Le Rhein-Main-Derby c’est pas le Classico

Quand on songe aux grands derbies qui marquent l’histoire du football, le premier qui nous vient à l’esprit, ce n’est certainement pas le Rhein-Main-Derby entre l’Eintracht Francfort et le FSV Mainz 05. Ces deux clubs n’ont pas un palmarès des plus prestigieux et leurs affrontements sont trop rares (vu leur propension à faire l’ascenseur dans la hiérarchie du foot allemand) pour que naissent une rivalité légendaire. Samedi, ce n’était que le quatrième affrontement entre ces deux équipes dans l’histoire de la Bundesliga (les trois premiers s’étaient soldés par des matches nuls).

Néanmoins, même si l’affiche n’est pas la plus somptueuse qui soit, un derby en Allemagne, ça fait du bruit, beaucoup de bruit. Surtout que la Commerzbank-Arena est un beau et vrai stade de foot, à l’intérieur duquel plus de cinquante mille spectateurs s’entassent dans un espace relativement restreint, ce qui est évidemment excellent pour l’ambiance. Les supporters de l’Eintracht comptent parmi les plus fervents d’Allemagne et ne s’arrêteront pas de chanter durant 90 minutes, alors qu’en face le kop de Mainz, tout de rouge et blanc vêtu, est copieusement garni. Bref, après avoir bu quelques Licher, tout était réuni pour passer un bel après-midi de football, enfin presque tout : il manquait juste quelques joueurs de talent sur le terrain pour que le niveau de la rencontre soit digne de la formidable ambiance créée par les supporters.

«Mission possible 15» : tel est le slogan que s’est choisi, en français dans le texte, le FSV Mainz pour le deuxième tour, allusion à la 15e place du classement synonyme de maintien. Un Everest pour la formation de Mayence qui a squatté la lanterne rouge pendant la majeure partie du premier tour. Et pourtant, outre un indéniable succès commercial, avec la vente de moult gadgets estampillés du fameux slogan, l’opération «Mission possible 15» a débuté sous les meilleurs auspices : une victoire à Bochum lors du match de reprise (1-0), puis un succès extrêmement chanceux contre Dortmund (1-0), ont permis à Mainz de laisser la dernière place au grand SV Hambourg et de se rapprocher de cette fameuse barre. En deux rencontres, les Mayencennois avaient déjà comptabilisés plus de la moitié des points qu’ils avaient obtenus lors des 17 matches du premier tour ! C’est donc une équipe remontée à bloc qui a effectué le court  déplacement (40 kilomètres) de Francfort pour y affronter un Eintracht lui aussi en quête de points pour assurer son maintien.
D’emblée, c’est un vrai match de Bundesliga avec deux équipes tournées vers l’offensive et des défenses complètement à la rue. Les situations chaudes se multiplient, un coup de tête d’ «unser Bräsilianer» Chris heurte la transversale (10e), une reprise de Ruman est détournée sur son poteau par le gardien Pröll (12e) ; à ce moment-là du match, on pensait que l’on allait assister à un festival de buts. Le seul risque de voir un 0-0 en Allemagne, c’est que les attaquants se montrent tellement maladroits qu’ils n’arrivent pas à profiter des boulevards laissés par l’arrière-garde adverse. C’est malheureusement ce qui se produira dans ce Rhein-Main-Derby. Rapidement les imprécisions vont se multiplier, malgré l’excellent état de la pelouse, un vrai billard. Au hit parade des joueurs ayant perdu le plus de ballons, on trouve les Francfortois Preuss, Meier et Spycher. Le latéral gauche de l’équipe de Suisse a accumulé les passes à l’adversaire, les contrôles défectueux et les dégagements dans la tribune. Il s’est même essayé à la talonnade mais cela n’a pas été un grand succès. J’espère que Köbi Kuhn n’a pas vu ce match (Ludovic Magnin lui a sûrement envoyé une cassette, cela lui assurera d’être titulaire contre l’Allemagne), sinon il risque de rappeler Yvan Quentin en équipe nationale. Tu me diras, ça ne colle pas, Quentin jouait à droite mais je te rétorquerai que cela n’a aucune espèce d’importance, le défenseur valaisan n’a jamais eu que deux pieds gauches. Notre autre Suisse de l’Eintracht, Benjamin Huggel, de retour de blessure, s’est échauffé pendant quarante minutes mais n’a pas eu l’honneur de fouler la magnifique pelouse de la Commerzbank-Arena. Pourtant, il n’aurait pas pu faire pire que son remplaçant Alexander Meier.

