Třinec plus ultra

A la Vaudoise aréna, entre l’inauguration, la première grosse branlée, la venue de Gritty, le retrait du numéro 39 et le lancer de peluches, on a déjà épuisé tous les appâts à VIP qu’on avait en stock pour remplir l’enceinte. Ne restait donc que le jeu dans sa plus grande pureté pour convaincre le chaland de se déplacer un mardi soir mouillé de vacances scolaires pour admirer la toujours très glamour équipe du HC Oceláři Třinec avec à la clé une qualification pour les 8èmes de finale d’une compétition aussi mirifique que lucrative dont Carton-Rouge ne cesse de vous chanter les louanges depuis 8 mois. Dans un accès de lucidité digne de la fameuse crise d’intelligence de Rantanplan dans La Guérison des Dalton, le directoire vaudois avait donc décidé de vendre les places debout moins cher que la bière, histoire de faire mousser le Tout-Lausanne. Résumé de la partie et (surtout) de ses à-côtés en 10 points clés.

1. C’est dans l’air du temps, au LHC on se l’est jouée écolo dans cette double confrontation face au champion de République tchèque : trajet jusqu’à Zurich en car, vol pour Cracovie et deuxième car en direction de l’Extrême Orient tchèque pendant que les équipements faisaient le trajet entier en camion. On imagine que les représentants de l’industrie – non polluante, bien sûr – de l’acier (oui, “Oceláři”, c’est la version tchèque des Steelers) ont pour leur part imité leurs compatriotes de Mountfield et fait tout le voyage en train pour le match retour qui nous occupe. Qu’à cela ne tienne, la lutte active de la municipalité de la capitale olympique contre la fonte des glaces dans une arène où une température qui avoisine les 20 degrés règne en permanence devrait suffire à tranquilliser Extinction Rebellion.

Le parcage visiteur était presque aussi plein que le mur(et) lausannois.

2. La Champions Hockey League, vous le savez, on adore. Dans la juste lignée de la Laver Cup (promis, on ne reçoit aucune commission pour la mentionner dans chaque article), les protagonistes n’ont (presque) pas dû rappeler qu’il ne s’agissait (probablement) pas d’une exhibition et qu’ils étaient (quasiment) certains que toutes les équipes se donnaient à fond. On ne leur donnera pas tort sur le terme « exhibition » puisqu’il paraît que ce format nécessite un paquet de pognon. Si on en croit l’improbable page Linkedin de la CHL, son prize money ne cesse d’augmenter et atteindra un total de… 3.5 millions pour la saison 2022/23. A diviser en petites coupures entre 32 équipes. Pour ce qui est de la jouer à fond, on vous laisse juge, en sachant que Belfast est tout de même parvenu à arracher des points à Liberec et Augsburg et que Grenoble s’est payé Skellefteå en Suède (OK, le reste du temps ils ont pris des lugées).

Tiens, en parlant de Grenoble, on a fait bien gaffe de choisir la bonne playlist. Un DJ au four et au moulin on vous dit.

3. Après avoir visionné le match aller de la Werk Arena sur notre petit écran, on regrette de ne pas avoir eu droit aux hurlements du coach Václav Varaďa pendant les pauses commerciales au retour à M… à la Vaudoise aréna puisqu’ils ne sont offerts qu’aux téléspectateurs. On ne comprend pas un traître mot de tchèque, mais on sentait que le cœur y était. Ou alors c’est simplement le contraste avec notre staff verbeux à souhait qui nous a réchauffé la pompe aortique.

4. Le suspense était garanti dans le groupe D avant la dernière ronde, puisqu’après 5 matches, en tout cas 3 des 4 équipes du groupe pouvaient encore mathématiquement se qualifier pour la suite de la compétition. C’est du moins les conclusions auxquelles nous sommes arrivés à l’aide de savants calculs d’apothicaire que notre fournisseur d’antidépresseurs nous a conseillé de ne pas reproduire ici.

La proverbiale bouteille à encre avant la lutte finale dans notre compétition internationale favorite.

5. Avant cette double empoignade, on avait l’eau à la bouche. Surtout en jetant un œil aux statistiques offensives de l’escouade venue d’Europe Centrale (ne dites jamais à un Tchèque qu’il vient d’Europe de l’Est, il vous répondra que Vienne est plus à l’Est que Prague, ne lui demandez pas non plus s’il est russe en entendant son accent si vous tenez à la vie). Les représentants des aciéries de Tchéquie orientale et leur rythme de croisière de presque 4 buts par match sur les 10 premières rencontres d’Extraliga avaient en effet de quoi impressionner. Surtout si l’on couplait ce chiffre aux 30 buts encaissés par les ouailles de Ville Peltonen en 9 sorties en National League (on vous laisse calculer la moyenne, on va pas tout vous mâcher non plus, hein).

