Pas de Rappi pour le cirque du sommeil

Alors que la saison régulière le long pensum qui mène aux playoffs (ou pas) touche à sa fin, on se félicite d’avoir vécu #UneSaisonUnique du côté du Lausanne Hockey Club. En effet, par définition, ce genre d’occurrence ne se produit généralement qu’une fois, Dieu soit loué. On s’envoie également de grandes tapes dans le dos en pensant que, contrairement à une série de rencontres de championnat face à Fribourg, il ne sera possible de perdre que 4 matches consécutifs en cas de qualification improbable pour les séries finales. Avant de disserter sur ce funeste destin, Carton-Rouge se devait de terminer son année hockeyistique comme il l’avait débutée : dans un lieu des plus improbables. Après avoir ouvert les feux à Yverdon en septembre, c’est donc à la St. Galler Kantonalbank Arena de Rapperswil que nous nous retrouvons six mois plus tard pour vous conter fleurette. Retour sur un bouquet final qui promettait un duel à fleur de peau entre deux candidats au… euh enfin deux formations qui ne comptaient pas se laisser cueillir à froid.

Le contexte

C’est le cœur léger que nous avons fait le voyage vers la Goldküste. En effet, tout était rentré dans l’ordre mercredi dernier déjà, bien avant notre départ de la capitale olympique. Patrick de Preux étant intervenu sur le forum de discussion le plus influent de la galaxie pour calmer ses claviers les plus acerbes, il n’y avait plus aucune raison de gamberger sous les casques vaudois. Même après avoir plagié le scénario du film le plus répétitif de la carrière de Bill Murray pour la sixième ET DERNIÈRE FOIS (pardon, caps lock s’est encore coincé) de la saison la veille. Même après s’être rendus responsables de plus d’un quart (!) des points volés braqués glânés de manière on ne peut plus méritoire par Gottéron (17/64 au soir du 18 février). L’inflexible Ville Peltonen et ses braves et ô combien disciplinés soldats de plomb allaient faire un malheur dans la périphérie saint-galloise, on en était convaincu. La mort de Larry Tesler, inventeur du salvateur CTRL+C / CTRL+V, annoncée en ce même mercredi semblait d’ailleurs marquer la fin des scénarios vus et revus pour les Lions de manière on ne peut plus définitive. Dans la plus pure mauvaise foi qui nous caractérise, on ignore évidemment sciemment la troisième défaite en quatre matches face à Bienne la veille de la partie qui nous occupe qui est aussi la cinquième en six rencontres pour le LHC et la quatrième déconvenue de suite à domicile.

Le bataillon vaudois se rapproche du front.

Le cadre

Bref, vous l’aurez compris, le fameux cimetière indien sur lequel les diverses moutures de Malley ont été construites les unes après les autres est plus actif que jamais. Raison de plus pour foutre le camp le plus loin possible et ainsi espérer goûter à la douceur oubliée d’une victoire. Spéculer sur l’occurrence de cette dernière à la St. Galler Kantonalbank Arena de Rapperswil nous semblait bien plus (r)assurant que le faire à la Vaudoise aréna. Enfin ça c’était avant qu’on nous dise que Rappi avait emmagasiné 40 points à domicile en 23 matches et que leurs adversaires du jour étaient également les derniers visiteurs invaincus dans la banlieue de Zurich avant le duel qui nous occupe.

Le soleil se couche sur les ambitions du Lausanne HC cette saison. C’est drôlement plus joli que la plupart de leurs prestations.

Force est de constater que notre arrivée en ville était des plus triomphales. Jusqu’à ce que des supporters du FC Zürich, écharpes bleues et blanches à l’appui, repèrent notre bonnet vert des Dallas Stars. Leur accueil n’en était que plus cordial : « Scheiß St. Gallen ! » Le « Allez Lausanne ! » lancé en retour les laissait dans un état de perplexité proche de celui de Virna Conti lorsqu’on lui pose une question de culture générale. On imagine que le score final de leur match face à Xamax a également dû refréner certaines ardeurs.

