Une bulle, des brutes et du hockey champagne

Santé !

Il est temps de se plonger dans le plus grand évènement sportif de l’année – après la finale du championnat de France de hockey subaquatique, la rencontre annuelle de kronum des quartiers bourges de Philadelphie et la Champions Hockey League bien sûr. Présentation très sérieuse de la non moins austère finale de la Coupe Stanley 2020 entre deux mondes que tout oppose. A bâbord, les Dallas Stars et leur Cinderella Run qui nous rappelle chaque jour que nous sommes en 2020, année apocalyptique au cours de laquelle plus rien ne peut nous étonner (sauf peut-être un titre majeur conjoint du duo Paire-Mladenovic). A tribord, Tampa Bay Lightning, finaliste au moins aussi surprenant que la présence de Nadal un dernier dimanche de réunion sur brique pilée, ultimes assauts de la normalité face à une époque qui nous échappe presque autant qu’un Classique PSG-Marseille a tendance à s’affranchir de toute règle de bienséance. Voilà qui promet.

Comme 48 heures d’isolement c’est pas assez pour s’intéresser aux 88 matches officiels disputés par le Lightning cette saison, cet article sera aussi biaisé qu’un plateau hockey de la chaîne MySports devant donner son avis sur la grève des femmes. En même temps, si vous étiez à la recherche d’objectivité sur notre site, vous vous êtes clairement fourré le doigt dans l’œil avec une profondeur digne d’un test de dépistage du COVID. Allez, on embarque pour un survol des forces en présence à travers une série de considérations laborieuses au sein d’entreprises qui ne connaissent pas la crise (contrairement au reste de l’univers en ce moment). Voilà qui devrait nous permettre de prédire le nom du vainqueur avec une fiabilité proche de celle des prévisions climato-épidémiologiques de Donald Trump.

L’intérimaire qui pourrait décrocher un CDI sur un malentendu

Rick Bowness. Le coach ad interim des Stars (souligné trois fois en rouge, impossible de lire un article qui ne rappelle pas à vingt reprises cette étiquette de denrée périssable qui le différencie de ceux qui ont cimenté leur statut dans la grande ligue) a une histoire presque aussi rocambolesque que la saison 2019/2020 de son équipe actuelle. Comme honnête tâcheron sur la glace puis derrière le banc, « Bones » est un spécialiste des équipes disparues (les Atlanta Flames ou encore la version originale des Winnipeg Jets) et/ou particulièrement nulles (notre ami est notamment le premier coach de l’histoire des Ottawa Senators deuxièmes du nom, et en 1992, quand on est issu d’une expansion draft, on rigole moins que les Vegas Golden Knights en 2017 et on finit la saison avec un ratio de 10 victoires pour… 74 défaites). Après avoir principalement assisté des amiraux dans le naufrage (y compris à Dallas), le matelot le moins célèbre de Nova Scotia (pas facile de régater avec Nathan MacKinnon et Sidney Crosby) s’est soudain retrouvé au gouvernail du Radeau de la Méduse par le plus pur des hasards.

Juste le temps de s’enlever ce bout d’épinard coincé entre les dents avant de passer à la postérité.

Si Twitter pouvait voter sur son statut à l’American Airlines Center, il serait sûrement relégué au rang d’homme de piste ou d’ingénieur en nettoyage de cuvettes. Même si le réseau social le plus mesuré au monde a parfois eu raison de s’enflammer suite à des décisions dignes de la meilleure époque de l’Olympique des Alpes, celui qui a pris les commandes de la franchise texane avec un passif de 340 défaites en 463 parties dirigées a préféré la boucler et se qualifier pour sa troisième finale de Coupe Stanley, ce qui devrait lui valoir un contrat en béton pour la saison prochaine. Inutile de préciser que le natif de Moncton dans le New Brunswick était reparti la queue entre les jambes de ses deux premières apparitions dans l’antichambre de la Mecque du hockey sur glace.

A la rédac’ de Carton-Rouge, en tant que défenseurs de la veuve, de l’orphelin et du loser, ça nous ferait quand même vachement marrer s’il clouait le bec à tout le monde d’un coup d’un seul.

