Rendez-nous notre FIFA !

En publiant un article dénonçant les conditions inhumaines des ouvriers des chantiers du Qatar, le Guardian a fait ce jeudi la une de la presse internationale. Or, fait étrange, la FIFA a fait preuve d’intérêt pour ces petites gens qui ne lui rapportent pourtant pas d’argent et a même sous-entendu qu’elle pourrait dénoncer ces pratiques ! Mais que diable se passe-t-il du côté de Zurich ?

La FIFA est en pleine crise d’identité. On a appris les yeux écarquillés que la fédération internationale était «préoccupée» par le sort des quelques 4000 esclaves des émirs qatari qui devraient trouver la mort sur les chantiers de la Coupe du monde 2022, si l’on en croit le travail d’observation de deux années de la Confédération syndicale internationale, mis en lumière par un article du très sérieux quotidien britannique The Guardian. La voilà qu’elle se soucie des gens qui construisent ses stades inutiles en plein désert. C’est nouveau. C’est même bizarre.Les épouvantables conditions de travail auxquelles sont astreints les nombreux migrants venus d’Asie du Sud dans l’espoir de sortir leur famille de la misère ont beau être dénoncées depuis belle lurette, elles n’avaient pas pesé bien lourd face aux pétrodollars des satrapes du Golfe lorsqu’il s’était agi de désigner l’hôte de la Coupe du monde 2022. En dépit de la moindre once de bon sens, comme nous le relations déjà à l’époque, les pontes corrompus de la FIFA s’étaient en effet empressés d’accorder l’organisation du raout au Qatar, faisant fi des critiques des nombreuses ONG qui mettaient le doigt sur les dérives nécessairement occasionnées par un tel événement dans des pays où les Droits de l’Homme ne sont pas respectés.
Mais cette décision, si honteuse soit-elle, était somme toute logique. Personne ne s’attendait à ce que la FIFA arrête son choix sur la base d’un rapport de développement durable. La FIFA qu’on connaît, c’est celle qui ferme les yeux sur les évacuations forcées des bidonvilles de Rio ou qui fait changer la loi brésilienne pour pouvoir vendre sa sale Budweiser dans les stades. Quel étonnement dès lors de voir l’instance faîtière du football mondial se faire soudainement un sang d’encre pour les pauvres bougres qui sont en train de crever pour sa gloire ! A un point tel que «la question sera (…) discutée lors de la réunion du comité exécutif sous le point Coupe du Monde 2022 au Qatar les 3 et 4 octobre 2013 à Zurich» !

Bon sang, mais quelle mouche a bien pu piquer la FIFA ?! Ils ne doivent plus rien y comprendre, à Doha, eux qui avaient été investis par Sepp Blatter de la mission «d’amener la Coupe du Monde au Moyen-Orient». Pourquoi diantre un tel acharnement contre ce pauvre Qatar ? Un Etat qui, jusqu’à peu, partageait des valeurs si proches de celles de la fédération ! Et pourtant, l’émirat a du essuyer ces dernières semaines quelques vives critiques de la part du Haut-Valaisan, entre son simulacre de mea culpa sur le processus d’attribution de la Coupe du Monde et sa volonté devenue subitement ferme de disputer le tournoi en hiver. Est-ce que ça veut dire que les stades ne seront finalement pas climatisés ? Une belle prouesse technique sacrifiée sur quel autel ?
Nous serions-nous tous trompés sur Blatter ? En dictateur éclairé, le bon Sepp compte évidemment se représenter en 2015. Il avait juré qu’on ne l’y reprendrait plus mais voilà, le monde lui a confié une Tâche et il ne pourra reposer en paix que lorsqu’il l’aura menée à bien. Blanchi en avril par la très indépendante Commission d’éthique tandis que plusieurs autres escrocs sur le déclin, dont son prédécesseur Joao Havelange, étaient poussés à la démission, le président a pu achever avec succès sa lutte contre la corruption rampante au sein de son entreprise. Voilà qui explique pourquoi la FIFA s’est légitimement insurgée quand la Confédération lui a demandé ce qu’elle pensait d’une nouvelle loi anti pots-de-vin. Désormais propre, elle s’est néanmoins sentie visée. Heureusement, SuperBlatte le Héros peut désormais partir vers de nouveaux horizons et combattre pour une nouvelle cause : le respect des droits des travailleurs.
On fabule, mais si la FIFA devait vraiment se doter d’une conscience et d’une éthique de travail, peut-être que la terre s’arrêterait de tourner, que Sport Dimanche nous scotcherait devant la télé, que Lausanne se maintiendrait en Super League et que Pierre-Alain Dupuis recevrait le prix Pulitzer. En d’autres termes, ce serait la mort assurée pour CartonRouge.ch. Alors s’il vous plaît, rendez-nous notre FIFA !
Photo Pascal Muller, copright EQ Images

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1 Commentaire

  1. C’est surtout que ça commence à être mauvais pour le business toutes ces histoires d’argent sale, de matchs truqués, de mafia, de corruption, etc.
    Sepp est obligé de monter au créneau pour rassurer les sponsors et les diffuseurs, même si ça sonne un peu comme du Berlusconi qui s’offusque de la licence des moeurs contemporaines.

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