Certains l’aiment chaud

ENFIN. Du hockey en live (et en pleine canicule). Juste quand on commençait à se demander si on allait devoir couvrir les histoires de cul de la Vaudoise aréna à plein temps ou écrire l’éloge funèbre de Chris McSorbet (dont la popularité a fondu comme glace au soleil en République genevoise voisine) à l’instar du reste de la presse romande. Mike Modano soit loué, la NHL est de retour pour nous tirer de ce mauvais pas. On commence avec un match amical qui est aussi le remake du Winter Classic 2020. Les Dallas Stars en décousaient jeudi soir avec les Nashville Predators dans une Rogers Place d’Edmonton qui sonnait aussi creux que le programme électoral de Kanye West.

Préambule

Il était plus que temps. A ce stade on se serait tapé un match entre le Neftekhimik Nizhnekamsk et le Severstal Cherepovets ou même (God forbid !) un derby entre Genève et leurs sujets sierrois avec un plaisir non dissimulé. Après quatre mois de faux live tickers de rencontres antédiluviennes, on en était même venu à regarder des matches du championnat de Suisse de foot, l’étape ultime avant l’euthanasie. La rédaction online de la RTS avait elle aussi perdu les pédales, en classant le Pays-Bas-Espagne de 2010 parmi les « plus belles finales de Coupe du monde » (sic !). C’est vrai que Xabi Alonso doit en garder un souvenir ému.

Si The Athletic peut se contenter de conférences de presse Zoom de qualité aussi douteuse que l’amitié de Joël Vermin, CR peut aussi faire du home office.

Au contraire du Martin domestique, on s’était juré qu’on n’écrirait que sur des duels suivis depuis l’intérieur de l’arène. C’était avant. Avant que même les scribouillards et autres commentateurs attitrés et accrédités des franchises nord-américaines de hockey sur glace ne doivent observer une quarantaine stricte pour ne serait-ce que rentrer dans l’une des deux bulles sélectionnées (Edmonton et Toronto, on en reparle très vite) sans aucun accès direct aux entraînements ni aux joueurs ou tout simplement rester au bureau, potentiellement à des milliers de kilomètres de leur équipe. Du coup on s’est dit que s’avachir devant sa télé était acceptable sur ce coup, surtout en tant que membre bénévole d’un média aussi confidentiel que la carrière internationale de Dimitri Oberlin. On espère que nos sept lecteurs apprécieront. Huit si ma grand-maman arrive à ouvrir le lien sur son natel.

La NHL post-COVID pour les nuls

Avant de passer à notre match amical de pré-reprise post-COVID, essayons de comprendre comment on en est arrivé là. Depuis la suspension de la saison le 12 mars, il s’est passé 2-3 trucs dans les bureaux de Toronto. Contrairement à la Swiss Football League, on a pris la peine de réfléchir à un plan de reprise qui a plus qu’une chance sur mille de tenir la route tant bien que mal. Vous n’êtes pas sans savoir, chers lecteurs, que la saison régulière comporte habituellement 82 journées au terme desquelles les 3 meilleures équipes des 4 divisions (Atlantic, Metropolitan, Central, Pacific) ainsi que 2 wild cards par conférence sont qualifiées pour les playoffs. Un système absolument intuitif et ultra simple à intégrer en temps normal. Ben oui, un classement des 16 meilleures équipes de la ligue ou à la rigueur des 8 meilleures des deux conférences (Est et Ouest) aurait été beaucoup trop compréhensible. Bon, vous avez tout compris ? OK, vous pouvez oublier tout ça, on s’en fout complètement en 2020.

Dallas n’a pas été choisie comme hub city. Renversant.

Cette année, il a fallu s’arrêter après une septantaine de parties (entre 68 et 71 selon les équipes). Dès le 1er août, c’est reparti pour 24 des 31 équipes de la ligue (les 12 meilleures à l’Est, idem à l’Ouest, le tout dicté par le pourcentage de points par match acquis à ce stade), histoire d’allouer les derniers sésames pour les séries finales. Les 4 meilleures équipes de chaque conférence sont qualifiées pour les playoffs et s’affronteront dans un round robin qui déterminera leur classement final et donc leur rang de tête de série. Les 8 autres disputeront des séries best of five dont l’issue donnera le nom des derniers qualifiés pour la post-season. La partie occidentale de ce joyeux bordel aura lieu dans un « centre » (hub city) unique : Edmonton, alors que tous les joueurs orientaux seront confinés dans une bulle à Toronto, le tout (plus ou moins) à huis clos naturellement. On vous passe les détails des visas, permis de travail, contrats arrivant normalement à échéance le 30 juin et autre politique de tests de dépistage du COVID car on sent déjà venir la migraine (qui n’a strictement rien à voir avec les 9 shots, 2 chopes et la Suze Coca consommés au Bamee hier soir).

