Alex Ovechkin : les deux semaines qui vont définir sa carrière

Mondiaux Juniors 2004, Coupe Stanley 2009, JO de Vancouver 2010: lors des 3 grands chocs directs contre son rival Sidney Crosby, Alexander Ovechkin est toujours reparti vaincu. Et depuis 2010, ses performances ont stagné, voir régressé, jusqu’à la saison actuelle, où il est en regain de forme. Sotchi est pour lui rendez-vous le plus important de sa carrière.

Ovi vs Sid

En 2004, la finale remportée par le Canada contre la Russie lors du Championnat du Monde Juniors était le choc des deux plus grandes stars montantes du hockey, le Russe Alex Ovechkin, premier choix du repêchage 2004, et le Canadien Sidney Crosby, premier choix du repêchage 2005. L’année suivante, les deux joueurs brillèrent lors de leur saison rookie de NHL (Ovi 106 points et Syd 102 points). On leur prédisait une domination outrancière. Lors de leurs premières années dans la ligue, les débats «qui est le meilleur, Crosby ou Ovechkin ?» n’en finissaient pas, à l’image des comparaisons Lemieux–Jagr, Borg–McEnroe, Pelé–Maradona ou Frasier–Ali.
Cependant, 10 ans plus tard, les résultats sur la glace ont mis (provisoirement ?) fin à la discussion: malgré des longues interruptions de jeux dues à des commotions cérébrales, Sidney Crosby a remporté une Coupe Stanley en 2009 (après avoir éliminé les Capitals d’Ovechkin) et une médaille d’or olympique (avec un but victorieux légendaire inscrit en prolongations de la finale des JO de Vancouver). Le centre des Pingouins a 105 points en 82 matchs de play-off (moyenne de 1.28 point/match), alors qu’Ovi a 61 points en 58 rencontres (1.08). Le capitaine des Capitals a certes remporté deux Championnats du Monde (2008 et 2012), mais en réalité ce n’est qu’une maigre consolation, car ces titres étaient synonymes d’élimination prématurée des play-off de NHL, et de plus, l’adversité est bien moindre aux CM que dans les finales de NHL, la majorité des meilleurs joueurs du monde étant absents.

Le constat est clair: maintenant âgé de 28 ans, Ovi est un joueur d’immense talent, mais ne fait pas (encore ?) partie de la cour des plus grands, composée notamment de Gretzky, Lemieux, Jagr et… Crosby. A cet égard, l’échéance de Sotchi est pour lui un rendez-vous crucial, sans aucun doute le plus important de sa carrière. Si la Russie gagne l’or, il rejoindrait à jamais le panthéon des dieux du hockey. En cas d’échec, ça serait une page de plus au livre «Joueur de talent qui n’a jamais fait la différence au moment crucial», et la conservation du titre genre «Meilleur joueur à n’avoir jamais gagné un Grand Chelem». Politiquement, il s’agit des Jeux de Poutine, Hockeyistiquement, ceux d’Ovechkin.

L’humiliation de Vancouver

L’ailier droit russe n’a pas oublié le 24 février 2010. En quarts de finale des JO de Vancouver, la Russie fut humiliée par le Canada 7 à 3 (7 à 1 après 29 minutes). La grande Russie, avec toutes ses stars (Ovechkin, Malchin, Datsyuk, Fedorov, Kovalchuk etc…), sans doute la plus forte depuis l’ère soviétique, renvoyée à la maison, en disgrâce. Les Canadiens avaient ainsi  pris leur revanche après leur défaite 0-2 contre les Russes en quarts à Turin.  Pour couronner le tout, depuis que tous les meilleurs joueurs du monde participent aux JO (1998), pas une seule médaille d’Or pour la Russie, contrairement à leurs rivaux (Canada 2, Tchéquie 1, Suède 1). En fait, aucune médaille d’Or aux JO dans l’histoire, sous le nom de «Russie».
Dès le soir de cette défaite traumatisante à Vancouver, où Ovi avait été muselé (0 points, bilan de -2) par la ligne Toews, Richards et Nash, il s’est fixé un seul objectif: Sotchi 2014.
Ainsi, Ovechkin a été, plus qu’aucun autre compétiteur russe, l’ambassadeur des JO de Sotchi depuis quatre ans. Il a déjà déclaré en 2012 qu’il irait aux Jeux quoiqu’il en soit, même si la NHL refusait d’y envoyer ses joueurs. Il s’est rendu à Olympie et a été le premier athlète russe à courir avec la torche olympique. Il sera le cœur et le poumon de la Sbornaja. Et il luttera pour la médaille la plus importante des Jeux pour la mère Russie.  
Dans ce sens, il tentera de suivre les traces de Sidney Crosby, qui avait supporté la pression immense de tout le Canada, peuple passionné de hockey à l’instar du Brésil pour le football, et mené l’équipe à la feuille d’érable au titre suprême en 2010, devant son propre public. Toute autre issue que l’Or sera inacceptable.