Le stade

Un vieux truc en bois et en taule qui sonne creux en gros.

Un palmarès long comme le bras de Mimie Mathy.

Le public

Les 15 personnes présentes se connaissaient toutes. En tant que seuls badauds n’ayant serré la pince d’absolument personne au beau milieu du no man’s land que représentent les places assises locales, nous étions conscients que ne pas se faire repérer aurait tenu d’un miracle digne d’un triplé de Tim Traber. Heureusement, Vadim « Plushenko » Pereskokov se chargeait de distraire tout le monde avec une tentative de quadruple boucle piqué au-dessus de Noël Bader. Raté, même s’il lui a drôlement foutu les boules. Malgré le remplacement de Noël par sa doublure Melvin Nyffeler, ça sentait déjà fort le sapin pour les protégés du toujours vert Jan Alston à ce moment-là. Déjà bien de quoi se faire enguirlander. On précisera que cette saillie du joueur russe non sanctionnée par les hommes en noir poussait même Stéphane Rochette à s’exclamer que les arbitres avaient « manqué le bateau » (comme on dit au Québec) sur le plateau de MySports. Largement de quoi réveiller tout supporter normalement constitué à notre sens. Comme tout vient à point à qui sait attendre (surtout à Rapperswil), il faudra patienter jusqu’à la tentative de meurtre d’Andrew Rowe sur Fabian Heldner pour que le kop indigène chante enfin plus fort que les quelques lausannois complètement inconscients ou tout simplement masochistes qui avaient fait le déplacement.

Entre le train, le stade, la ville et le contenu proposé par les Rouge et Blanc, le thème du vide nous aura poursuivi toute la soirée.

Le contingent

Contrairement à Lausanne où tous les joueurs (sauf Traber) pensent pouvoir prétendre à une place sur l’un des deux premiers blocs, à Rappi on n’a que des joueurs de rôles bien définis. Morceaux choisis:

Roman Červenka : le Neymar saint-gallois, un immense joueur un peu lunatique qui vient traîner son spleen dans un club médiocre. A la différence du champion de plongeon synchronisé brésilien, le virtuose tchèque ne s’est toutefois pas mis au niveau de sa nouvelle équipe.

Quand l’ancien fleuron de Saint-Léonard joue son rôle de finisseur, la soirée se termine en général assez bien pour ses couleurs.

Dominik Egli : le malchanceux. A 21 ans, il effectue de très loin sa meilleure saison (35 points en 43 sorties). Pas de bol, il a encore un contrat d’un an, sous-payé, chez la lanterne rouge. Il ne lui reste que ses yeux pour pleurer (et voir la valeur de Johann Morant et Claudio Cadonau crever le plafond dans un marché aussi sec que le cœur d’un banquier de Suisse orientale).

Andrew Rowe : la copie. Le pauvre mec dont chaque goal est accompagné d’un « Rowe avec un W » contrit. Ce que le Petr Sýkora de Davos (« l’autre Petr Sýkora ») est à son homonyme aux 4 finales de Coupe Stanley en somme. A ne pas confondre avec le vrai.

Tom Pyatt (toujours aussi glamour à 33 ans), Daniel Vukovic, Juraj Šimek et Kay Schweri : la récup’. En bons citoyens, les Lakers aident la déchetterie des Vernets à recycler ses pièces usagées.

On passera encore rapidement en revue le fort généreux Noël Bader, l’énergique Nico Dünner et le versatile Gian-Marco Wetter, dont on dit qu’il fait la pluie et le beau temps dans le fief du Cirque Knie.

Le turquoise va faire fureur ce printemps.