Le chouchou du patron

Jon Cooper. Le coach (un vrai, avec un contrat sans label gênant comme ci-dessus) de Tampa Bay Lightning n’en est pas à son premier voyage chez Lord Stanley non plus. Et figurez-vous que notre pote Rick Bowness l’avait aidé à s’incliner face aux Chicago Blackhawks en 2015, avant de se faire virer sous prétexte que la défense (dont il avait la charge) n’était pas tout à fait au niveau attendu. Un comble pour celui qui ferait passer Heinz Ehlers et Ville Peltonen pour des chantres du hourra hockey dignes d’un Terry Yake sous amphétamines. Bref, Cooper conserve de son propre aveu beaucoup d’admiration pour son aîné de 12 ans qui lui a servi de mentor pour son premier job en NHL. Il compte certainement également sur lui pour son premier trophée majeur.

L’employé du mois

Miro Heiskanen. Même les chaînes nationales doivent reconnaître qu’il se débrouille bien ce p’tit jeune maintenant que leurs chouchous Nathan MacKinnon, Cale Makar et Shea Theodore sont éliminés et qu’il faut soulever une œillère pour regarder un peu plus vers le sud de la Mason-Dixon Line. Un Conn Smythe en finale avant un Norris la saison prochaine pour celui dont on dit localement qu’il sera un Roman Josi 3.0 ? Il se murmure également qu’une victoire en finale pourrait lui assurer d’être le dernier possesseur du numéro 4 à Dallas. La gloire éternelle à 21 ans. Alors qu’on défie quiconque de nous citer (sans consulter Google), par exemple, le nom du capitaine qui a soulevé la Coupe Stanley le 19 juin 1999 dans la Marine Midland Arena de Buffalo et dont le numéro 2 est actuellement sur les épaules de Jamie Oleksiak. Non, Mike Modano n’avait qu’un « A » brodé sur son chandail.

N’hésitez pas non plus à en foutre une après cette lecture fleuve et à aller googliser « Miro Heiskanen » si sa tête ne vous revient pas puisque aucune image libre de droits potable du meilleur défenseur de la ligue ne semble disponible.

Le titulaire au chômage partiel

Ben Bishop. Un match contre Calgary au premier tour, un tiers désastreux au deuxième contre Colorado. Le reste du temps, celui à qui on pardonne tout et dont le statut est aussi menacé au Texas que celui d’un cadre de la Nati pendant l’ère Köbi Kuhn, est resté en tribune. On vous avoue qu’on trouve dommage que Big Ben ne joue pas rien que pour les histoires qu’on peut vous conter à son sujet.

Et pourtant on pensait que Bishop avait les épaules pour briller en finale.

En effet, en 2013, le natif de Denver était transféré d’Ottawa à Tampa Bay alors même qu’un certain Cory Conacher faisait le chemin inverse. Il tirait du même coup son futur adversaire dans la finale des finales d’un sacré mauvais pas en prenant la place de titulaire dans la cage à la tristement célèbre passoire davosienne Anders Lindbäck dont on se demande encore comment 5 équipes de NHL différentes ont pu lui faire confiance 130 fois sur une durée de 6 ans. Bishop s’était ensuite blessé pendant la finale de 2015 perdue par la franchise du Sunshine State, un destin qui semble le poursuivre avec une volonté aussi farouche que Novak Djokovic dans sa quête de l’acrimonie de tout organisme vivant de la galaxie.

La promotion qui va faire sauter la banque

Celle d’Anton « Dobby » Khudobin, le meilleur backup de la ligue en saison régulière. Mais un backup reste un backup (demandez à Rick Bowness, il s’y connaît en étiquettes). Et quand le numéro 1 s’appelle Ben Bishop, qui serait un candidat naturel au Vezina Trophy de meilleur gardien si les pontes de Toronto savaient placer Dallas sur une carte, ça peut poser problème. Mais quand ce dernier est blessé (pardon, unfit to play pour des raisons obscures), ça change tout. 16 titularisations en playoffs plus tard, ça sent vaguement la merde pour le plafond salarial texan. On soupçonnait le jovial goalie de vouloir monnayer sa nouvelle valeur sur le marché florissant des gardiens remplaçants, mais là il va carrément demander un poste à temps plein, le bougre (et il aurait vraiment tort de se priver). En tout cas on serait étonné si Dobby n’exigeait pas plus qu’une paire de chaussettes et sa liberté cette fois.

