La magie du Westfalenstadion n’a pas suffi

Si l’on compare les derniers résultats et les contingents respectifs du Borussia Dortmund et du Bayern Munich, le duel entre les deux équipes aurait dû largement tourner à l’avantage des Bavarois. Mais le match se déroulait au Westfalenstadion et le formidable soutien de ses 75’000 supporters a permis au BVB de se transcender et de dominer outrageusement la 2e période. Malheureusement, la magie du Westfalenstadion n’a pas pu gommer la maladresse des attaquants du Borussia. Si seulement Alexander Frei avait été là…

D’un côté, il y avait le Bayern Munich, invaincu cette saison toutes compétitions confondues, déjà vainqueur en juillet de la Coupe de la Ligue, fringant leader du championnat avec huit victoires, deux nuls et en prime la meilleure attaque (27 buts marqués) ainsi que la meilleure défense (4 buts encaissés). Les Bavarois débarquent dans la Ruhr avec leur constellation de stars débauchées à coup de millions aux quatre coins du globe : deux champions du monde (Toni, Lucio), un ancien vainqueur de la Ligue des Champions (Van Bommel), un meilleur buteur de la Coupe du Monde (Klose), un double vainqueur de la Copa America (Zé Roberto), un international argentin (Demichelis) et une flopée d’internationaux allemands, sur le terrain (Jansen, Schweinsteiger) ou sur le banc (Lahm, Podolski, Schlaudraff)…Face à cette impressionnante armada, un Borussia Dortmund qui navigue, comme ces quatre dernières saisons, dans le ventre mou du classement, alternant le pire et le meilleur, avec la deuxième défense la plus perméable de la ligue. Le onze de départ du BVB comporte nombre de joueurs aux références improbables : Weidenfeller, le gardien aux trois buts encaissés par match, Kovac, le défenseur central à côté duquel Stéphane Henchoz passe pour une gazelle, Brzenska, l’autre défenseur central, titularisé surtout parce que l’entraîneur Doll n’ose plus associer Wörns et Kovac, Degen, dont la rigueur défensive n’est plus à prouver, Buckley, qui n’avait pas sa place au FC Bâle, Valdez, le buteur muet pendant 31 matchs la saison dernière…

Alors, un match déséquilibré ? Que nenni. Parce que l’on est au Westfalenstadion, là où l’on a toujours eu une certaine inclination pour les besogneux, où l’on vénère encore Michael Zorc et où les supporters sont toujours prêts à transcender leur équipe, quels que soient ses résultats. Cette profession de foi est répétée lors du Never Walk Alone initial que l’on se contente d’entendre depuis le parking, la faute au motard qui a eu la fâcheuse idée de venir s’encastrer dans le pare-choc arrière de ma voiture. Il n’y a pas eu de mal, sinon une moto détruite, une voiture bien amochée et surtout, plus grave, deux minutes de jeu de BVB – Bayern ratées, le temps d’accomplir les formalités administratives avec la maréchaussée locale. Si Oliver Kahn avait été là, on n’aurait rien raté puisque le coup d’envoi aurait été retardé, le temps d’évacuer les quelques régimes de bananes qui lui sont généralement adressés. Et l’on aurait manqué qu’une seule minute sans une halte au bar, mais l’on ne pouvait décemment pas pénétrer dans la Süd(West)tribüne sans une fameuse DAB à la main.
De toute façon, le match démarre plutôt tranquillement (sur le terrain du moins car dans les tribunes c’est déjà la folie). Le BVB craint l’armada bavaroise, qui elle se contente, comme souvent, d’attendre l’erreur de l’adversaire. La première action est pour Mladen Petric mais le Croate, après avoir brillamment éliminé un Bavarois, veut en dribbler un deuxième et perd la balle. Le Bayern réplique avec un coup franc de Schweinsteiger difficilement écarté par Weidenfeller (19e). La meilleure occasion du BVB en 1ère période est malheureusement stoppée par M. Merk pour une blessure imaginaire de Lell de l’autre côté du terrain, alors que deux Dortmunder se présentaient face à un seul défenseur munichois (26e).
Le Bayern va passer tout près de l’ouverture du score à la 36e sur un tir à plus de 30 mètres de Demichelis qui surprend curieusement Weidenfeller mais est renvoyé par la transversale. Klose a bien suivi mais sa reprise vient également heurter la latte ! On dit qu’il faut de la chance pour être un grand gardien. Mais un portier médiocre en a encore plus besoin, de la chance, cela lui permet de limiter les conséquences de ses erreurs.

