Voir Naples et ressusciter

Je n’ai jamais été un expert en fêtes religieuses mais je crois me souvenir que l’on m’a vaguement expliqué un jour que toutes les lumières qui illuminent actuellement nos rues et nos places ont quelque chose à voir avec la Nativité. Le Borussia Dortmund lui semble en revanche avoir déjà passé aux Fêtes de Pâques puisque, trois jours après avoir été crucifié en Bundesliga suite à la trahison de Judas, il a ressuscité en Coupe d’Europe avec une victoire somptueuse contre Napoli.

Habituellement, je considère comme un privilège d’aller prendre place parmi les meilleurs fans du monde dans le plus beau stade de la planète et je m’y rends avec un plaisir non dissimulé. Mais il m’arrive parfois – très rarement – de n’avoir pas très envie d’aller voir un match du BVB au Westfalenstadion. Si, si et c’était le cas de ce Dortmund – Naples, n’étant pas encore remis ni physiquement et encore moins mentalement de la désillusion enregistrée à peine plus de septante-deux heures auparavant contre le Bayern Munich. Si j’ai fait le déplacement du temple jaune, c’est avant tout parce que j’estimais que cela faisait partie de mes devoirs de supporter et d’abonné. Et aussi un peu pour exhiber fièrement mon nouveau Wintertrikot floqué Sokratis, mes nouvelles Puma jaunes et noires 09 Echte Liebe, ma nouvelle écharpe, mon nouveau bonnet, mes nouveaux gants, ma nouvelle veste et mon nouveau t-shirt BVB 09, tous issus d’un casse à 880 euros – 800 après le rabais membre – samedi dernier au Megastore du club à Hörde (salutations à mon complice, Alex si tu me lis…). Et accessoirement, aussi parce que j’avais déjà acheté mon billet d’avion et que les hôtesses de Germanwings sont adorables dans leur très seyant costume violet.  

La divine surprise !

J’avais le sentiment que cette campagne de Ligue des Champions, entamée deux mois plus tôt par le Borussia sous un chaud soleil napolitain en tant que leader de la Bundesliga, allait prendre fin dans la grisaille et le froid du Pott en fin novembre, après avoir déjà perdu la Buli. Mon pressentiment était tellement mauvais que, sans un interminable arrêt en gare de Düsseldorf, je n’aurai même pas eu le temps de terminer les quelques Früh Kölsch qu’une gente demoiselle avait eu l’amabilité de m’offrir pour le trajet. Pour se motiver, il a même fallu déroger à la coutume voulant que l’on ne mette pas de Schuss dans nos Glühwein au Weinhachtsmarkt avant le match mais que l’on attende que celui-ci soit terminé, histoire d’avoir encore une vague idée du résultat final le lendemain.
Et pourtant, ma morosité va disparaître dès le coup d’envoi. Autant la Ligue du Pognon, avec ses places assises, ses affiches formatées et sa formule monotone, est souvent ennuyeuse à mourir, autant ce match va faire figure d’exception qui confirme la règle. Car Dortmundois et Napolitains vont livrer un match somptueux, spectaculaire à souhait, avec une intensité folle, du suspense, des émotions, des gestes de classe et des occasions de buts en veux-tu en voilà. Il serait fastidieux de recenser toutes les possibilités de marquer mais on peut sans exagérer les estimer à une douzaine pour les Pöhler et une demi-douzaine pour les Parthénopéens. Sans le grand match des deux gardiens Weidenfeller et Reina et selon la réussite des uns ou des autres, la rencontre aurait très bien pu se terminer sur un score de 9-1. Ou de 5-5… Bref, on s’est fait plaisir dans l’ambiance phénoménale que tu imagines.      

Merci l’arbitre !

