Dé-… et cætera

Dépités, désabusés, désolés, démolis, défaits, désenchantés, dégoûtés, dévastés, déçus, désillusionnés, désappointés, détruits, désespérés, dégrisés (enfin, pas complètement) : samedi soir, après la défaite du Borussia Dortmund contre le Bayern Munich, on était habités par toutes sortes de sentiments assez sympathiques, commençant tous par les lettres dé… comme débâcle. Y a des jours comme ça.

Pour être franc, samedi soir, je pensais définitivement mettre un terme à mon aventure sur CartonRouge.ch, histoire de m’épargner la corvée d’écrire le présent article. Mais, malheureusement pour certains d’entre vous, je suis revenu depuis lors à de meilleurs sentiments : ne pas écrire l’article juste parce que le résultat ne m’a que moyennement satisfait, cela aurait été faire preuve de lâcheté et la lâcheté n’est pas une caractéristique du Borussia Dortmund mais bien du Bayern Munich, entre dirigeants qui n’assument pas les conséquences de leurs actes illicites multiples, des comptes secrets en Suisse aux Rolex qataries passées en fraude à la douane, politique de transfert cherchant surtout à affaiblir tout rival potentiel et joueurs qui pleurnichent dans les jupes du sélectionneur national pour être exempté d’un amical Angleterre–Allemagne afin de se préserver pour leur déplacement à Dortmund.  

Jögi le Bavarois

Cet inutile Angleterre–Allemagne aura eu des conséquences bien trop lourdes quatre jours avant le Gipfel de la Bundesliga. Alors que le sélectionneur national Jögi Löw a donné congé aux Bavarois Lahm, Müller et Neuer pour leur permettre de préparer le choc, il a fait les fonds de tiroir pour aligner l’équipe à plus forte coloration dortmundoise de l’histoire de la Mannschaft, offrant à plus de 33 ans sa première (et dernière ?) sélection au gardien Weidenfeller, réintégrant Sven Bender qu’il avait pourtant écarté de l’Euro 2012, redonnant une place de titulaire à Schmelzer et Hummels qu’il a pourtant vilipendé durant toutes les qualifications et attendant 82 minutes pour sortir Reus alors que le local Schürrle piaffait d’impatience sur la touche. Résultat : avec les graves blessures d’Hummels et Schmelzer, c’est toute la défense dortmundoise titulaire qui se trouvait sur le flanc, pas franchement l’idéal avant d’affronter la meilleure équipe du monde et son armada offensive.

Si l’on se souvient que les dirigeants du Bayern avaient pleurniché pendant des mois et intenté des procès à la terre entière parce que l’équipe de Hollande avait eu l’audace d’aligner Arjen Robben en finale de Coupe du Monde deux mois avant la reprise de la Bundesliga, on se dit que les dirigeants dortmundois auraient pu alimenter la polémique sur l’inégalité de traitement réservée par le pitoyable Joachim Löw aux joueurs du Bayern et du BVB, surtout qu’Ilkay Gündogan va également manquer tout le premier tour pour avoir été aligné malgré une blessure dans un amical insignifiant contre le Paraguay. Mais ce n’est pas le genre de la maison : plutôt que de se complaire dans des jérémiades stériles, les dirigeants jaunes et noirs ont préféré déplorer la fatalité et tenter de trouver des solutions en engageant Manuel Friedrich, un vétéran de 34 ans au chômage depuis cinq mois qui se maintenait en s’entraînant avec une équipe de quatrième division.

70’000 contre 11

Avec une équipe pareillement décimée, c’est donc forcément non sans une certaine appréhension que l’on est arrivé dans la Ruhr. Il faudra quelques généreuses tournées de Glühwein pour l’ouverture du Weinhachtsmarkt pour que l’on retrouve un certain optimisme. Le mot d’ordre du jour invoqué par Jürgen Klopp, c’était 70’000 Borussen contre 11 Bayernois. Et effectivement, le merveilleux public du Westfalenstadion va se sublimer pour tenter de pousser son équipe à l’impossible exploit. Et plus le match va avancer, plus on va croire l’exploit possible. Certes, comme attendu, la possession de balle est pour les visiteurs mais la défense de fortune du BVB tient plutôt bien le coup et les Bavarois ne sont finalement pas trop dangereux. Les Pöhler ne se procurent pas non plus une myriade d’occasions mais il nous semble qu’il y a largement la place pour inscrire ce petit but qui suffirait à faire chavirer le temple dans le bonheur et l’hystérie, l’un de ces morceaux de bravoure qui ont nourri la légende du Westfalenstadion. On était dans ces instants d’attente fébrile avec l’impression d’être à un instant de toucher au sublime et à la félicité et que, s’il y a une justice en ce bas monde, ce but va bien finir par rentrer d’une manière ou d’une autre. Las, Lewandowski, seul devant Neuer deux fois, ou Reus ne parviennent pas à trouver la faille.

