Reusversant

Mené 2-0 à Stuttgart après une entame de match catastrophique, le Borussia Dortmund a réussi à s’imposer grâce à un triplé de Marco Reus. La qualification directe pour la prochaine Ligue des Champions se rapproche aussi sûrement pour le BVB que la chute en Zweite Liga pour le VfB.

Outre ses stades pleins, ses ambiances de feu, ses matchs spectaculaires, ses scores prolifiques et ses bières, ce qui fait le charme unique de la Bundesliga, c’est sa hiérarchie extrêmement mouvante. Contrairement à d’autres championnats où l’on retrouve toujours les mêmes équipes aux avant-postes, en Allemagne un club peut assez rapidement passer des places d’honneur aux tréfonds du classement et inversement. Forcément, ces bouleversements sont porteurs d’espoir pour les clubs en difficultés mais ils font aussi froid dans le dos pour ceux qui aujourd’hui sont au sommet car, à part le Bayern Munich, personne n’est à l’abri d’une grosse dégringolade. L’exemple de Stuttgart l’illustre : en 2007, les Souabes deviennent champions d’Allemagne après une fin de saison de feu qui leur a permis de devancer sur le fil les éternels losers de Schalke 04 et seule une défaite en prolongations contre Nürnberg en finale de la Pokal les prive du doublé. Un avenir radieux semble alors promis à cette équipe jeune et prometteuse.  

La descente aux enfers

Encore troisième en 2009 et sixième en 2012, à chaque fois grâce à une belle remontée de fin de saison, le VfB va connaître une longue descente aux enfers. Le départ de quelques-uns des héros de 2007, notamment Gomez, Khedira ou Meira, n’a jamais été compensé, alors que d’autres n’ont pas confirmé le talent qu’on leur prêtait ou sont sérieusement rentrés dans le rang. Les Souabes ont également connu une longue série de flops dans leur recrutement et se sont régulièrement fourvoyés dans le choix de leur entraîneur depuis le licenciement en novembre 2008 d’Armin Veh qui avait mené le club au titre en 2007. Repartir cette saison avec un entraîneur, Bruno Labbadia, qui n’avait pas réussi grand-chose depuis son arrivée sur les bords du Neckar en 2010, était une erreur, tout comme celle de le remplacer en août dernier par un jeune entraîneur inexpérimenté, Thomas Schneider, lequel n’avait pas les épaules assez solides pour redresser une équipe en manque de leadership. Depuis trois semaines, il a été remplacé par un entraîneur d’expérience, Huub Stevens. mais on peut se demander s’il n’est pas trop tard et si le grand VfB Stuttgart, numéro 5 du tableau d’honneur de la Bundesliga derrière Bayern, Brême, Hambourg et Dortmund, n’est pas mûr pour connaître la deuxième relégation de son histoire après celle subie en 1975.   

La mauvaise habitude

Ce déplacement à Stuttgart n’a pas débuté de la meilleure des manières. Un bouchon monstre sur l’autoroute nous prive de notre traditionnelle halte au sympathique Biergarten de la Polizei. Nous arrivons tout de même à temps pour le coup d’envoi mais nous aurions presque préféré rester coincés un peu plus longtemps dans les embouteillages pour ne pas avoir à subir l’entame catastrophique de BVB. Comme il en a pris la mauvaise habitude lors des matchs précédents une échéance européenne, le Borussia débute sa partie de manière complètement amorphe. Remonté à bloc et jouant sa survie, Stuttgart gagne tous les duels et voit son envie supérieure logiquement récompensée sur une belle frappe enroulée du précieux Christian Gentner puis par un centre d’Ibrahmia Traoré repris dans le but vide par Martin Harnik. Comme à l’entraînement. C’est facile, beaucoup trop facile, indigne d’une équipe qui brigue une place sur le podium pour s’assurer les millions de la prochaine Ligue des Champions. On se dit qu’après Hambourg et Mönchengladbach, unser BVB va à nouveau jouer les bons samaritains et relancer une équipe en grandes difficultés.    

Métamorphosés

Après avoir frôlé le 3-0 sur une frappe mal cadrée d’Ibisevic, les Pöhler vont enfin entrer dans leur rencontre aux alentours de la demi-heure et réduire le score grâce à Marco Reus bien lancé par Jonas Hofmann. Le match avait changé d’âme et la suite ne sera qu’un long monologue jaune et noir. Le VfB pouvait s’estimer heureux d’atteindre la pause avec une longueur d’avance après les occasions manquées par Mkhitrayan et Reus mais ce n’était que partie remise. Si Lewandowski ne trouve que le poteau, Marco Reus lui ne rate pas l’occasion d’égaliser sur un pénalty doublé de l’expulsion de Georg Niedermeier. Forcément, à 11 contre 10 et avec un momentum à faire pâlir d’envie un socialiste français, le BVB n’allait pas se contenter du match nul. Et si le portier Sven Ulreich peut sauver sur un coup franc de Marco Reus, il ne pourra pas empêcher le triplé de l’enfant de Körne sur un tir dévié après un centre de Pierre-Emerick Aubameyang.    

Zweite Liga Stuttgart ist dabei !