A l’instar des jeunes Guy Roux et Ottmar Hitzfeld, je suis toujours craintif en voyant débarquer un arbitre espagnol car ceux-ci sont rarement au niveau. Et force est de constater que le señor Carballo, par ses décisions erronées, souvent incohérentes et une distribution des cartons pour le moins aléatoire, sans avoir faussé le match, n’a pas rehaussé la haute opinion que j’ai des arbitres en provenance de la patrie du Villarato. En revanche, il faut reconnaître que le directeur de jeu a largement contribué au scénario débridé du match par ses approximations, en accordant rapidement un pénalty généreux au Borussia Dortmund pour une «faute» de Fernandez sur Lewandowski puis en lui en refusant un beaucoup plus évident deux minutes plus tard. Cela doit être la première fois qu’unser BVB se voit accorder un pénalty devant la Südtribüne sans que personne dans mon cher Block 85 ne l’ait réclamé ! Et je peux t’assurer que j’y fais plutôt partie des fans modérés… Bref, l’un dans l’autre, après la transformation par Marco Reus, cela faisait 1-0 et c’était le score idéal pour le spectacle puisque il n’était précisément idéal pour aucune des deux formations : avec une victoire par un seul but d’écart, Dortmund n’était plus maître de son destin et risquait une élimination sans rémission par le jeu des confrontations directes si, lors de l’ultime journée, Naples battait Arsenal par deux buts d’écart. Inversement, une défaite d’une unité contraignait les Napolitains à battre les Gunners par au moins deux goals d’écart pour éviter l’élimination en cas de succès dortmundois à Marseille. Il était donc évident que personne n’avait envie d’en rester là.     

 

Manni le combattant

Naples a connu son meilleur passage entre la 20e et la 40e, période durant laquelle, sous l’impulsion d’un très bon Valon Behrami, il a remporté la bataille du milieu de terrain en gagnant la majorité des duels dans l’entrejeu. A ce moment-là, on n’était pas très sereins et Napoli passe tout près de l’égalisation sur un ballon de Callejon qui vient mourir sur le poteau. Mais, à part cette période de flottement, la défense de fortune du BVB a parfaitement tenu la route avec un Roman Weidenfeller souverain dans ses prises de balle, un Sokratis Papastathopoulos intraitable aux duels et un Sven Bender héroïque : Manni s’est fracturé le nez à la 17e mais il a tenu à terminer le match, changeant fréquemment de maillot à mesure que celui-ci se tachait de sang. Il a fini par en épuiser le stock disponible et il a fallu aller se ravitailler à la boutique voisine pour lui permettre de finir la partie ! Tu te doutes bien que c’est le genre d’anecdotes dont raffole le très populeux public du Westfalenstadion et que, dans vingt ans, on racontera encore ce morceau de bravoure avec des trémolos dans la voix et des larmes au coin des yeux. Jürgen Klopp ne déclarait-il pas récemment : «Si Barcelone était la première équipe que j’avais vu jouer, j’aurais fait du tennis. Ce n’est pas mon sport. Je n’aime pas gagner avec 80% de possession. Désolé, ça ne me suffit pas. J’aime le football de combat, c’est ça que j’aime.» Décidemment, Kloppo fait tout pour grimper dans mon estime où il figure déjà très haut.    

Judas le transparent

Les occasions de doubler la mise se multiplient pour Dortmund, en vain. Certes, Pepe Reina réussit au moins cinq sauvetages miraculeux mais cela ne saurait masquer les problèmes de réalisation actuels du BVB. A l’instar d’un Henrikh Mkhitaryan qui a fait souffrir le martyr à la défense adverse par son intelligence de jeu et sa justesse technique mais s’est montré bien malheureux à la finition. Mais la palme des vendanges revient une nouvelle fois à Robert Lewandowski qui échoue trois fois seul devant Reina. Certes, le Polonais a pesé sur la défense italienne, s’est procuré des occasions, en a procuré à ses coéquipiers et a contribué à deux des trois réussites borussen. Mais son manque d’implication et de concentration dans le dernier geste devient horripilant. Lors de leur sortie du terrain, Kuba et Reus ont eu droit à une standing ovation ; lors de la sortie de Lewa, c’est le nom de son remplaçant, le besogneux Julian Schieber, qui a été scandé… Le divorce semble consommé entre le peuple jaune et noir et son ex-buteur adoré. Maintenant que, depuis quelques jours, le BVB n’a officiellement plus de dette, il serait bien inspiré de se mettre en quête d’un nouvel attaquant durant la trêve hivernale, surtout que la motivation de Lewandowski ne va pas revenir une fois qu’il aura révélé, dès que les règlements le lui permettront, soit au 1er janvier, le contrat signé en mode El Hadary avec le FC Fraudes et Procès en tous genres. Contre le Bayern, c’est le traître Götze qui avait transpercé la défense dortmundoise, Judas le transperçant en quelque sorte ; mardi avec Lewa à la finition, on a eu droit à Judas le transparent, si tu me passes cet hommage un peu tarabiscoté à celui qui fut mon mentor du côté du Gymnase de l’Evêché (lapsus ô combien révélateur) et aussi de l’une ou l’autre virée nocturne de chasse aux vampires dans les cimetières du Jorat, notre regretté Prix Goncourt Jacques Chessex.