On en connaît certains à qui la montée en puissance de la Muraille d’Ust-Kamenogorsk commence à foutre les jetons.

En tant que fan absolu des Stars, on ne vous parlera pas de ce qui se passerait si notre dernier rempart kazakh préféré devait se blesser et laisser sa place au rookie Jake Oettinger, 2 tiers temps de NHL et quelques biberons à son actif. Notre pompe aortique (qui a déjà pris de l’âge depuis le début des séries éliminatoires) s’emballe rien que de penser à cette éventualité.

Le stagiaire devenu CEO en un été 

JFK. Non, pas lui, l’autre. Même si celui auquel vous pensez, qui était alors le président en exercice, a rendu son dernier souffle à Dallas le 22 novembre 1963. On veut évidemment parler de Joel Fucking Kiviranta, de son triplé magique lors de l’acte VII contre Colorado et de son égalisation sur le fil contre Vegas il y a moins d’une semaine en finale de conférence ouest. « Joel Fucking Kiviranta » donc, doit son sobriquet à Antti Mäkinen, le journaliste finlandais surexcité (si vous êtes déjà allé en Finlande vous comprenez à quel point le mariage de ces deux derniers adjectifs est une anomalie sémantique) dont le commentaire des buts de JFK a fait le tour du monde. Écoutez plutôt:

La partie « JFK » est quant à elle à retrouver ici. On rappellera à tout hasard que le nouveau Finnisher (elle n’est pas de nous non plus, à notre plus grand regret) des Stars était juste censé couper deux-trois citrons en fines lamelles sur le banc cet été, rien de plus.

Le nouveau slogan de la boîte

En 2018, le tube de l’été nous venait d’outre-Manche, était lié à la campagne en Coupe du Monde d’une équipe qui suivait aveuglément un type en gilet (ce qui est bigrement louche en soi) et se déclinait comme suit: « It’s coming home ! » Deux ans plus tard, on restait dans la même mouvance avec le hit interplanétaire « Stay home, save lives » entre mars et mai. Comme à Dallas on ne fait rien comme tout le monde, le désormais mythique Kiviranta a rendu célèbre le nouveau slogan maison du vestiaire des Stars après chaque victoire: « We’re not going home ! » On a l’esprit de contradiction ou on ne l’a pas et à Carton-Rouge on a engagé des gens pour moins que ça.

Les collègues pas si indispensables que ça

Tyler Seguin et Steven Stamkos. Apparemment on peut se qualifier pour une finale de Coupe Stanley avec le fantôme du premier sur la glace et en se passant tout bonnement des services du second. Bon à savoir. A Tyler de nous faire ravaler nos vils propos en faisant tourner les têtes des divas adverses comme lors de ses meilleures soirées en boîtes de nuit biouloises.

Tyler Seguin vers 23h à la Coupole, au moment où une fille lui annonce qu’elle va finir la soirée avec Patrick Kane.

Les membres fondateurs qu’on avait mis au placard

Jamie Benn, Joe Pavelski et Corey Perry. En NHL, un capitaine est un vrai meneur d’hommes, le plus souvent par les actes sur la glace. Pas comme Mathieu Tschantré et Etienne Froidevaux donc. Du coup quand les deux premiers cités prennent une saison régulière sabbatique et que le troisième prouve qu’il fait l’année de trop, on est très content qu’ils reviennent montrer l’exemple en playoffs. Même Corky « Rüfenacht » Perry est retourné se faire péter la gueule dans la peinture bleue et insulter les compagnes et les filles de ses adversaires dans les cercles d’engagement.