Malgré son infériorité numérique, le VfB se procurera une occasion en or d’égaliser mais Martin Harnik ne cadre pas. Une équipe qui demeure de la sorte bredouille après avoir mené 2-0 à domicile et avoir bénéficié d’une pareille chance d’égaliser sur le fil a tout du relégable en puissance. En consultant le programme de fin de saison de Stuttgart, avec deux confrontations face à des adversaires directs contre la relégation (Freiburg et Hanovre) mais aussi quatre face à des équipes du haut de tableau (Gladbach, Wolfsburg, Schalke et Bayern), je ne suis vraiment pas très optimiste quant aux chances de maintien du VfB. Ce serait dommage, il y a un stade, une histoire, des infrastructures, des juniors, un potentiel du côté du Stuttgart qui font que ce club n’a rien à faire en Zweite Liga. Mais, à l’instar de tant d’autres monuments du foot allemand, il pourrait bien payer au prix fort une série d’erreurs de gestion. Comme les fans locaux nous avaient passablement allumés après le 2-0, on ne se pas fait prier pour leur rendre la monnaie de leur pièce à grands coups de « Zweite Liga Stuttgart ist dabei ! ». Encore des nouveaux amis. Et, à défaut d’avoir gagné le Derby, le BVB aura au moins battu l’entraîneur emblématique de Schalke Huub Stevens cette semaine. Une petite consolation, avec en outre la satisfaction d’avoir assisté à un match certes truffé d’erreurs mais éminemment spectaculaire et complètement débridé, de la Buli comme on l’aime.

Le paradoxe

Je crois que j’ai déjà eu l’occasion une fois ou l’autre de te vanter l’ambiance du Westfalenstadion. Mais, paradoxalement, en cette année 2014, le BVB est beaucoup plus à l’aise loin de son temple mythique : sept victoire en huit matchs à l’extérieur contre déjà deux défaites et deux nuls concédés en six parties à domicile. Cela tombe bien, le prochain match a lieu à l’extérieur, à Madrid contre le Real, pour ce que l’on peine à qualifier de revanche, tant le Borussia actuel, entre départ (Götze), suspension (Lewandowski) et blessés (Blaszczykowski, Subotic, Schmelzer, Bender, Gündogan) n’a plus grand-chose à voir avec l’équipe qui avait surclassé les Merengue, tant en phase de poule qu’en demi-finale la saison dernière. D’ailleurs, l’affiche ne suscite pas un enthousiasme délirant dans la Ruhr et les billets s’arrachent beaucoup moins que pour n’importe quel match de Buli. Passé l’engouement du retour en Königsklasse, la Ligue des Champions, ses affiches formatées et répétitives, ses arbitrages tendancieux et ses ambiances aseptisées rebutent de plus en plus les fans de base. Je sais qu’un vrai supporter devrait toujours suivre son équipe, même pour les affiches moisies de compétitions fadasses, mais je me suis assez lâchement réfugié derrière quelques soucis d’agenda pour m’épargner le déplacement du tombeau de Bernabeu. Ceci dit, malgré cette petite infidélité, on a quand même dignement célébré notre équipe après ce succès renversant à Stuttgart, si bien que notre car a pris du retard et m’a fait rater le dernier train de retour pour la Romandie. J’appréhendais beaucoup la nuit à Bienne en attendant le premier train du matin mais j’ai finalement adoré. Je ne pensais pas qu’une victoire du BVB pouvait avoir un tel effet euphorisant que j’en arriverai à rentrer un dimanche matin aux premières lueurs de l’aube en me disant « Biel est magique ». Et pourtant… on n’est vraiment pas au bout de nos surprises avec cette Bundesliga.     

VfB Stuttgart – Borussia Dortmund 2-3 (2-1)

Mercredes-Benz Arena, 59’500 spectateurs (guichets fermés).
Arbitres : M. Weiner, remplacé sur blessure à la 74e par le juge de touche M. Grudzinski, lui même suppléé par le quatrième arbitre M. Pickel.
Buts : 9e Gentner (1-0), 19e Harnik (2-0), 30e Reus (2-1), 68e Reus (pénalty, 2-2), 82e Reus (2-3).
Stuttgart : Ulreich; Schwaab, Rüdiger, Niedermeier, Boka; Gruezo, Gentner; Traoré (70e Sakai), Didavi (60e Maxim), Harnik (86e Cacau); Ibisevic.
Dortmund : Weidenfeller ; Grosskreutz, Papastathopoulos, Hummels, Durm; Kehl, Kirch (60e Sahin); Hofmann (76e Jojic), Mkhitaryan (60e Aubameyang), Reus; Lewandowski.
Cartons jaunes : 35e Kirch, 63e Niedermeier, 96e Grosskreutz.
Carton rouge : 68e Niedermeier (deuxième avertissement). 
Notes : Stuttgart sans Kirschbaum ni Rojas (blessés), Dortmund sans Blaszczykowski, Subotic, Schmelzer, Bender ni Gündogan (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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3 Commentaires

  1. Nicolas : c’est sur qu’en ne sélectionnant que les scores qui t’arrangent.
    Et puis même à part ça, la passion, ferveur et l’authenticité sont plus importantes que le niveau.

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