Le Tigre emmentalois avait la patte bien trop dure pour un tendre LHC

Le LHC 2019, celui de la Gagne, ayant atteint l’objectif suprême de tout un peuple (la mythique Champions Hockey League, ses 5 ans d’existence et son million et demi d’euros à partager entre 32 équipes, faut-il encore le rappeler) malgré sa magnanime décision de ménager le suspense d’une saison qui, certes, n’en avait pas manqué en laissant quelques miettes au menu fretin qu’il devait balayer la semaine dernière en guise d’amuse-bouche, il était temps de passer au plat de résistance. Il allait sans dire que le très vif et presque glabre Jonas Junland et sa bande comptaient s’en réserver la part du Lion.

Le service des sports de la RTS ayant utilisé tout son stock de salive (payé par le contribuable) pour rappeler cent douze mille fois que « la saison est encore longue » à chacune des innombrables défaites des deux subordonnés romands des Rouge et Blanc (oui, deux, même si d’aucuns voudraient nous faire croire que le Eh-Ha-Tsé Biou est également des nôtres) et ainsi ponctuer chacun de ses insoutenables grands formats quand à 2 heures du matin un samedi soir, affalé devant la redif’ de Sport Dernière avec un début de gueule de bois, on veut juste voir les goals bon Dieu, il était même plus que temps d’en finir avec un buffet d’entrées interminable. Presque aussi interminable que cette phrase d’ailleurs. Quand on sait que l’événement de sport collectif helvétique le plus important diffusé en direct sur notre cher service public ces trois dernières semaines était la finale de unihockey féminin Semsales-Gossau (qui a dû en faire vibrer plus d’un(e) dans les chaumières de ces deux plaques tournantes du sport international, on vous l’accorde), on comprend que les habitants de la tour de la province annexée genevoise aient eu l’eau à la bouche à l’idée d’un premier direct de hockey sur glace sur leur antenne depuis 10 mois. On l’aura compris, les choses sérieuses, contrairement à la saison régulière, ne sont plus réservées à une élite télévisuelle prête à sacrifier chaque mois un peu plus de la peau de son postérieur au lobby des chaînes payantes de notre beau pays. Tout le monde est convié au banquet final (enfin à deux matches par journée choisis selon un processus obscur par les trois régions linguistiques, faut pas déconner non plus).

Un LHC plus que dispersé face à un Langnau compact.

Les choses sérieuses (avant la marche triomphale sur l’Europe du mois d’août prochain), c’est les playoffs, bien sûr. Ce juste verdict que 7 matches rendent sans appel et que tous les footeux nous envient, loin des matches aller insipides, des buts à l’extérieur douteux validés par le très sérieux délégué à la VAR et sa canne blanche, des calculs d’apothicaire et du concept incompréhensible de match nul (!). Ce phénomène qui, en deux semaines, peut réduire à néant les litres de postillons haineux projetés par Thomas Rüfenacht en direction du banc adverse pendant 50 matches, les dizaines de décisions plus ou moins erratiques du juge unique (après délibération avec lui-même) privant les joueurs incriminés d’une semaine d’argent de poche, les 52 licences accordées à des joueurs étrangers encore valides par Chris McSorley ou encore la note de frais d’essence exorbitante de Christian Dubé, l’homme qui tenta la traversée de Suisse orientale sans équipement (à l’aller) pour permettre à ses joueurs d’avoir vraiment toutes les cartes en main pour un naufrage en règle et une plongée au classement. Bref, cinq mois de préliminaires pour arracher le droit de se vautrer au moment fatidique. Et à Malley (l’original et la copie), c’est peu dire qu’on s’y connaît en préliminaires. C’était donc forts d’une confiance inébranlable construite par 97 ans sans remporter la moindre série de playoffs (dont 92 sans même frôler le Graal sus-mentionné) que les stoïques locataires du bien nommé quartier des abattoirs accueillaient Langnau et ses 20 défenseurs emmenés par Heinz « catenaccio » Ehlers, l’homme qui ferait passer José Mourinho pour un dieu du jeu offensif et Ivan Lendl pour un joyeux drille. Bref, le chantre du hockey champagne cher au Terry Yake de la plus grande époque qui est aux scores fleuves ce que Bobby Riggs est au féminisme universaliste. On raconte même que notre adepte danois de la guerre des tranchées a reçu une dérogation du responsable du parking de Malley 2.0 pour les deux bus qu’il s’apprêtait à garer devant la cage gardée par Damiano Ciaccio.

