La sensas’ de Vienne

Lors de la distribution des matches de l’Euro au sein de l’équipe de CartonRouge, j’ai fait trois pas en arrière et me suis recroquevillé sous la table sans respirer en espérant passer entre les gouttes. Ce n’est pas que je sois d’un naturel flemmard, mais ma foi, il y a tellement de généralistes de talent à la rédac’, qui sont capables d’écrire un grand article sur n’importe quel aspect du football, que je ne voyais pas l’importance d’engager un spécialiste de la deuxième division suisse, catégorie Lausanne-Sports, sous-embranchement «Matches à l’extérieur». Résultat, lorsque je suis sorti de mon apnée, il ne restait qu’un match qui n’avait pas trouvé preneur, ce diablement sexy Autriche-Pologne. Ça m’apprendra.

L’Autriche avait connu une entame de tournoi similaire à la Suisse, concédant un 0-1 immérité contre une équipe croate attentiste. On comptait un peu sur eux pour se glisser derrière nous à la 16e place, afin de hisser la Nati dans le gotha des 15 meilleures nations européennes. Vissée à la 92e place du classement FIFA entre le Mozambique (91e) et la Thaïlande (93e), tombée dans un groupe plus relevé que le nôtre, démolie par la presse nationale et auteure de matches de préparations traumatisants (perdant notamment 3-4 contre la Hollande après avoir mené 3-0), les Autrichiens, déjà qu’ils nous humilient en ski alpin, auraient pu nous laisser ce petit plaisir.La Pologne n’a pas démérité contres les ogres allemands pour sa première partie, lors de ce qui fut à ce moment le véritable premier bon match de la compétition. Perdre 2-0 contre cette Mannschaft-là n’avait rien de déshonorant, et comme il faut bien un deuxième dans chaque groupe, on se disait que cela pourrait bien être eux. Et puis, ma femme étant d’origine polonaise, je dois traiter le sujet avec d’extrêmes précautions.
Bref, je voyais bien la Pologne l’emporter, malgré le fait que les Autrichiens avaient clairement déçu en bien lors de leur premier match. Je fus donc complètement abasourdis par le début de match des locaux, qui se créèrent trois immenses occasions dans le premier quart d’heure. Certes, Boruc fut impeccable sur ses interventions, mais à ce niveau-là, nous sommes bien placés pour savoir que l’on n’a pas le droit de rater le goal. Et c’est sur sa première occasion que la très apathique Pologne put ouvrir le score, sur un but entaché d’un hors-jeu manifeste lorsque l’on bénéficie de l’arrêt sur image, ce qui n’est pas le cas des pauvres juges de touche.

Boruc a tout arrêté… jusqu’au pénalty de la 93e

La fin de la première période restait néanmoins légèrement autrichienne, et ce score de 0-1 s’apparentait vraiment à un hold-up à la pause.
Les hommes de Beenhakker eurent l’intelligence en deuxième mi-temps d’augmenter le rythme et la pression au fur et à mesure que l’espoir et le moral de leurs adversaires déclinaient, pour une fin de match quasiment totalement acquise à leurs couleurs. Ce fut donc au gardien Macho de briller, notamment sur un double réflexe assez époustouflant. Et c’est alors que l’inattendu se produisit : dans l’ultime minute, l’arbitre Howard Webb accorde un pénalty à l’Autriche, suite à une millième foire d’empoigne dans la surface au moment d’un corner. Tir au but transformé par papa Vastic, qui ne veut décidemment toujours pas que l’on danse la polka. Sacré gugusse…
Ainsi, le football se sera montré une fois de plus complètement imprévisible. Si sur l’ensemble du match, l’égalité est absolument juste, chacune des équipes aura marqué quasiment au plus fort de la domination de l’autre. Beenhakker a beau jeu aujourd’hui de parler de pénalty imaginaire, le but polonais n’étant pas valide. On se prend pour notre part à regretter de ne pas avoir eu M. Webb pour arbitrer la Turquie, lui qui aurait sans aucun doute sifflé pénalty sur l’un des corners suisses de la seconde mi-temps, lorsque Magnin s’est vu ceinturé par un adversaire qui n’a écopé que d’une remontrance…
Ainsi, ce groupe B se retrouve un peu cul par-dessus tête, avec des Croates épouvantables lors du premier match, brillants lors du deuxième et d’ores et déjà qualifiés pour la suite, une Mannschaft qui a de façon surprenante explosé hier, des Polonais incapables de venir à bout d’une équipe qui se liquéfiait en seconde période et des Autrichiens qui tâcheront de reproduire contre l’Allemagne leur entame de match, et d’un coller un au très fébrile Lehmann.
Il reste 19 matches, on ne va pas bouder son plaisir.

Autriche – Pologne 1-1 (0-1)

Stade Ernst Happel, Vienne. 51’428 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : Webb (Ang).
Buts : 30e Guerreiro 0-1. 93e Vastic (penalty) 1-1.
Autriche : Macho; Garics, Prödl, Stranzl, Pogatetz; Leitgeb, Aufhauser (74e Säumel), Ivanschitz (64e Vastic), Korkmaz; Harnik, Linz (64e Kienast).
Pologne : Boruc; Wasilewski, Jop (46e Golanski), Bak, Zewlakow; Lewandowski, Dudka, Krzynowek; Saganowski (83e Lobodzinski); Guerreiro (85e Murawski), Smolarek.
Cartons jaunes : 56e Korkmaz, 58e Wasilewski, 62e Krzynowek, 72e Prödl (suspendu pour le match contre l’Allemagne).