L’homme qui ferait passer Tristan Scherwey pour un Bisounours croisé avec un Teletubby.

Le gars qui fait beaucoup d’efforts mais qui n’arrive jamais à pécho aux soirées de boîte

Mattias Janmark. Un chouette type qui travaille fort dans les deux sens de la patinoire (plus éculé comme expression, hormis la mille fois galvaudée « remontada » et la fort surcotée « breaking news » au temps du corona, on n’avait pas), mais il raterait une cage helvétique vide depuis le slot dans un match à élimination directe sur la scène intercontinentale. Un comble pour un Suédois. Son dernier but date du 15 février dernier. Même la Saint-Valentin, il l’a ratée.

En même temps quand on a gagné… euh ah non, 2015 c’est la seule finale perdue par Frölunda dans la mythique CHL.

Les départs à la retraite qui ne rajeunissent personne

Les deux villes dont la simple association avec le terme « hockey sur glace » dans une phrase P donne envie à tout Canadien qui se respecte de se crever les yeux au pistolet à clous en sont à deux ascensions jusqu’à la dernière marche menant au Graal de leur sport chacune (1 victoire et 1 défaite de part et d’autre). On parlait plus haut de la dernière apparition de la franchise de Floride à ce stade en 2015, mais il faut remonter autrement plus loin pour retrouver la première.

Ah, 2004/2005 et cette relégation une année de lockout avec le meilleur pointeur de NHL dans ses rangs, c’était le bon temps…

En 2004, alors que votre serviteur révisait pour ses examens du certif’, l’armada emmenée par Brad Richards, Vincent LeCavalier et le top scorer Martin St-Louis (à quelques mois de s’échouer sur les berges de Malley lors du lockout) battait les Calgary Flames en 7 matches. Quant à leurs adversaires texans, on n’ose même pas vous dire quel âge on avait lorsque Mike Modano, Sergei Zubov, Marty Turco et Jere Lehtinen se qualifiaient pour deux finales consécutives en 1999 et 2000, une époque où les cartes postales new-yorkaises avaient une tout autre gueule.

Le docte pronostic de la rédac’

Comme les Stars ont été donnés aussi archi-perdants que l’adversaire d’un candidat PDC lors d’élections au Conseil d’Etat valaisan à chaque tour pour finir par l’emporter haut la crosse, la superstition nous force à prédire un 4-0 pour Tampa Bay Lightning. A moins bien sûr d’un coup de tonnerre, voire d’un éclair de génie qui propulserait les Stars au firmament.

P.S. On s’est rendu compte beaucoup plus tard qu’on aurait pu en ajouter d’autres. Du coup on les pose là, vite fait.

L’employé visionnaire par exemple: Joe Pavelski, qui au moment de quitter les San Jose Sharks après 13 ans de bons et loyaux services il y a 12 mois avait fini par réduire ses options à 2 équipes, les Stars et les Bolts ici présents. Ça ne s’invente pas. Remarque, il ne sait pas encore s’il a choisi le bon, hein.

Ou encore l’opportunité d’une carrière vendangée: Roman Polak qui se demandait si la bulle vaudrait tous les efforts et l’argent investis et qui est resté en République tchèque faute de certitudes sur sa place dans l’alignement. Deux mois plus tard, Dallas en est à son neuvième défenseur et le brave Roman doit se dire que ça doit être cool de marquer en finale de Coupe Stanley. Probablement plus que soulever de la fonte dans un fitness de Vitkovice en préparation de la saison 2020/21. Mais on dit ça et on ne dit rien.

 

Crédits photographiques:

Rick Bowness : Pens Through My Lens/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/User:Pens_Through_My_Lens

Ben Bishop : Tsyp9/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/User:Tsyp9

Anton Khudobin : Hephaion/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/User:Hephaion

Tyler Seguin : Tsyp9/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/User:Tsyp9

Corey Perry: Paperfire/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Corey_Perry_2016.jpg

Mattias Janmark : Benj05/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mattias_Janmark4.JPG

Martin St-Louis : Thepowernerd/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Martinstlouis_lightning2010.JPG

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"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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