Un présent imparfait à conjuguer au futur de toute urgence

Désormais, chaque mois, Carton-Rouge a le plaisir de sortir ses griffes dans le nouvel hebdomadaire régional répondant au doux nom de Riviera Chablais votre région. Notre mission : croquer une thématique d’actualité sur le sport suisse avec impertinence. Nous publions quelques jours plus tard cette chronique sur notre site. Dans cette nouvelle édition, on peste sur la Confédération helvétique de la lose (eh oui, la FFL n’a pas le monopole).

Au terme du dernier championnat du monde de hockey sur glace, la version francophone de Blick concluait que l’échec final s’expliquait par « une équipe beaucoup trop suisse ». Granit Xhaka en appréciera rétrospectivement l’ironie. Au-delà de la boutade, difficile d’ignorer le fait que la sacrosainte Culture de la Gagne©,  terme cher au LHC depuis 2018 (dans les discours de zone mixte bien plus que sur la glace), a rarement été l’apanage du sport collectif à croix blanche. Compliqué également de passer outre les exemples d’athlètes suisses faisant exploser toute l’étendue de leur talent après s’être exportés, menés au sommet par des mentors importés et/ou eux-mêmes porteurs d’un héritage culturel aussi varié que les affiliations politiques de Joachim Son-Forget sur les huit dernières années. En vrac: Federer, Wawrinka, Hingis, Bencic, Cancellara, Sefolosha, Josi, Laaksonen (euh ah non). Mais qu’ont-ils de plus que Patrick Fischer au juste ?

La réponse, c’est un interlocuteur aussi improbable que providentiel qui nous l’apporte: Toni Nadal, récemment interviewé dans le podcast Tennis Legend. Son neveu joue tous ses coups à deux mains dans son enfance ? Il lui demande combien de joueurs ont atteint le top ten en jouant de la sorte (Gene Mayer semble être le seul). Rafa devient rapidement champion d’Espagne ? Loin de s’en émouvoir, le tonton flingueur exige qu’on lui fasse parvenir la liste des 25 champions nationaux l’ayant précédé. Verdict: 75% des noms (300% selon Gérald Darmanin) compilés sont des illustres inconnus à ce jour. Nadal gagne Roland-Garros à 19 ans ? Son coach l’interroge: veut-il qu’on (ne) se souvienne (pas) de lui comme du voisin majorquin Moya et son unique couronne du Grand Chelem ou comme de Sampras, Agassi et des titres majeurs qu’on ne compte plus sur les doigts d’une main ? Pas un verbe n’est conjugué au présent, tout se passe au futur, voilà qui est indicatif. Le cercle des poètes disparus ? Très peu pour lui. Carpe diem ? Il ne mange pas de ce pain-là.

Alors quand après des décennies de déconvenues plus ou moins cinglantes au stade des quarts de finale entrecoupées de deux exploits sans lendemain, on arrive encore à s’émoustiller de victoires au forceps face à six nations objectivement inférieures et d’une première place obtenue dans un groupe aussi facile que Patty Schnyder en speed dating avec un dénommé Rainer, rien d’étonnant à ce que la marche suivante soit trop élevée. Toni Nadal entraîne actuellement Félix Auger-Aliassime (mais pas encore au sommet), ressortissant canadien de son état. De là à se reconvertir dans le hockey, il n’y a que quelques coups de patin après tout. Mais pour se tourner vers un futur glorieux, il faudrait déjà reconnaître que ce présent est fort imparfait. 

 

Crédit photographique:

Patrick Fischer (photo de tête) : Fabien Perissinotto/CC-BY-SA/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/User:Fabienp

A propos Raphaël Iberg 174 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

Commentaires Facebook

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.