70’000 contre 1

Si l’on a débuté le match à 70’000 contre 11, on sera même 70’000 contre un à la 56e, lorsque Mario Götze fait son apparition sur le terrain, 70’000 fans qui sifflent un joueur qui ne respecte aucune valeur, à part le pognon, et qui a trahi son club formateur pour rejoindre un club qui lui aussi a renié toutes ses valeurs, à part le pognon, au profit du succès à court terme et par tous les moyens. Qui se ressemble s’assemble, quelque part. Alors évidemment, si l’on avait dû imaginer le scénario le plus cauchemardesque possible pour cette soirée, cela impliquait un goal du traître Göt$€. Et ça n’a pas raté : au moment où l’on était de plus en plus persuadés que cela allait bien finir par rentrer du bon côté, c’est rentré en face sur un vilain pointu de Judas. Le monde s’écroule. Certes, Reus et surtout un très décevant Mkhitaryan auront l’égalisation au bout du soulier mais le BVB ne s’est jamais vraiment remis de ce coup de massue et deux buts anecdotiques en fin de match scelleront définitivement l’issue du match et de la Bundesliga 2013-2014. 

A l’année prochaine

Il ne faut pas se leurrer, le Borussia Dortmund ne comblera jamais les sept longueurs de retard qu’il accuse désormais sur une machine bavaroise qui ne perd que très peu de points. Vu l’état de l’infirmerie dortmundoise et le calendrier infernal jusqu’à Noël, on a tendance à penser que l’écart sera même encore supérieur à la trêve. On sait qu’avec un budget deux fois inférieur au Rekordmeister, le BVB a besoin d’une conjonction d’éléments favorables pour pouvoir rivaliser sur la longueur d’un championnat, cette conjonction ne s’est pas présentée cette saison, c’est ennuyeux mais on s’en remettra. Le club s’est fixé des règles financières strictes, ça implique un contingent un peu restreint mais c’est le prix à payer pour éviter de devenir un   jouet pour milliardaires qataris ou transformer son stade en arène pour VIP et clients. Et quelque part, s’il faut payer ce tribut là pour préserver les valeurs historiques du club, on sera toujours fiers de le payer, quitte à renoncer à l’un ou l’autre trophée, ainsi qu’en témoigne la formidable ovation réservée par la Südtribüne à son équipe, malgré la défaite 0-3.

Vivement la prochaine désillusion !

Ce qui est un peu décevant, c’est que finalement ce Gipfel n’a pas été perdu en raison des absences en défense mais bien de l’incapacité dortmundoise à concrétiser ses occasions. Finalement, ce choc n’a guère différé des récentes défaites contre Mönchengladbach, Arsenal et Wolfsburg : le BVB a les occasions pour gagner, ne marque pas et finit par se faire piéger. S’il n’est pas le seul à savoir vendangé, cela repose le problème Lewandowski, toujours prompt à soigner ses stats lors des victoires 6-1, beaucoup moins à marquer des buts qui ramènent des points. Je persiste à dire que les dirigeants dortmundois ont fait une erreur en repartant avec un buteur qui n’est plus concerné par l’avenir du club et qui a déjà signé un contrat avec le principal rival, il aurait fallu crever l’abcès cet été et cette erreur plombe la saison encore plus sûrement que la cascade de blessures. C’est pour ça que, quatre jours après avoir perdu la Bundesliga, on craint un peu que le BVB perde aussi ses ultimes illusions en Ligue des Champions contre Napoli. Voir Naples et mourir… Enfin, ça ne nous empêchera pas d’être là pour soutenir notre équipe. Le club a toujours nourri sa mythologie avec des désillusions cuisantes pour augmenter l’amour et le soutien indéfectibles qui l’unit à jamais à ses supporters, on en vient presque à se réjouir de la prochaine.      

Borussia Dortmund – Bayern Munich 0-3 (0-0)

Signal Iduna Park, 80’645 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Gräfe.
Buts : 66e Götze (0-1), 85e Robben (0-2), 87e Müller (0-3).
Dortmund: Weidenfeller ; Grosskreutz, M. Friedrich, Papastathopoulos, Durm; Bender (79e Piszczek), Sahin; Blaszczykowski (71e Aubameyang), Mkhitaryan (71e Hofmann), Reus; Lewandowski.
Bayern: Neuer; Rafinha (79e van Buyten), Boateng (64e Alcantara), Dante, Alaba; Lahm; Müller, Martinez, Kroos, Robben; Mandzukic (56e Götze). 
Cartons jaunes : 36e Boateng, 45e Rafinha, 45e Grosskreutz, 45e Mandzukic, 56e Mkhitaryan.
Notes : Dortmund sans Hummels, Subotic, Schmelzer ni Gündogan (blessés), Bayern privé de Schweinsteiger, Ribéry ni Shaqiri (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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7 Commentaires

  1. Le problème de Dortmund est un problème d’efficacité devant le but : comment peut-on se procurer 37 occasions par match pour marquer un but ? A l’époque une demi-occaz suffisait à Riedle ou à Chapuisat pour scorer. Aujourd’hui, ça joue à la baballe, ça amuse le public mais ça oublie l’essentiel : marquer des buts !

  2. Les dirigeants de Dortmund n’ont pas à pleurnicher ( quoique … On est trop pauvre, on est trop les robins des bois du monde libre ), leurs supporteurs le font assez pour eux.

    ( Victime )

  3. le nom du stade n’a rien a voir avec le public qui l’occupe!
    t’as des arènes qui changent de noms mais se vipise pas , qui garde leur secteurs debout originaux, etc… et qui gardent une ambiance de feu, et t’en as d’autres qui gardent leurs noms mais…. qui se vipise, perdent leur âmes et leur ambiance…tout sport confondu..

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