Vous souvenez-vous de… Jakob Hlasek ?

Nous sommes le 6 décembre 1992 à Fort Knox au Texas, c’est le dernier jour de la finale de la Coupe Davis qui se joue entre les Etats-Unis et la Suisse. Jakob Hlasek affronte Jim Courier, le no 1 mondial, pour tenter d’égaliser à 2 matchs partout. Après un double héroïque perdu in extremis la veille en compagnie d’un certain Marc Rosset, “Kuba” a l’occasion d’une vie de faire définitivement sortir de l’ombre le tennis masculin helvétique, tout juste auréolé du titre olympique de son « pote » de double. Le match est serré, les deux hommes sont à un set partout, tout est encore possible. Hélas, Courier déroule et plie le match 6-3, 3-6, 6-3, 6-4. Tout est fini, la Suisse devra encore patienter 22 ans avant de soulever le trophée. Rosset continuera ses frasques quelques années sans nouvel exploit notable. Jakob Hlasek, lui, est amer. On lui rabâchera les oreilles toute sa vie sur ce week-end “de folie” alors qu’il y a perdu ses trois matchs.

Jakob Hlasek est né à Prague en 1964 et il est devenu joueur de tennis professionnel en 1983. Point. Il n’existe pas de biographie fleuve à la McEnroe, Connors ou Agassi à son sujet. Pour avoir un aperçu de son parcours de vie, il faut creuser. En fouillant bien, on devine que son immigration en Suisse en 1968 doit avoir un rapport avec le printemps de Prague. Sur le site officiel de l’ATP, on apprend qu’il s’est d’abord distingué en hockey sur glace, mais suite à une charge un peu appuyée lui brisant bras et jambe, son père lui conseille un sport plus sûr : le tennis. Évidemment, il ne pouvait se douter que son fils passera la majeure partie de sa carrière aux côtés de Marc Rosset.

La nonchalance et l’élégance, le fêtard et le couche-tôt, le feu et la glace; aux yeux du grand public, la carrière de Hlasek est inévitablement associée à celle de Marc Rosset. Souvent pour le meilleur (sportivement) avec des titres en double à Roland Garros et Rome ainsi que de nombreux exploits en Coupe Davis. Dans l’intimité, en revanche, leurs différences de style et de caractère perturbe leur relation. Tél Laurel et Hardy qui ne pouvaient pas se voir en dehors des tournages, Marc et Jakob n’ont jamais été amis. “Nous nous entendions dans l’intérêt national. Nous nous fréquentions amicalement sur les tournois, mais nous ne nous téléphonions pas le reste du temps” avouera Jakob au Temps en 1999.

Avec 5 titres ATP et une 7ème place mondiale atteinte en 1989, Jakob Hlasek a été un très bon joueur de simple. Mais sa spécialité reste le double où il atteint la 4ème place ATP et décroche 20 titres dont un Grand Chelem (RG 1992). Il remporte même le masters 1990 avec Guy Forget comme partenaire, c’est dire l’exploit. Une fois retiré du circuit professionnel, Kuba prend en toute logique les rennes de l’équipe Suisse de coupe Davis en 1999. Avec le vieux briscard Rosset accompagné du jeune prodige Roger Federer, le titre raté d’un cheveu en tant que joueur était à portée de main comme entraîneur. Malheureusement, ce qui devait être le grand moment de son après-carrière s’est transformé en catastrophe intégrale.

Lors de la nomination de Hlasek comme capitaine, Rosset annonce son boycott de la compétition. Les deux hommes sont en froid depuis plusieurs mois et s’écharpent pas déclarations de presse interposées. Rosset finira par revenir en 2001 et en avril, l’équipe de Suisse affronte la France à Neuchâtel. À la fin de la première journée, les helvètes sont menés 2-0. Durant la conférence de presse du soir, Roger Federer, même pas 20 ans et aucun titre notable à son actif, envoie un missile : “Ça n’a jamais fonctionné avec Jakob. Je l’ai ressenti sur le court. On a déjà eu des frictions par le passé mais là ça n’a tout simplement pas fonctionné. Je n’ai pris aucun plaisir à être sur le court aujourd’hui. » Les jours suivants, le pauvre Jakob fait peine à voir en faisant semblant d’encourager ses joueurs qui ne l’écoutent plus, mais petit miracle, le caca nerveux de Federer a fait son effet et il gagne le double et son second simple, la Suisse revient à 2 partout, mais perd le match décisif 8-6 au 5ème set avec…George… fucking… Bastl (Rosset était trop « fatigué » de son simple). Sous la pression de Roger, Kuba est ensuite rapidement dégagé du capitanat. Son dernier “trophée” est donc absolument unique ! Qui, en effet, peut se targuer de s’être pris la tête avec Dieu?

Federer et Hlasek en 1999 lors d’un entraînement de Coupe Davis (désolé pour la qualité d’image, il n’y avait pas encore la HD)

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