Le BVB réagit bien après cette double alerte et installe un véritable power-play dans le camp de défense bavarois : les centres fusent devant les buts de Rensing, le stade entre en incandescence et le Bayern ne parvient plus à se dégager. Finalement, les Rekordmeister parviendront à faire retomber la fièvre en sortant le ballon pour… permettre à Luca Toni de remettre sa chaussure, ce qui occasionnera deux minutes d’arrêts de jeu, sous les huées amplement méritées du Westfalenstadion. Ou plutôt, de son nom officiel, du Signal Iduna Park. Pour tordre le coup à une opinion couramment répandue, Signal Iduna ce n’est pas le rejeton des amours hybrides d’un tube de dentifrice et d’un flacon de gel-douche mais le nom d’une compagnie d’assurances.
Le BVB a parfaitement tenu le choc en 1ère mi-temps mais reste toujours sous la menace de ces inévitables bourdes défensives qui l’ont si souvent perdu. L’une d’elles surviendra juste après la pause, sous la forme d’un ballon anodin perdu à mi-terrain, permettant à Klose et Toni (qui à eux deux ont scoré aussi souvent que toute l’équipe de Dortmund réunie cette saison) de se retrouver face à un seul défenseur. Heureusement, l’ex-joueur du Werder fait le mauvais choix et voit son tir repoussé par le pied de Weidenfeller. Le Bayern se créera encore une occasion à la 56e sur une frappe écrasée de Lucio qui est fortuitement parvenue à Toni dont le tir trop mou a été bloqué par Weidenfeller.
La suite du match sera totalement à l’avantage du BVB : après un excellent travail préparatoire de Degen, Petric est seul à douze mètres du goal, on crie déjà au but mais le tir de l’ex-Bâlois passe à côté (57e). Rebelote cinq minutes plus tard : bien servi par l’excellent Tinga, Kuba rate à son tour l’immanquable en tirant à côté. On était encore en train de se désoler lorsque Valdez a lancé Buckley dont le tir est dévié du bout des doigts par Rensing ; Kringe jaillit au deuxième poteau mais sa reprise en bout de course vient s’écraser sur la base des montants des buts bavarois (64e). Le Westfalenstadion sent son équipe proche de l’exploit, pousse tant et plus, la pression est énorme et le BVB gagne tous les duels. Si un jour tu veux réellement saisir le sens de l’expression «douzième homme», il te faut aller voir un grand match du BVB dans son antre mythique.

A la 67e, c’est au tour de Valdez de rater une montagne en tirant au-dessus alors qu’il était seul au point de penalty après un nouveau caviar de Degen (!). Le latéral suisse est d’ailleurs à créditer d’un tout bon match ; des vingt-sept acteurs, c’est lui qui a touché le plus de ballons et il n’en a que très peu perdus. Le Borussia poursuit sa pression alors qu’il attaque en direction du mur jaune de la Südtribüne. Jansen parvient de justesse à contrer un tir de Tinga (71e), alors que Zé Roberto sauve sur sa ligne un corner de Buckley repris par Valdez (74e). Quand on loupe autant d’occasions contre le Bayern Munich, le risque est grand de se faire piéger sur un but gag dans les ultimes minutes (surtout quand ton gardien se nomme Weidenfeller). C’est pourquoi le BVB lève un peu le pied dans le dernier quart d’heure, alors que les Rekordmeister usent de tous les artifices pour casser le jeu : Toni s’arrange pour se trouver le plus loin possible du banc lorsqu’il est remplacé par Podolski, avant de traverser le terrain à tout petit trot. En Allemagne, les gens viennent au stade pour voir du foot et pas du cirque, l’Italien s’attire donc une nouvelle fois les foudres du Westfalenstadion.
Othmar Hitzfeld a eu l’honnêteté de reconnaître que son équipe pouvait être «sehr zufrieden» avec ce point volé à Dortmund. Là où j’ai de la peine à le suivre, c’est lorsqu’il invoque la fatigue du déplacement trois jours plus tôt à Belgrade en Coupe UEFA pour expliquer la piètre performance de son équipe. Un entraîneur qui laisse tous les week-ends des Podolski, Lahm, Altintop, Ismaël, van Buyten, Schlaudraff ou Schweinsteiger sur la touche n’a pas le droit d’avancer une telle excuse, il lui suffit de mieux gérer son effectif pléthorique.
Quant au BVB, il peut bien sûr regretter d’être passé tout près de l’exploit d’être le premier à faire chuter le Bayern cette saison. Jamais les Rekordmeister n’avaient été à ce point chahutés dans ce championnat. Il n’a manqué que la finition à Dortmund et l’ombre d’Alexander Frei, très probablement absent jusqu’à Noël, a bien sûr plané sur le Westfalenstadion : le Suisse aurait sans doute trouvé le moyen de concrétiser l’une des innombrables occasions du Borussia. Néanmoins, la prestation des Jaunes et Noirs a dû rassurer leurs supporters. Maintenant, il s’agira de rééditer ce type de performance, pas seulement dans les matchs avec beaucoup d’émotion et des ambiances survoltées, mais aussi face à des adversaires plus modestes. Cela a été le problème du Borussia ces dernières saisons, espérons que Thomas Doll parviendra à y remédier car le Westfalenstadion mérite beaucoup mieux que le ventre mou du classement.

Borussia Dortmund – Bayern Munich 0-0

Signal Iduna Park : 80’708 spectateurs (guichets fermée, record de la saison en Allemagne).
Arbitre : Dr. Merk.
Borussia Dortmund : Weidenfeller ; Degen, Brzenska, Kovac, Dede ; Blaszczykowski (83e Klimowicz), Buckley, Tinga, Kringe ; Valdez (79e Federico), Petric.
Bayern Munich : Rensing ; Lell, Lucio, Demichelis, Jansen ; Sosa (66e Altintop), van Bommel (87e Ottl), Zé Roberto, Schweinsteiger; Klose, Toni (70e Podolski).
Cartons jaunes : 45e Tinga (antijeu), 60e Valdez (jeu dur), 90e Klimowicz (jeu dur), 91e Schweinsteiger (antijeu).
Notes : Dortmund sans Kehl ni Frei (blessés) ; le Bayern sans Kahn, Sagnol, van Buyten ni Ribéry (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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2 Commentaires

  1. aaah merci merci pour ce compte rendu, javais presque limpression de retrouver mon stade adoré (snif)… Toujours un régal davoir des nouvelles du BVB, surtout dans ces conditions 🙂

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