Bayern Munich – Borussia Dortmund 3-1 2008-2009 : Borussia Dortmund – Bayern Munich 1-1 
2007-2008 : Borussia Dortmund – Bayern Munich 0-0 
2006-2007 : Borussia Dortmund – Bayern Munich 3-2 
Si tu as manqué le début :

  • L’Allemagne est l’avenir du foot : la chute
  • L’Allemagne est l’avenir du foot : la descente aux enfers
  • L’Allemagne est l’avenir du foot : la reconstruction
  • L’Allemagne est l’avenir du foot : stades, bières et Vollgas-Fussball

Écrit par Julien Mouquin

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5 Commentaires

  1. Wunderbar série d’article!

    Pour ma part je pense que Guardiola sera un flop…. Affaire à suivre.

    Bonne finale !

  2. François Fellay

    Ton ignorance en football est immense !
    Guardiola a gagné 14 titres en 4 ans en faisant jouer magnifiquement bien le Barca !
    Tous les clubs du monde rêveraient de l’avoir…et toi tu parles de futur flop…pffffff…tu n’as vraiment pas peur du ridicule mon pauvre gars.

  3. Une petite pensée émue pour Julien Mouquin qui doit probablement être en dépression depuis samedi soir 22h30. Merci Robben !

  4. @Carton rouge
    Pourquoi mon commentaire a-t-il disparu ? Je suis pour la modération, mais je n’ai absolument rien écris de vulgaire. Oups, il ne fallait probablement pas égratigner Monsieur Mouquin.

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