Le maillot

En voyant les LakRRRRers faire leur apparition dans un magnifique tricot rouge dont le designer ne semble être autre que le concepteur du chandail des années 2015 aux ZSC Lions, on n’a pu retenir une larme de joie. Le souvenir des multiples conjonctivites provoquées par l’ancienne tunique turquoise (à défaut de trouver le terme exact pour définir cette couleur qui défie l’entendement humain) des locaux est encore présent dans les mémoires de tous ceux qui ne se sont pas crevé les yeux à la scie égoïne.

Jason Spezza à l’époque où on l’avait forcé à porter le costume de carnaval du Cirque Knie.

L’intendance

Franchement, rien à dire. On est bien reçu chez le bonnet d’âne de notre première division. La bière est locale (et a bien meilleur goût que la pisse fribourgeoise de Prilly), les pizzas sont à moitié prix à la fin du match et le tenancier du seul bar encore ouvert après 20h dans un centre ville à la vie nocturne aussi trépidante qu’une trilogie de Jean-Luc Godard nous offre un shot de condoléances après avoir vu l’écharpe frappée d’un félin vaudois de notre acolyte. La classe.

Pas trace du breuvage cantonal du Pays de Vaud sur place.

Le slogan

Rot Wiiss Blau. Du génie.

Une équipe sponsorisée par Geberit avec des goûts de chiottes en matière de communication, un comble.

Le match

Après 16 ans passés dans les travées de Malley et des différentes patinoires helvétiques, on pensait avoir tout vu ou presque. Que nenni. Après avoir – une fois de plus – archidominé son adversaire (19 tirs à 3 après un tiers, 26 tirs à 14 après 40 minutes) sans être excessivement dangereux pour autant, les joueurs les plus talentueux et inefficaces du système solaire menaient tranquillement 2-0.

Voilà qui devait marquer la fin des débats si l’on ne se trouvait pas dans la quatrième dimension.

C’est à ce moment-là que Pereskokov, dont les acrobaties ont été mentionnées plus haut, avait la riche idée de réveiller tout un stade qui se complaisait dans la sinistrose ambiante jusque-là. Il n’en fallait pas plus au cancre de la ligue pour revenir dans un match qui lui aurait définitivement échappé contre les 10 autres formations de National League. Quand le but égalisateur d’une équipe aussi faible tombe à 3 minutes de la sirène alors que vous disposez de 5 minutes de supériorité numérique, on espère que le psychologue maison est atteignable 24 heures sur 24. On rappellera encore, à tout hasard, que le buteur s’appelle Noah Schneeberger, qu’il appartient à Fribourg et qu’il n’avait pas encore marqué cette saison (2 assists en 30 matches jusqu’ici). Tordant, hein ? Dans un souci de préservation de notre tension artérielle, on ne vous parlera même pas de l’inévitable game-winning goal de Monsieur Overtime. Ni de la réduction du score préalable de Michael Loosli qui marquait ainsi son… deuxième but de la saison (3 points en 16 matches en tout, le reste de son temps étant passé au HC Thurgovie). Un peu plus et le chauffeur de la Zamboni locale (à l’effigie d’une girafe soit dit en passant) venait suppléer Nyffeler entre les poteaux de Rapperswil, histoire de vraiment marquer le coup. Il paraît que ça se fait de temps en temps en Amérique du Nord.

Roman Červenka buteur en prolongation. Aussi surprenant qu’une victoire électorale du PLR à Lutry.

Le titre qu’on était hyper fier d’avoir trouvé…

…avant de réaliser qu’on avait deux bonnes semaines de retard sur Twitter.

L’ultime bonne nouvelle pour finir la soirée en beauté

En plus du fait que la supériorité des Dragons sur les Lions est enfin corroborée de manière factuelle par le classement. C’est cadeau.

Allez, bon match contre Langnau demain soir, profitez bien ! C’est pas carnaval toutes les semaines après tout, même sous le grand chapiteau du hockey intercommunal de l’Ouest lausannois.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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