      

L’Italie n’est plus ce qu’elle était

Le tournant du match intervient à l’heure de jeu lorsque Higuain échoue seul devant Weidenfeller. Le contre fuse : Marco Reus sert Jakub Blaszczykowski qui double (enfin) la mise entre les jambes de Reina, un but dans le plus pur style Jürgen Klopp avec une projection expresse vers l’avant après la récupération de balle, comme on en a savouré des dizaines au Westfalenstadion depuis quatre saisons mais on ne s’en lassera jamais. On pensait que le plus dur était fait mais une relance kamikaze de Sebastian Kehl va permettre à Lorenzo Insigne de relancer les actions napolitaines, provisoirement. Le BVB mettra moins de dix minutes à redevenir maître de son destin avec le 3-1 signé Pierre-Emerick Aubameyang après une percée plein axe de Robert Lewandowski. L’absence d’alcool dans le stade en Ligue des Champions a au moins un avantage : après un but, on peut se congratuler tous ensemble entre les six fidèles abonnés de notre Reihe Sieben sans craindre de troubler la quiétude de l’alignée de choppes plus ou moins vides qui garnissent notre gradin en championnat… 
 
Et au passage, on ne manque pas d’être surpris par la grande vulnérabilité de la défense d’un ténor d’une Serie A qui n’est décidemment plus ce qu’elle était. Il n’y a pas de miracles : le championnat italien est déserté par les attaquants de classe mondiale qui sont remplacés par des has-been jadis relégués sur le banc dans un championnat majeur (Tevez, Rossi, Klose, Callejon, Higuain, Gomez, Gervinho, Kaka…) et pourtant il s’y marque beaucoup plus de buts que par le passé. C’est donc bien que la qualité des défenses transalpines n’est plus ce qu’elle était et cela explique les difficultés croissantes des clubs de la Botte à briller sur la scène européenne. Cela rappelle la situation de la Bundesliga il y a dix ans en arrière, un championnat moins compétitif mais plus spectaculaire, cela peut être une chance pour faire retrouver aux tifosi le chemin des stades.

Torino, Torino, wir fahren nach Torino (oder nicht)

Avec cette défaite, la situation se complique pour Naples qui devra l’emporter par au moins trois buts d’écart contre Arsenal dans deux semaines pour passer en huitièmes de finale si le BVB l’emporte dans le même temps à Marseille. Le Borussia lui sera maître de son destin et passera à tous les coups en cas de succès au Vélodrome. En attendant, il s’est déjà assuré un printemps européen, avec au pire un repêchage en Europa League, c’est déjà mieux qu’en 2011 et 2012. Personnellement, j’étais assez chaud pour la petite Coupe d’Europe avec la perspective de déplacements autrement plus rock’n’roll qu’en C1 du côté de Razgrad, Salonique, Kazan, Dniepropetrovsk ou Esbjerg et l’espoir d’une finale à Turin en forme de gigantesque clin d’œil de l’Histoire. Mais après avoir pareillement ressuscité dans le groupe de la mort en Ligue des Champions par la magie de cette victoire splendide contre Naples, ce serait quand même un peu du massacre de voir le BVB échouer à défendre sa place de finaliste en C1 pour ne pas avoir su déjouer le piège marseillais. 

Borussia Dortmund – SSC Napoli 3-1 (1-0)

Signal Iduna Park, 65’829 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Carballo.
Buts : 10e Reus (pénalty, 1-0), 60e Blaszczykowski (2-0), 71e Insigne (2-1), 78e Aubameyang (3-1).
Dortmund : Weidenfeller; Grosskreutz, Bender, Papastathopoulos, Durm; Kehl, Sahin; Blaszczykowski (69e Aubameyang), Mkhitaryan, Reus (81e Piszczek); Lewandowski (89e Schieber).
Napoli : Reina ; Maggio, Albiol, Fernandez, Armero; Behrami, Dzemaili (62e Inler); Callejon (66e Insigne), Pandev (76e Zapata), Mertens; Higuain.
Cartons jaunes : 10e Fernandez, 10e Higuain, 37e Albiol, 38e Kehl, 38e Pandev.  
Notes : Dortmund sans Schmelzer, Hummels, Subotic ni Gündogan (blessés) ni Friedrich (non qualifié), Napoli privé de Mesto, Zuniga et Hamsik (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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