Comme les plus chanceux risquent d’être coincés au fin fond du Canada jusqu’au 4 octobre, on a tout prévu.

Allez, pour être complet, on vous balance encore le classement avant le début des hostilités. Au sein de la Conférence Est, les Boston Bruins, Tampa Bay Lightning, Washington Capitals et Philadelphia Flyers sont directement qualifiés pour les playoffs. Les Pittsburgh Penguins, Carolina Hurricanes, New York Islanders, Toronto Maple Leafs, Columbus Blue Jackets, Florida Panthers, New York Rangers et Montréal Canadiens s’écharperont pour les dernières places. Chez leurs voisins de l’Ouest, le top 4 est composé des St. Louis Blues, Colorado Avalanche, Vegas Golden Knights et Dallas Stars, alors que les viennent-ensuite sont les Edmonton Oilers, Nashville Predators, Vancouver Canucks, Calgary Flames, Winnipeg Jets, Minnesota Wild, Arizona Coyotes et Chicago Blackhawks. Si le nom de votre équipe favorite (par exemple les New Jersey Devils pour les footix ou plutôt les hockeyix helvétiques) n’a pas été mentionné, c’est qu’elle fait partie des 7 équipes dont la médiocrité affligeante ne leur a même pas permis de se qualifier pour des pré-playoffs. La bonne nouvelle ? Nico Hischier est libre pour tous les rassemblements cruciaux de l’équipe de Suisse en vue des prochains Championnats du monde en 2043.

Le match en deux mots

Terriblement chiant.

Même Ema Krusi aurait eu le masque devant une purge pareille.

Les trois étoiles du match

⭐️ Viktor Arvidsson. Le sourire de l’Edenté de Skellefteå après son doublé scellant le score final en faveur des joueurs de Music City (2-0) restera la seule lueur aperçue lors de ce tour de chauffe.

⭐️⭐️ Roman Josi. Sans raison particulière hormis son assist, le fait qu’on n’avait pas encore mentionné le nom du candidat au Norris Trophy de meilleur défenseur de la ligue dans cet article et le jeu de mots éculé qu’on voulait partager avec vous ci-dessous.

⭐️⭐️⭐️ Ty Dellandrea. Remplacer Tyler Seguin au patin levé dans des circonstances si particulières à 20 ans et sans références dans la plus grande des ligues et en plus se montrer (presque) dangereux devant le filet adverse, ça méritait une mention même pas si sarcastique que ça.

Le tournant du match

Le moment où le charisme personnifié, la fusion de Severin Lüthi, Ville Peltonen et une porte de grange des Franches-Montagnes, j’ai nommé Rick Bowness, décidait de haranguer ses troupes lors d’un temps mort en troisième période. Ah non.

Le slapshot en pleine lucarne du match

On attribuera ce titre au fort méritant duo de commentateurs de Fox Sports Southwest qui travaillaient dans des conditions dignes de la couverture des championnats d’Appenzell Rhodes-Extérieures de hornuss par une télévision bénévole locale.

Le vieux rotoillon en cloche du match

Il est l’œuvre de toute l’offensive (sic !) texane. Un tir cadré après 8 minutes, deux 3 minutes plus tard, deux occasions franches en deux périodes, dont une de la crosse du rookie Dellandrea, 0 match officiel en NHL au compteur. Et dire que Nashville comptait mettre ses goalies à l’épreuve pour la place de numéro 1 en éliminatoires… Bref, tout le monde est très surpris par ce scénario du côté du Lone Star State.

Le chiffre à la con

27. Comme la température en degrés Celsius en Alberta à l’heure de la rencontre. Idéal pour briser la glace avant le début des vraies hostilités du mois d’août. Ce qui va assez vite devenir urgent pour les coéquipiers du capitaine Jamie Benn qui restent, mine de rien, sur 7 défaites consécutives, dont la dernière victoire remonte au 25 février et le dernier but marqué au 11 mars (OK, ça fait 4 mois qu’ils n’ont pas joué non plus, mais c’est rigolo quand même).

Oui, on sait, les matches amicaux ça compte pas…

L’anecdote 1 

On mentionnait la qualité des services Internet plus haut. Figurez-vous que, selon The Athletic, il paraît même que la connection n’est pas assez puissante pour que tous les joueurs présents au JW Marriott, l’hôtel 5 étoiles littéralement accolé à la patinoire réquisitionné par 6 équipes dont les Stars et les Preds, puissent jouer à Fortnite simultanément. La vie est dure quand même. Bon OK, après vérification, la chambre la moins chère du complexe vaut quand même 436 dollars canadiens (environ 295 CHF) la nuit. C’est vrai qu’on pourrait imaginer que le WiFi haut débit est inclus.