Du coup, avec le 5-3 de mardi soir, on n’a pas été déçu. Les Lions se débrouillaient même pour enfiler un but fantôme (n’est pas Kasper Schmeichel qui veut) au portier Patrik Bartošák au cours d’une scène cocasse au possible. Viktor Oejdemark (qui rentrait enfin dans les nombres à deux chiffres de minutes de jeu cumulées cette saison) marquait de la ligne bleue en laissant d’abord le puck ressortir de la zone d’attaque (14ème). Hors-jeu donc. C’est là que le Vidéotron local prouvait qu’il était toujours au service de l’humour a) en montrant on ne peut plus clairement au stade entier que les arbitres avaient eu tort de valider cette réussite et b) en retournant le couteau dans la plaie béante en se montrant aussi inutile que les révisions de grammaire anglaise de dernière minute du speaker puisque le coach challenge n’existe pas en CHL et qu’un arbitre n’a pas le droit d’aller visionner les images de son propre chef pour quoi que ce soit d’autre que vérifier si un but a franchi la ligne de manière licite ou non. Un hors-jeu sur l’action menant à la réussite ne fait donc pas partie de ces cas de figure. Les horaires CFF après pendant le match Suisse-Irlande vous paraissent tout à coup presque sensés comparé à cette abomination grand-guignolesque, non ? Comme la qualification du LHC était déjà sous cloche après 20 minutes de jeu grâce à la victoire de Lahti sur Minsk, on s’est presque pris à soutenir nos infortunés adversaires à qui ce but allait en partie coûter la participation au prochain tour. Tobias Stephan, inhabituellement coupable sur les trois goals adverses, semblait d’accord avec nous.

MM. Persson, Wiegand et leurs juges de lignes finiront certainement par en rire.

6. Comment ne pas mentionner la performance du néo-Lausannois Max Wärn, dans sa position de prédilection au centre… des tribunes ? Oui, quand on a un contrat d’un mois renouvelable moyennant performance, le coup de genou assassin sur un adversaire qui n’avait rien demandé dès son premier match sous ses nouvelles couleurs, en voilà une riche idée ! Et hop, deux matches de suspension qui, on l’espère, resteront un wärning sans frais. La plume de Jan Alston doit déjà piaffer d’impatience à l’idée de parapher une entente pour les 5 prochaines saisons. Exactement le genre de pression qu’on voulait mettre à Jonas Junland pour qu’il se sorte les gants de l’arrière-train… Bref, un seul Cory vous manque et tout est dépeuplé. Enfin c’est ce qu’on se disait jusqu’à mardi 18h23, moment de la publication du lineup qui voyait Emmerton apparaître dans la troisième triplette offensive des Rouge et Blanc après une guérison miracle. Juste avant de marcher sur l’eau en concluant un power play par le 3-1 des locaux (24e).

A priori pas besoin de modifier le design de nos bus pour ajouter ce cher Max.

7. On a cru un court instant entre vendredi et samedi dernier que Xavier Dupont de Ligonnès avait été retrouvé après 8 ans de cavale. Du coup, croyant soudainement aux miracles, on espérait vraiment récupérer notre DJ cantonal dont la tournée mondiale ne semblait pas passer par Lausanne jusqu’alors cette année. Idem pour son complice habituel à la table de mixage Joël Vermin, aux abonnés absents depuis le début de la saison. Aussitôt dit, aussitôt fait. Samedi, Vermin (ou “Vermain” selon la speakerine emmentaloise qui veut vraiment éviter de froisser les Welsches) ouvrait le score à Langnau au terme d’une magnifique triangulation et Jeffrey se faisait l’auteur du game-winning goal dans un style de tâcheron que Julien Staudenmann n’aurait pas renié pour sa première réussite de la saison dans une cage non désertée par son cerbère. Rebelotte dimanche pour la divinité locale, alors même que l’ombre du Z rôdait (non, non, pas Zorglub et sa Zorglonde, mais bien Zangger et Zurkirchen), avec 3 points dont 2 buts en forme d’hommage au Ryan “Screen” Gardner de la grande époque. Alors que même Christoph Bertschy semblait avoir retrouvé un patinage suffisamment lumineux pour faire office d’étoile du berger au Messie ontarien, les fers-de-lance vaudois paraissaient en mesure de battre l’Oceláři tant qu’il était chaud et ainsi fondre sur une qualification pour la phase à élimination directe. C’est donc sans surprise que le tiercé gagnant 91-15-22 se retrouvait propulsé en première ligne et combinait pour marquer 6 points en étant impliqués (tout ou partie) sur 3 des 5 buts lausannois. On retiendra surtout, des étoiles dans les yeux, la saucer pass venue d’ailleurs d’un Dustin Jeffrey extraterrestre sur le 4-2 de Ronalds Kenins (49ème). (Ver)mine de rien, il suffit de pas grand chose pour créer un déclic, hein Mark French?

