Kriens n’est pas une équipe de l’hideur

Il est des matches qui sont tellement bons qu’après une heure et demie on a l’impression qu’un petit quart d’heure seulement s’est écoulé. Et puis il y a à l’autre bout de l’échelle des saisons qui durent 1’000 ans. Le match d’hier fut bon, mais pas assez pour entrer dans la première catégorie. La saison en cours, par contre, semble avoir commencé au début du crétacé, et le dégel tarde à venir.

Il devient quasiment impossible de motiver les supporters à effectuer un déplacement en semaine, pour suivre une équipe qui n’offre que par intermittence le petit supplément d’âme qui entretient la passion. Ce second tour a par ailleurs été particulièrement généreux en odyssées, avec Vaduz, Wil, Chiasso et Locarno, autant d’escapades qui ont vidé les bourses aussi sûrement qu’une nuit avec une Taylor Rain sous amphétamines. Enfin, les parents et autres copines qui sont gavés du ballon toute l’année semblent plus coulants quand il s’agit d’accepter que tu suives à n’importe quel coût une équipe à la lutte pour les premières places, qu’à l’heure où le seul objectif de la saison est de réussir à se placer entre Wohlen et La Chaux-de-Fonds.


La charmante Taylor Rain

Tout ceci pour dire qu’après avoir annulé les trois trains spéciaux que nous avions organisés avec les CFF au cas où, nous nous sommes retrouvés quatre motivés par cette petite virée lucernoise en coeur de semaine. Anticipant un renfort de supporters indépendants d’au moins trois personnes, nous avons soigneusement trié le matos, balancé la bâche dans le coffre et installé les mâts des quatre drapeaux et trois calicots en travers de l’unique voiture en partance de la Pontaise, et c’est vers 16h15 que nous prîmes la direction du champêtre et bien nommé Kleinfeld.
Que font des supporters enfermés pendant trois heures dans une voiture ? Ils parlent de football, étonnamment. On se rappelle le dernier match à Kriens (défaite 4-0), le but que Pétignat avait ce jour-là accordé alors que le ballon avait été stoppé par le gardien au bas mot 15 centimètres devant la ligne, on prie pour ne pas encaisser de but gag cette fois-ci (de fait, on va être servis…) et on se fait des quizz sur les joueurs du LS. Ce n’est pas que nous sommes monomaniaques, mais enfin, faut bien garder la main. J’ai d’ailleurs pris une formidable secouée par un gamin de dix ans de moins, c’est vous dire si je vieillis.
C’est donc avec un égo tout ratatiné que j’arrive à Kriens. La fouille est sommaire, la sécurité presque souriante, la buvette n’est pas trop loin… Seule la liste des blessés au LS vient faire de l’ombre au moral du dernier carré de supporters (c’est le cas de le dire) : Mauro, Balthazar, Rey, Cabral, Crettenand, Mora… Nous apprenons sur place que le tout jeune Pasche est également touché, et que c’est donc avec trois remplaçants de champ que Lausanne devra commencer le match. Ça limite forcément les ambitions, pour une équipe dans le creux de la vague et qui a montré quelques signes de démobilisation lors de précédentes rencontres.
Seules 800 personnes garnissent les «gradins», alors même que le SCK est co-leader du championnat. Soit la venue du LS ne fait décidemment plus une affiche attractive, soit le désintérêt des locaux, à quelques kilomètres seulement du stade de l’Allmend, est patent. La vérité étant certainement un savant mélange des deux.


Le moins charmant Kleinfeld…

LS évolue quasiment en 4-4-2, avec Comisetti en soutien de Thurre, et le jeune Lalombongo – 17 ans – qui fête sa première titularisation en l’absence de nos deux potentiels milieux défensifs, Rey et Cabral. On n’a à peine le temps de se faire une idée sur la mise en place de l’équipe que Kriens ouvre la marque sur un de ces buts dont on reparlera dans dix ans : au bout d’un joli mouvement, Schneuwly se retrouve entouré de quatre Lausannois, à sept ou huit mètres du but. En désespoir de cause, il tente une talonnade impossible qui va non seulement abuser tout son monde, mais encore évidemment passer entre les jambes de Favre pour entrer dans le goal à deux à l’heure. Incroyable de se fabriquer des buts comme ça…
La suite de la première mi-temps est bien longue pour le LS, qui a du mal à s’adapter au rythme imposé par des Lucernois offensifs. Nous nous créons une seule occasion, maousse, avec Ebe qui, après avoir effacé le gardien, se fait surprendre par son incroyable retour au prix d’un arrêt réflexe époustouflant. Mais l’objectivité oblige à admettre que le score aurait pu être de 3-1 à la pause. Aucune raison de verser dans l’optimisme : les supporters s’attendent à une pénible deuxième mi-temps, contre cette équipe de Kriens loin d’être laide, d’où le jeu de mot torturé du titre, je sais, je sais. C’est un métier, vous savez.
Contre toute attente, le LS entame la seconde moitié du match avec une envie décuplée. Basha (17 ans également) a remplacé Lalombongo. Ebe et Magioglio sont les vrais maîtres d’oeuvre de la révolte, soutenus par un Bugnard retrouvé, mais dont le jeu reste trop stéréotypé (jamais d’affrontement à un contre un, mais systématiquement de longs ballons aériens en direction de nos attaquants). Comisetti se montrera deux fois dangereux, dont l’une sur une subtile déviation de la tête de Thurre, à la réception d’un corner, mais sans que l’on puisse parler de réelle occasion. On sent les bleus et blancs galvanisés par l’opportunité de jouer devant le mur de leurs sept supporters. Pendant presque une demi-heure, le match est beau, avec des Lucernois qui restent rapides et dangereux et un LS qui pousse tant et plus, avant de s’essouffler dans le dernier quart d’heure. La défense aurait pu alors rompre à quelques reprises, mais c’est finalement à nous qu’échoit l’ultime occasion, lorsqu’à la dernière minute Comisetti se présente en bonne position sur la droite de Foletti, mais rate sa frappe.


Reis a joué 15 minutes avant de se blesser…

Un match nul aurait été cruel pour Kriens, qui se trouve ainsi relancé, sans être complètement immérité pour le LS. Les matches de foot, c’est comme les pets : c’est parfois celui auquel on s’attend le moins qui laisse une trace. Partis en victimes expiatoires, des blessés plein le coffre (à noter que Reis, entré à l’heure de jeu, est sorti 15 minutes plus tard sur blessure…) et le moral dans les chaussettes, le LS a rendu une copie parfois pleine de vie, au vu de ses possibilités du moment. Une défaite n’est jamais bonne à prendre, mais il y a des enseignements à tirer de cette seconde mi-temps chez le co-leader. C’est en abordant le match contre Lugano avec la même envie que le LS se réconciliera avec ce qu’il reste de son public.
Pour les quelques supporters, le retour fut calme et long, entre analyses du match et quizz endiablés. Les autres scores ayant cette fois joué en notre faveur, peut-être la fin de championnat nous semblera enfin moins longue.

SC Kriens – Lausanne-Sport 1-0 (1-0)

Kleinfeld : 800 spectateurs.
Arbitre : M. Meroni.
But : Schneuwly 4e (1-0).
Lausanne : Favre ; Kaissi (59e Reis, 83e Arona), Lacroix, Miéville, Scalisi, Lalombongo (46e Basha), Ebe, Bugnard, Comisetti, Malgioglio, Thurre.

A propos Yves Martin 247 Articles
Cette Nati a deux vertus : celle de faire rêver quasi tout son peuple, et celle d'emmerder les connards de la fachosphère. Longue vie à elle.

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