L’anecdote 2

On connaissait le fameux « blessé au haut/bas du corps » cher à notre bonne vieille National League. Sa collègue d’outre-Atlantique a décidé de repousser les limites du bluff, respect de la vie privée des joueurs par rapport au coronavirus oblige. Le nouveau terme en vogue est « unfit to play », ce qui peut évidemment vouloir dire absolument tout et n’importe quoi, de l’ongle incarné à la triple fracture ouverte en passant par positif au COVID. Jeudi soir c’est Tyler Seguin qui a étrenné le concept pour Dallas.

L’anecdote 3

Contrairement à la NBA et la NFL, en NHL 93% des joueurs sont blancs et ça se voit au niveau des actes. Black Lives Matter ? Connais pas. Malheureusement pour Akim Aliu (sa poignante tribune sur le sujet est à lire absolument ici), le chemin à parcourir en vue d’ôter les oeillères du milieu du hockey sur glace reste aussi immense que la cote des Canadiens de Montréal en ce qui concerne les potentiels vainqueurs de la Coupe Stanley d’ici 2078. L’organisme unicellulaire qui sert de président à la république bananière des Etats-Unis est d’ailleurs fort content de savoir que personne n’a décidé de s’agenouiller sur la glace pendant l’hymne national.

Vous vous doutez bien qu’on a écrit le paragraphe précédent dans le feu de l’action, sans savoir que Matt Dumba attendait la fête nationale helvétique – ou plus probablement le premier match à enjeu et de surcroît couvert par une chaîne nationale – deux jours plus tard pour devenir le premier joueur de la ligue à mettre un genou à terre pendant le Star-Spangled Banner après un discours empreint d’émotion. On va quand même le laisser où il est, ledit paragraphe, pour sanctionner le retard de l’establishment hockeyistique sur le sujet (quatre ans déjà que Colin Kaepernick risquait son avenir professionnel pour une génuflexion). On ignore si Donald Trump a suivi le match de samedi soir entre deux bouchées de cheeseburger et un regard appuyé sous la jupe de sa secrétaire. On ignore également s’il supporte les Blackhawks (au vu de leur logo, on aime à penser que oui). Si tel est le cas, on imagine facilement ce qu’il a éructé à ce moment-là, projetant des extraits de son milkshake sur l’écran plat du Bureau Ovale: « Saad ! »

Non, cette vanne plus que douteuse n’a rien à voir avec le premier tweet mentionné dans cet article. Cherchez encore.

Oui, on aurait pu prendre un tweet avec une image mieux cadrée. Mais on trouve la vue d’ensemble de la deuxième photo vachement puissante aussi.

L’immense moment de solitude du match

Non, cette rubrique n’existe habituellement pas et non, ce qui suit n’a rien à voir avec le match Dallas-Nashville qu’on vous a conté. Mais comme on vient de mentionner l’affrontement Chicago-Edmonton et notamment son avant-match, il paraissait impensable de ne pas rendre hommage à l’interprétation de l’hymne canadien par Michael Bublé… depuis la patinoire vide de Vancouver à plus de 1000 kilomètres de l’écran via lequel il était retransmis pour les joueurs. Le fort solitaire Michael ne remerciera jamais assez son compatriote Dumba dont l’acte de bravoure a complètement occulté le sien sur les réseaux sociaux.

Et sinon dans les tribunes ?

On vous met une photo du Winter Classic pour ceux qui ne se souviennent pas de ce que sont des tribunes.

La minute Jonas Junland

Comme les Stars sont une équipe éminemment défensive la plupart du temps et plutôt inoffensive du côté opposé de la patinoire, on avait vraiment peur de ne pas vous trouver de minute Jonas Junland. Jusqu’au moment où, l’après-midi du match qui nous occupe, Watson.ch s’est royalement planté (l’espace de quelques minutes) dans l’annonce du scoop qu’était le transfert de Petteri Lindbohm du LHC à Biou.

Mais qu’est-ce qu’on aurait kiffé ça !!!

La rétrospective du prochain match

Le prochain match c’est la nuit prochaine à minuit et demi, heure de l’Avenue de la Gare 32. Les Stars se frotteront aux Golden Knights de Sin City pour leur premier match de classement en vue des playoffs. Il y a fort à parier que les hommes de Rick Bowness ne feront pas sauter la banque en misant tous leurs jetons sur l’offensive, comme à leur habitude. Le jackpot est encore loin et il faudra économiser ses cartes maîtresses pour éviter de se coucher trop tôt. Quant aux Preds, ils ont grillé leur premier joker hier soir face aux Coyotes. Faire tapis en spéculant sur la réussite des hommes en jaune dans cette série au meilleur des 5 matches ne semble pas relever du coup de poker pourtant.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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