Le power play emmentalois face à la passoire vaudoise.

Par souci d’équité sportive, c’est également en transports publics que nous nous sommes rendus à la frontière entre les trois cités les plus majestueuses du monde connu pour observer la légendaire Culture de la Gagne à l’épreuve de la bétonneuse emmentaloise, colmateuse de trous devant l’Eternel. Avec dans un coin de la tête le souvenir d’avril 2013, quand la puissance des rugissements du kop était inversément proportionnelle au palmarès de son équipe, le GSHC refilait encore ses vieilles peaux au voisin lémanique, Thomas Déruns gratifiait les zones mixtes de sa verve et son éloquence naturelles et les hommes de Gerd Zenhäusern envoyaient les Tigres bernois profiter des âpres duels avec GCK et Thurgovie un dimanche à la campagne dans l’antichambre de l’élite. L’heure de la revanche a sonné pour les quelques vétérans, dont l’inénarrable Federico Lardi (sorte de yo-yo humain entre le LHC et les SCL Tigers), qui avaient vécu la relégation ce soir-là. Sauf qu’elle n’a peut-être pas résonné assez fort pour les sonotones desdits vétérans, qui ont probablement eu la main un peu leste au moment de poser leur gant sur le très populaire bouton “snooze”. En effet, avec leur DJ aux platines, les locaux profitaient de quelques brèches (on peut quand même pas faire la vanne du trou à chaque fois) dans la défense emmentaloise pour mettre le feu à la partie. A la 7e minute, Dustin Jeffrey lui-même, qu’on sentait mortifié de devoir se forcer à tirer au but et ainsi laisser tomber son altruisme proverbial, pouvait même ouvrir le score. Le Virage Ouest se félicitait du même coup d’avoir muni ses supporters de cirés rouges à l’esthétisme plus que discutable pour parer à une éventuelle pluie de buts. Malheureusement pour eux, le ciel était sur le point de tomber sur la tête de ce pauvre Sandro Zurkirchen. A peine le temps de s’étrangler de fureur en voyant le score du cousin honni du bout du lac défiler sur le Vidéotron que leurs favoris étaient soudain menés à la marque. Le box play lausannois avait en effet eu l’excellente idée d’activer le mode Ratushny au lieu de s’en tenir à son plan de jeu chiantissime finlandais. Les roublards Aaron Gagnon et Harri Pesonen n’en demandaient pas tant pour s’en aller égaliser en contre (à 5 contre 4, il faut le faire !) et même le pas-encore-sec-derrière-les-oreilles Stefan Rüegsegger pouvait donner un coup de main à un LHC occupé non pas à creuser, mais à forer sa propre tombe au marteau-piqueur dans la glace de Malley.

Le marketing du LHC donne encore une fois dans le génie absolu…

Le power play vaudois s’approchant de la cage des Tigers à peu près aussi souvent que la comète de Halley est visible depuis notre planète, il ne restait plus à Ville Peltonen, bien seul dans son observatoire, qu’à sonner les cloches à ses joueurs pendant la première pause. Avec des effets quelque peu contrastés puisque Langnau passait à 2/2 en supériorité numérique d’entrée de période médiane pour prendre deux longueurs d’avance. On vous épargnera le détail des deux réussites adverses suivantes, pour lesquelles on avoue avoir détourné les yeux par respect pour les familles des victimes. Les effets des boissons de nature éthylique ingurgitées par les joueurs bernois après leur qualification pour les playoffs s’étaient bel et bien estompés alors que la centaine d’articles parus dans la semaine pour vanter la Culture de la Gagne (qu’on ne présente plus à la longue) et la force mentale de ce LHC en mode guerrier qui se doit de tout dévaster sur son passage cette année avait, elle, son petit effet sous les casques rouges (de honte). A leur décharge, ce temps pluvieux ne sied guère à des hockeyeurs à qui l’étiquette de Schönwetterspieler colle à la peau tel le sparadrap du Capitaine Haddock. Gageons que le temps sera radieux lors des quatre prochaines rencontres. Le cas échéant, le zélé préposé suisse-allemand à la traduction en français fédéral du site de la ligue peut déjà préparer son titre pour la fin de la série : “Le HC Lausanne dans le moitié de finale.” Et au pire on se consolera en regardant des vidéos de ce Langenthal-LHC de sinistre mémoire au cours duquel le Maître Jedi Ehlers avait déjà donné une leçon tactique à son jeune Padawan romand. Comme ce soir en somme.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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