La panne

Notre 144e Revierderby s’est déroulé sous le signe de la panne. Celle de ma voiture tout d’abord, laquelle doit toujours être en rade quelque part du côté de Dortmund. Celle, et c’est beaucoup plus gênant, des attaquants du BVB qui ne sont pas parvenus à prendre en défaut la muraille Ralf Fährmann. Pourtant les occasions n’ont pas manqué…

C’est notre sommet de la saison, le match que l’on attend avec le plus d’impatience, le plus grand derby d’Europe : le Revierderby entre le Borussia Dortmund et Schalke 04. Alors forcément, pour une affiche aussi trépidante, on aime prendre notre temps et préparer notre match, flâner dans une ville qui retient son souffle en attendant le choc qui déterminera son bonheur dans les douze prochains mois et arpenter les Biergarten pour sentir monter la pression. Sauf que ce Revierderby, 144e du nom, ne démarrera pour nous pas du tout, mais alors vraiment pas du tout, comme prévu : nonante minutes avant le coup d’envoi, j’étais encore en train de charger ma voiture en panne sur une dépanneuse dans une ruelle anonyme de Dortmund, je n’avais toujours pas de billet pour le choc le plus attendu de l’année en Allemagne vu que mes Dauerkarten étaient prêtées à un pote que je n’arrivais pas à joindre et, comble de malchance, on s’est fait piquer nos bières par un clochard pendant que je manœuvrais mon véhicule sur la dépanneuse. La mauvaise blague, le cauchemar, le grand coup de stress, je te laisse imaginer l’excitation des gaillards. Mais finalement, tout s’est arrangé ou presque : ma voiture est toujours perdue quelque part dans une banlieue de Dortmund mais devrait pouvoir s’en remettre, on a réussi à négocier avec le clodo pour récupérer (presque) toutes les bières et j’ai retrouvé mon pote et accessoirement mes Dauerkarten. De telle sorte que, trente minutes avant le coup d’envoi, on était en place avec tous les potes du Block 85 et un wagon de bières devant nous dans l’ambiance incandescente du Westfalenstadion. Plus de peur que de mal donc, je m’excuse juste auprès de mes compagnons de route de la semaine de n’avoir pas pu les guider dans la traditionnelle tournée des Biergarten. Pourtant, je comptais beaucoup sur cette dernière pour saouler le dirigeant du FC Servette qui m’accompagnait, histoire d’éviter qu’il ne parvienne à repérer et à piquer un joueur de mon BVB qui pourrait être tenté par les fastes de Schaffhouse ou Chiasso. Mais je crois qu’on a rattrapé le coup après le match. 

Le Derby de la dernière chance

Les derniers Revierderby avaient été marqué par une spirale infernale de la violence. La rivalité légendaire entre Lüdenscheid-Nord et Herne-West avait la fâcheuse tendance à dépasser le stade des provocations et des insultes ; certains énergumènes des deux camps étaient même tellement pressés d’en découdre qu’ils avaient déjà réussi à se battre lors d’un match amical en février à Cologne entre Köln et Schalke, va comprendre… Du coup, les autorités policières réclamaient à hauts cris la tenue d’un Derby à huit clos ou, au moins, sans supporters visiteurs. Finalement, les deux clubs ont réussi à convaincre la maréchaussée de ne pas trop attenter à l’âme du Derby et le match a pu se tenir plus ou moins normalement, nonobstant un petit no man’s land pour séparer le bleu du jaune conduisant, paradoxalement, à la plus faible affluence au Westfalenstadion depuis trois ans et demi pour le match le plus attendu de la saison. Mais les choses étaient claires : le moindre débordement entraînerait des restrictions sécuritaires pour les prochains Derbys. Fort heureusement, tout s’est bien passé et l’on devrait donc pouvoir continuer à apprécier la saison prochaine l’atmosphère et la folie uniques du Revierderby.  