Si la première mi-temps fut équilibrée, la seconde période a été totalement à l’avantage de l’Eintracht. Malgré le non match de leurs attaquants Takahara et Amanatidis, les Francfortois se sont créés une kyrielle d’occasions d’emporter la mise. L’excellent gardien de Mainz Dimo Wache, qui mériterait de jouer dans un club plus ambitieux, s’est fait l’auteur de deux parades exceptionnelles, devant le virevoltant Marcel Heller (le meilleur Francfortois samedi, alors qu’il vient de débarquer de Regionalliga) et devant Preuss (68e). Seul à huit mètres du but, Meier a lui trouvé le moyen d’expédier le ballon dans le deuxième anneau de la Commerzbank-Arena (64e), alors qu’un tir de Preuss a longé la ligne sans rentrer (82e). Dominé, Mainz a bien failli réaliser le même hold-up que quatre jours auparavant contre Dortmund : sur une monumentale roue libre de Preuss, l’Egyptien Zidan s’est présenté seul devant le but francfortois mais n’a pas cadré sa frappe (74e). Il devait être écrit quelque part que, malgré la médiocrité des défenses, aucun but ne serait marqué dans ce Rhein-Main-Derby qui restera, comme les trois précédents, sans vainqueur.
Ce score nul et vierge n’a en rien altéré l’enthousiasme des supporters francfortois qui manqueront de peu de faire dérailler le S-Bahn à coup de «qui ne saute pas vient d’Offenbach», allusion aux Kickers de cette cité (2e Bundesliga), l’autre grand rival local de l’Eintracht (les deux équipes seront opposées en Coupe prochainement). Puis les fans entonneront des chants à la gloire de la victoire de leur équipe en Coupe UEFA 2010 et au titre de Champion d’Allemagne cette même année. On n’a pas voulu les décevoir mais ils ont encore pas mal de progrès à réaliser s’ils veulent y arriver. Parce que, sur la base de ce qu’on a vu samedi, l’Eintracht et Mainz font figure de sérieux candidats à la relégation et devront sans doute batailler jusqu’au bout pour assurer leur maintien. On n’est d’ailleurs pas certain qu’il y aura un Rhein-Main-Derby l’an prochain et, si oui, dans quelle ligue il aura lieu.

La soirée se finira dans une discothèque située sous le toit d’un gratte-ciel. C’était assez terrible, ils passaient de la techno arabe remixée avec des hits eighties et de la Schlagerparade, tout le monde connaissait les paroles et chantait en chœur avec la sono. Heureusement, malgré l’ambiance moyen-orientale, les préceptes du Coran n’étaient pas respectés au bar : il y avait de l’alcool en veux-tu, en voilà et les nombreuses blondes ne portaient pas de voile, loin s’en faut. Du coup, à la fermeture de l’établissement, on avait déjà oublié que le Rhein-Main-Derby, ce n’est pas tout à fait le Classico et on était prêt à remettre ça la saison prochaine. En espérant que les deux clubs soient toujours en Bundesliga et que cette fois il y ait des buts et un vainqueur.

Eintracht Francfort – FSV Mainz 05 0-0

Commerzbank-Arena : 51’300 spectateurs.
Arbitre : M. Brych.
Eintracht : Pröll ; Preuss, Russ, Chris, Spycher ; Streit, Jones, Meier, Heller ; Takahara, Amanatidis (46e Vasoski).
Mainz : Wache ; Demirtas, Friedrich, Noveski, Weigelt ; Gerber, Andreasen, Pekovic, Azaouagh ; Zidan (84e Szabics), Ruman (61e Jovanovic).
Avertissements : 45e Chris, 72e Pekovic.
Notes : Eintracht sans Rehmer (blessé), Thurk, Kyrgiakos (malades) ni Ochs (suspendu). Mainz sans Feulner (suspendu).

Écrit par Julien Mouquin

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