La fièvre du dimanche soir

C’est la bombe médiatico-sportive du mois : fini le championnat suisse de hockey sur la RTS (et la SSR dans son ensemble). Les équipes de Saint Massimo ne programmeront donc pas la petite nouveauté de la National League la saison prochaine, à savoir une rencontre par semaine le dimanche soir. Et pendant que les protagonistes centraux de cette affaire se livraient à une bataille d’ego puérile, tout le monde a oublié la principale nouvelle, à savoir qu’un match allait se jouer le dimanche soir. Sérieusement ?

Rembobinons. MySports est détenteur des droits télévisuels de l’élite du hockey suisse. La chaîne privée revend ensuite en sous-licence quelques matches au plus offrant, avec validation de la National League elle-même. Cette saison encore, c’est la SSR, et donc la RTS, qui diffusait dix rencontres de saison régulière ainsi qu’une affiche par soir (au minimum) lors des playoffs. Mais dès la saison prochaine, exit le service public numéro 1 ! Ce sont Léman Bleu (le dimanche soir) et Blick (le mardi soir) qui diffuseront chacun gratuitement une rencontre par semaine et quelques rencontres de playoffs, dont l’intégralité de la finale pour la première chaîne nommée.

Duel de coqs

Aussitôt la nouvelle tombée, Massimo entre en action. Réseaux sociaux, site internet, émission radiophonique maison avec tapis rouge déroulé, c’est l’heure de l’évangile selon Lorenzi. On connaît le refrain depuis le temps. C’est trop cher, on n’a pas d’argent et puis les clubs, ils sont trop bêtes, ils perdront en visibilité auprès du grand public. Certes, il a en partie raison, Mamie Josiane a plus de chance de zapper par hasard sur RTS2 que sur Léman Bleu. Et puis bon, il a peut-être omis le fait de préciser que le public initié pourra voir bien plus de matches gratuitement qu’actuellement mais cela doit être un oubli, c’est certain.

La rengaine, c’est toujours la même. Les autres ils sont méchants et nous, on est les gentils perdants. Et venir expliquer tout ça à chaque perte (dommageable) de droits saoule tout le monde et n’intéresse presque plus personne sauf le microcosme journalistique et deux-trois débiles qui n’ont rien à faire de leur vie comme votre serviteur. En tout cas, la démarche est bien plus simple que demander à certains de ses sbires de ne pas confondre Joël Vermin et Roger Karrer en montant leur résumé et faire évoluer le format de Sport dernière qui n’a pas bougé d’un iota depuis la première communion de Pascale Blattner. On s’éloigne du sujet mais il fallait le placer.

On a beau nous apprendre plus tard que pour le coup, ce n’était peut-être pas une question d’argent et que c’est l’arrogance de la SSR qui a fait pencher, négativement pour elle, la balance, le terrain a été balisé par le grand manitou des sports et c’est le ouin-ouin de ce dernier que la plupart des gens retiendra.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais c’était sans compter sur l’arrivée dans l’arène de Jérémy Seydoux, rédacteur en chef de Léman Bleu, dont on imagine qu’il passe encore moins les portes depuis une semaine. Logiquement agacé par la logorrhée de son homologue de la RTS, ce Massimo des temps modernes a dégainé une réponse plutôt bien sentie pour défendre sa paroisse. Et fait le jeu du Blick qui n’a pas son pareil pour transformer une querelle de Twitter en article.

Désolé d’avoir été long avec tout ça, mais le cadre de la cour d’école est planté, place au vrai problème maintenant.

Toujours les mêmes perdants

Toute l’attention s’est portée sur la perte des droits par la SSR. Et tout le monde a oublié de parler du principal changement pour les plus fervents suiveurs des clubs de National League : celui de s’habituer à se rendre (ou pas) à la patinoire un dimanche soir. Et surtout, qu’ils ne fassent pas la fine bouche, c’est une super idée le dimanche soir comme horaire, personne ne fait rien de toute façon.

Mais oui, c’est génial de se taper un déplacement à Davos avant sa semaine de boulot. Tellement chouette d’emmener son gosse de huit ans au match avant école le lendemain. Et si grandiose d’aller faire marcher la buvette de la pato après avoir déjà picolé tout le week-end. Si personne ne fait rien le dimanche soir, c’est bien qu’il y a une raison.

Pour les plus assidus d’entre nous, finies les soirées pantoufles de fin de semaine. On est trop bêtes pour se révolter, alors on va y aller au match le dimanche soir, même en traînant les pieds. Parce qu’on a l’abonnement. Et puis parce que l’affiche est pas si mal. Et puis après tout, ça va concerner qu’une ou deux fois notre club dans la saison.

Mais quid du grand public, si cher à Massimo ? Il va se déplacer le dimanche soir à la patinoire le grand public ? Se poser la question, c’est y répondre. Le grand public, il va poser son derche devant la TV et peut-être qu’il regardera le match. Ou peut-être que non en fait. Et puis les joueurs, il sont contents de jouer le dimanche soir ? On s’en fout, ils sont payés assez cher pour qu’en plus il faille leur demander leur avis.

Petit à petit, on déplace le curseur. Tout pour les pros du canapé, rien pour ceux du stade. On prend surtout en compte les intérêts de ce qui rapporte le plus d’argent. Et ce n’est que le début. Bientôt, il y aura tous les jours un match à 19h et un autre à 21h pour en passer plus à la télé. Et entre les tiers temps, 22 minutes de pause pour mettre plus de pub et se faire à bouffer à la maison. C’est la direction que d’autres sports ont déjà prise et vers laquelle le hockey suisse semble aussi se diriger. Et si un jour, il n’y a plus qu’un public de kisscameurs à la patinoire, on foutra une bande son pour l’ambiance, c’est pas grave.

Vous aurez compris le propos. Les clubs sont contents d’engranger le pognon des droits. Les acteurs télévisuels s’évertuent surtout au final à défendre en premier lieu leur bout de gras. Et les supporters les plus assidus passent au second plan. Au-delà de toute cette affaire, cela serait surtout mignon que la National League essaie aussi de ne pas trop s’éloigner de la base la plus solide de ses fans. Ne serait-ce juste que pour retarder un tantinet le déplacement du curseur vers le tout pour le lucratif canapé.

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