La muraille Fährmann

Si Dortmund – Schalke, c’est avant tout une question de prestige, il y avait accessoirement une deuxième place en jeu entre deux formations décimées par les blessures. Cela ne les empêchera pas de livrer un très bon match de football, avec du rythme, de la qualité technique, des occasions, dans une ambiance grandiose, bref, une superbe soirée de football où il ne manquera que les buts. Si Schalke se crée la première (tir d’Huntelaar au-dessus) et la dernière (frappe de Boateng arrêtée par Weidenfeller) occasion du match, entre deux on n’a guère vu que le BVB. Mais les attaquants dortmundois n’étaient pas dans un soir de grande réussite, entre têtes ratées (Lewandowski, Piszczek) ou frappes mal cadrées (Reus, Mkhitaryan). Et puis les Pöhler se sont heurtés à un Ralf Fährmann intraitable dans les buts des Knappen, lui qui noue un rapport tout particulier avec Dortmund : alors quatrième gardien du club, le portier de Schalke avait profité d’une hécatombe chez les titulaires pour disputer son premier match de Bundesliga en 2008 au Westfalenstadion dans la furie d’un Revierderby de légende ponctué par un retour dortmundois de 0-3 à 3-3 dans les vingt dernières minutes.
Après un stage à Francfort pour s’aguerrir, Ralf Fährmann se voit propulser numéro 1 dans les buts des Knappen suite au départ de Neuer. Pour son premier match comme titulaire, il est le héros de la victoire de Null Vier lors de la Supercup 2012 contre Dortmund. La suite sera plus compliquée pour lui, entre blessures et buts gags qui lui coûteront sa place de titulaire au profit d’Unnerstall (l’actuel gardien d’Aarau) puis Hildebrand. Mais, depuis quelques mois, le jeune Fährmann est de retour en grâce et il va le prouver en cette belle soirée de mars en s’interposant à plusieurs reprises devant Reus et compagnie, sauvant notamment devant Lewandowski qui arrivait seul alors que l’on criait déjà au but.    

Tellement dommage…

C’était l’une de ses soirées lors desquelles tu te dis que ça finira bien par rentrer. Le stade vibre, tu ressens l’attente fébrile de 70’000 fans, un frisson parcourt la foule chaque fois que le ballon s’approche un tant soit peu du but. Tu sens qu’il ne manque pas grand-chose pour définitivement basculer dans une autre dimension : il suffirait que ce fichu bout de cuir daigne passer du bon côté de la ligne pour changer radicalement l’existence de tout un peuple, du moins dans les minutes suivantes, pour accéder à l’état d’extase et d’euphorie.  Et, vu comme les occasions de but se succèdent à un rythme effréné, ça ne paraît vraiment pas insurmontable. Sauf que les minutes passent et ce petit but ne vient toujours pas, tu commences à entrevoir la vague hypothèse selon laquelle l’immense espoir vers lequel communie toute cette foule pourrait éventuellement ne pas se concrétiser, tout en attendant un miracle de dernière minute. Mais de miracle il n’y eut point. Dommage, il y avait pourtant la place pour passer et, après la victoire du match aller à Gelsenkirchen, définitivement considérer cette saison 2013-2014 du BVB comme réussie, quoi qu’il puisse advenir d’autres en championnat, en Coupe ou en Ligue des Champions. Las, cette soirée avait démarré sous le signe de la panne et même la magie du Revierderby au Westfalenstadion n’a pu inverser la tendance.   

Borussia Dortmund – Schalke 04 0-0

Signal Iduna Park, 77’600 spectateurs (guichets fermés, record négatif en Bundesliga depuis le 22 septembre 2010).
Arbitre : M. Sippel.
Dortmund : Weidenfeller ; Piszczek, Papastathopoulos, Hummels Durm; Kehl, Sahin; Grosskreutz (87e Schieber), Mkhitaryan (79e Aubameyang), Reus; Lewandowski.
Schalke : Fährmann; Hoogland, Ayhan, Matip, Kolasinac; Boateng, Neustädter; Goretzka (85e Obasi), Meyer (77e Annan), Draxler (92e Max); Huntelaar.
Cartons jaunes : 24e Reus, 29e Draxler, 58e Hummels, 73e Boateng.
Notes : Dortmund sans Subotic, Blaszczykowski, Schmelzer, Bender ni Gündogan (blessés), Schalke sans Aogo, Santana, Höger, Höwedes, Fuchs, Kirchhoff, Uchida, Clemens ni Farfan (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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