Le LGT Top Scorer Christoph Bertschy dans ses oeuvres sur le power play. C’est pas plus con que Postfinance Top Scorer, non?

8. Comme Petteri Lindbohm fait le ménage devant la cage lausannoise de manière aussi discrète et efficace que tout bon concierge qui se respecte depuis le début de la saison, il ne nous reste que le cas Jonas Junland à étudier au niveau des imports du seul club lémanique digne de ce nom. On vous promet qu’on ne sombre pas bêtement dans un roussisme primaire (celui de South Park, pas celui de Jean-Jacques), mais on va quand même s’acharner un peu. En ce qui concerne celui qui est à la vivacité et à la vista ce que Ross Geller est aux noces de platine, les mots nous manquent. On ne peut qu’imaginer que Ville Peltonen souffre, comme la plupart des fans qui ont pu assister à la scène d’horreur qu’est un shift du Suédois cette année, de cécité ponctuelle. C’est la seule explication rationnelle du triple rôle (trop) souvent attribué au monolithe nordique dans le premier bloc aussi bien à 5 contre 5 qu’en power play et en box play (oui, ça me tend autant que vous de faire ce que seuls des francophones sont capables de faire et “traduire” un terme comme “penalty kill” ou à la rigueur “short-handed” en un autre terme anglais qui N’EXISTE PAS EN VRAI). Une nouvelle fois pris de vitesse à de trop nombreuses reprises quand il n’élit pas tout simplement domicile dans une zone d’un mètre sur un devant Tobias Stephan, l’homme aux improbables 4 matches de NHL n’a pas profité de la venue des représentants de Moravie-Silésie pour nous faire mentir.

Pour notre santé mentale, on se force à relire ce passage du génial Sean Shapiro dans les colonnes du non moins brillant The Athletic avant chaque rencontre impliquant Junland:

En général, après relecture de ce constat adressé à la superstar de Dallas, on se sent un peu mieux en ce qui concerne l’année de contrat à un prix tout compte fait plutôt modique qui reste à notre tortue scandinave. Effectivement, rien ne sert de courir, mais ce serait pas mal qu’il parte à temps. D’ailleurs (absolument) Persson (n’)aimerait le récupérer à Linköping, d’après ce qu’on a pu lire.

Enough said.

9. On mentionnait Petteri Lindbohm plus haut, il est temps de rendre à César ce qui lui appartient. Celui qui fait un début de saison immaculé au sein de l’arrière-garde du plus grand club romand de tous les temps en avait pris plein la gueule ici à la fin de la saison dernière. Depuis, il nous fait brillamment ravaler nos paroles match après match, à commencer par son sacre mondial en Slovaquie en mai dernier. Mention spéciale à son but tout en décontraction à 59’59’’ qui scelle la qualification de son équipe parmi les 16 meilleures formations européennes (dans ce monde parallèle qui a décidé que la Kontinental Hockey League se référait à un tout autre ensemble de pays qui n’a absolument rien à voir avec nous). Le panache d’un grand seigneur. Oui, ce paragraphe sans vannes nous choque autant que vous.

12 ultras en folie et le maillot d’Huet toujours pas accroché à la bonne hauteur.

10. La conclusion de cet article revient à l’une des membres d’une assistance de 4444 personnes selon les organisateurs et quelques centaines de moins selon la réalité. Tiens, d’ailleurs, un message (syntaxiquement un peu louche quand même) posté sur le forum du club nous met quelque peu la puce à l’oreille à ce sujet… Bref, cette brave dame rencontrée dans le métro menant à la patinoire s’inquiétait de la prononciation des noms des joueurs car “c’est pas facile le finlandais (sic)” avant de se demander comment ses poumons allaient survivre sans clope pour une durée indéterminée. Force est de constater que la Vaudoise aréna, ce nouveau joujou intercommunal, restera encore quelque temps le théâtre de la toute première rencontre presque fortuite de beaucoup de gens avec le hockey sur glace, voire le sport en général. Soyons indulgents et espérons qu’ils reviendront s’informer à la source. Et pas seulement un vieux mardi soir dont le but premier était manifestement pour tout être sain d’esprit d’éviter à tout prix la purge que nous réservait Vladimir Petkovic et ses bras cassés sur un terrain vague de Genève voisine.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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