L’avantage de la glace ?

Cependant, le chemin sera long jusqu’à la finale du 23 février 13h (heure suisse). En effet, une fois de plus, la qualité et la vitesse des équipes présentes est tout simplement hallucinante, peut-être la plus forte de l’histoire: le tenant du titre le Canada sera favorite du tournoi malgré l’absence de Stamkos et un point d’interrogation sur le poste de gardien (Price, Luongo et Smith ne sont tous pas dans une excellente forme ces jours). Les USA qui ont été coiffés sur le fil en 2002 et 2010 par de très grandes équipes du Canada, ont l’équipe la meilleure depuis la génération qui a remporté la Coupe du Monde 1996. La Suède, avec un doux mélange de joueurs expérimentés (Zetterberg, Alfredsson, D. Sedin) et de jeunes talents (Steen, Karlsson), avec King Henrik (Lundquist) aux buts, ont également la capacité d’aller jusqu’au bout.

Par rapport à ces équipes, il me semble que la Russie est objectivement un cran au-dessous, avec ses 9 joueurs de KHL. Sauront-ils se sublimer devant leur public et utiliser la pression de manière positive, comme le Canada en 2010 ? Ou bien s’écrouleront-ils, comme lors du fameux Championnat du monde de St Pétersbourg en 2000, où Yashin et sa bande d’individualistes s’étaient fait lamentablement éliminés par…  la Suisse (défaite 2-3). Historiquement, le bilan à la maison ne plaide pas en faveur des Russes. Ils n’ont jamais réussi à se qualifier pour la finale lors des deux Championnats du Monde organisés en Russie (2007 remporté par le Canada et 2000). Sous l’ère soviétique, ils ont surtout perdu le match le plus important disputé devant leur public, l’conclusion de la mythique Summit Series en 1972 lors du but victorieux de Henderson à Moscou dans la dernière minute de jeu. Le seul titre à la maison fut celui remporté par la Big Red Machine soviétique, aux Championnats du Monde de 1979, contre une opposition quasi-inexistante.
Enfin, n’oublions pas les outsiders : la Finlande sait qu’au vu de la force de leurs gardiens, tout est possible, comme l’ont démontré les Tchèques (qui sont encore capables de battre n’importe qui sur un match) à Nagano en 1998. Et si la Suisse gagne, ca sera «Miracle on the Ice n°2», et le plus grand exploit de l’histoire du sport suisse.

Rendez-vous avec l’Histoire

En définitive, il faut remonter à la Summit Series de 1972, ou la finale de Lake Placid en 1980 en pleine guerre froide, pour trouver un tournoi avec des enjeux historiques aussi importants. Politiquement, la pression est immense : une médaille d’Or de la Russie sera synonyme de validation du régime de Poutine. Sportivement, une défaite à la maison sur la glace aux dimensions européennes, en particulier si le Canada remporte l’Or, serait le signal que le Canada est en réalité la meilleure nation au monde du hockey sur glace, avec 3 médailles d’Or en 5 éditions. Et enfin individuellement, pour Ovechkin, c’est une l’occasion de battre enfin Sidney Crosby et de prouver qu’il n’est pas le Poulidor du hockey sur glace. La suite de sa carrière sera sans doute définie par l’issue du tournoi olympique. 
Rien que ça. Let the Games begin.

Écrit par Andy Tschander

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8 Commentaires

  1. Sauf que le hockey ne se joue pas en 1v1 et y’a une équipe autour de toi… Ovi éternel Poulidor? Je me souviens pas avoir vu Crosby gagner le Calder en 2006. Ovi a encore quelques années devant lui pour gagner la Stanley et le JO. Bref, c’est 2 joueurs incroyables mais tellement différents…

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