Hockey boomer

Avouons-le d’emblée, on s’est retrouvé au centre névralgique des Jeux olympiques de la jeunesse presque par inadvertance. On s’ennuyait à mourir sans matches à domicile du LHC depuis 8 jours, voyez-vous. On se faisait tellement chier qu’on avait décidé de passer à la Vaudoise aréna, juste comme ça, pour vérifier si par hasard on s’était désabonné par erreur des multiples réseaux sociaux nous rappelant l’existence du club vaudois et les occurrences de ses joutes sportives. Au pire, on s’était dit qu’on croiserait Jonas Junland préparant une story Instagram tout seul dans les tribunes. Au mieux, il se passerait vraiment quelque chose. Bref, on a vu de la lumière et on est entré.

La présence d’une nuée de Témoins de Jéhovah, tels des vautours attirés par un afflux potentiel de crédulité internationale sur notre territoire, nous pousse à forcer le pas vers les portes de la cathédrale prillérane. On débute notre première expérience olympique avec le hockey 3×3, cette variante qui ne s’arrête jamais hormis 2×3 minutes de pause en guise de tiers temps et qui réduit la durée d’une partie à moins d’un tour d’horloge. « 52 minutes et c’est fini ! Heureusement que c’était gratuit ! » s’exclame un papa un brin agacé dans les coursives de Malley. Pour le reste, 3 périodes de 16 minutes, changements de lignes obligatoires de part et d’autre toutes les 60 secondes, une rocade de gardiens par période et des pénalités différées à l’entrée du prochain bloc sur la glace (à 2 joueurs au lieu de 3) en cas de fautes (les charges sont interdites). Bref, tout est fait pour que le spectateur de la dernière année de la deuxième décennie du XXIème siècle n’ait pas le temps de s’ennuyer et donc de se saisir de son smartphone (oui, la décennie c’est 2011-2020, le décompte a commencé en l’an 1, pas l’an 0, arrêtez de nous emmerder avec vos rétrospectives).

On souffre encore de stress post-traumatique après avoir revu la fameuse mascotte vache-chèvre-Saint-Bernard aux yeux raclette qui ferait passer Gritty pour un type assez terne.

Ce (télé)spectateur (qui peut aussi se muer en lecteur), vous le connaissez bien. C’est le même qui ne clique pas sur le lien menant à un article si on ne lui a pas explicitement signifié au préalable que sa lecture prendrait moins de 2 minutes de son précieux temps de cerveau. C’est aussi celui qui n’est plus capable de regarder un match de tennis au meilleur des 5 manches du début à la fin sans zapper. Face à cette diminution générale de la capacité d’attention, les instances tennistiques ont décidé d’abdiquer au lieu de lutter, avec des formats comme le Fast Four, les super tie-breaks, le retour aux 3 sets gagnants en Coupe Piqué ou encore la suppression de la règle des avantages dans certains cas. A travers cette nouvelle formule en phase de test aux JOJ, le hockey sur glace semble se diriger dans la même direction. Notre excellent confrère Rémi Bourrières nous explique pourquoi ce n’est pas forcément l’idée du siècle ici.

Il faut faire fonctionner sa matière grise pour comprendre tout ce qui se passe sur la glace.

On vous a fièrement listé les nombreuses règles de ce sport qui se pratique sur une moitié de patinoire dans le sens de la largeur et permet ainsi la tenue de deux matches en simultané comme si on l’avait pratiqué toute notre vie, mais on admettra volontiers qu’on n’en mène pas large au moment de s’asseoir en tribune. C’est même la première fois que nous nous rendons dans un stade en étant aussi loin de maîtriser les tenants et aboutissants de ce qui va se dérouler sous nos yeux. Voilà qui nous aura au moins permis de mieux comprendre les souffrances hebdomadaires d’une bonne partie du public habituel de l’enceinte lausannoise. Fort heureusement, lorsqu’on se déplace dans le saint des saints de la culture romande, Halloween, le match des mamans ou encore LHC plays 4 kids priment toujours sur le bruit de fond un peu vulgaire qui provient de la surface glacée. Dieu soit loué, les vitres du restaurant VIP sont hermétiques.

Terry Yake n’aurait pas renié ce genre de score.

Au programme de la session de 17h30, les Brown Badgers affrontent les Grey Rhinos pendant que les Green Leafs et les Red Rebels s’écharpent quelques mètres plus loin. Vu le bruit côté écarlate, le public local a l’air de se croire en présence de la Nati, mais malheureusement pour eux c’est bien plus compliqué que ça. Par pur esprit de contradiction, on s’assied face au match qui oppose les deux premiers cités, qui ont clairement tiré la courte paille au moment de choisir les couleurs. A moins que celles-ci n’aient également été tirées au sort, comme la formation des équipes composées de joueurs de nationalités diverses et variées. Une fusion improbable entre le collectif pour la grève du climat et le CIO en quelque sorte. Improbable comme les individualités présentes sur la glace d’ailleurs. En voyant la première sortie de la ligne emmenée par le placide Lake (Australie) secondé par Hsu (Hong Kong) et Banek (Croatie), on a vaguement l’impression de s’être fait avoir. Les autres nationalités représentées sont le Mexique, la France, la Colombie, le Japon, le Qatar, l’Espagne (il paraît que son représentant Mata a ri en apprenant sa sélection), la Hongrie, la Grande-Bretagne, l’Estonie, la Bulgarie, la Russie, la Slovaquie, la Norvège, la République tchèque et l’Autriche. On jette un coup d’oeil envieux vers l’autre moitié de la surface de jeu et on remarque que les rouges et les verts se sont gardés les Suisses et les Finlandais. Si toutes les équipes suédoises tous sports confondus n’avaient pas écopé d’une interdiction de séjour sur territoire helvétique à tout jamais, on se serait cru à l’Eurovision.

A peine le temps de pivoter vers l’autre match que les rouges ont raté leur unique essai.

Score final sur notre partie du rink: 16-6 en faveur de la formation évoluant en brun. La valeur des gris reste donc à prouver. Sur la demi-patinoire voisine, on est mûr pour une prolongation entre les rouges et les verts. Enfin c’est ce qu’on croit, jusqu’à ce qu’on nous explique qu’on s’est fait avoir comme un bleu et qu’on va directement passer aux tirs au but. Environ 3 millièmes de secondes plus tard, tout est déjà terminé. En effet, en hockey 3×3, on passe en mode mort subite dès la première tentative. Deux face à face plus tard, les Green Leafs passent à l’orange et remportent donc la séance sur le score de… 1-0. Il y a de quoi rire jaune. On se dit de plus en plus que ce sport aurait tout à fait sa place au panthéon de cette rubrique qui fait la fierté de la rédac’ de Carton-Rouge. Embourbé dans notre conservatisme un tantinet réactionnaire, on se réjouit quand même du début du tournoi de hockey, le vrai, le week-end prochain.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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6 Commentaires

  1. J’ai été jeter un œil ce dimanche. J’ai trouvé intéressant à regarder mais ça me semble difficilement applicable chez les adultes..

    Après la mixité nationale c’est cool pour les joueurs qui sont dans des petites nations du hockey (Roumanie, Turquie, Australie, etc) ça leur permet de quand même disputer les JO. M’est d’avis que c’est uniquement pour ça qu’ils ont choisi cette option là (par contre ça va être sympa le décompte des médailles à la fin 🤪).

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