Schal-la-la-Tag in Dortmund

Dortmund en décembre est réputé pour son marché de Noël, le plus grand d’Allemagne, avec en vedette le plus haut sapin de Noël du monde. Accessoirement, il y a aussi une équipe de foot, avec un stade merveilleux et un public qui n’est lui aussi pas loin d’être le meilleur de la planète.

On est vendredi 12 décembre, la température avoisine les zéros degrés, le Borussia Dortmund reste sur deux matchs nuls 0-0 et seulement deux victoires en huit matchs à domicile cette saison. Du coup, pour la sixième année consécutive, le BVB stagne dans le ventre mou du classement. L’adversaire du jour n’est pas des plus attractifs, puisqu’il s’agit de la lanterne rouge Borussia Mönchengladbach. Même si l’on parle de Borussen-Deby, puisque les deux clubs utilisent le même patronyme latin signifiant Prusse, il ne s’agit pas d’un vrai derby géographiquement parlant. N’importe où ailleurs, bon nombre de supporters auraient donc pu trouver pleins de bonnes raisons pour bouder cette affiche. Mais pas dans la Mecque du foot puisque nous sommes près de 80’000 à nous presser dans le vénérable Westfalenstadion, les quelques centaines de places restées libres étant imputables aux supporters adverses qui n’ont pas rempli les blocs qui leur étaient alloués.

Weihnachtsmarkt et Schal-la-la-Tag

L’ambiance est à la fête en ville de Dortmund et les rues sont noires et jaunes de monde, marché de Noël oblige. Le Glühwein coule à flot au pied du gigantesque sapin de Noël qui trône au milieu de la Hansaplatz. Cette atmosphère festive se confirme autour du stade, avec les traditionnels Biergarten, et à l’intérieur, avec le Schal-la-la-Tag. Du mot Schal, l’écharpe, comme tu l’auras sans doute compris si la langue de Goethe n’a plus de secret pour toi. En gros, il s’agissait d’inciter les rares supporters qui ont l’habitude de venir au stade sans écharpe d’en acquérir une pour que tout le monde agite la sienne à l’entrée des joueurs. Du coup, ce sont plus de 70’000 écharpes qui sont tendues à bout de bras sur le Never Walk Alone, puis qui tournoient sur le Heja BVB. Enorme, même si l’opération n’est pas sans quelques arrières pensées commerciales.
Dans le même ordre d’idée, Dortmund arbore depuis quelques matchs un peu seyant maillot noir spécial Noël, juste pour inciter les fans à acquérir un Trikot de plus dans la saison. Acheter un maillot qui ne sera porté que pendant cinq matchs, il ne faut vraiment pas être très malin. Ou alors très fan. Ou encore très ivre. Ou les trois à la fois. Bref, j’ai acheté ce maillot.

Un éclair dans la grisaille

Comme souvent en Allemagne, le match n’est pas vraiment à la hauteur du décor et de l’ambiance. La première demi-heure est d’une affligeante médiocrité. L’entraîneur de Dortmund Jürgen Klopp avait promis une équipe offensive et conquérante mais le BVB peine à mettre en difficulté une défense de Gladach pourtant complètement à la rue lors des deux matchs précédents. Imagine : lors de la première demi-heure, le meilleur homme sur le terrain est l’ancien Yverdonnois Steve Gohouri, qui va même jusqu’à s’enflammer dans une série de dribbles chaloupés. Mais, alors que l’on commençait à désespérer, l’éclair va surgir des pieds de Mohamed Zidan. Après un mauvais renvoi dans l’axe de Gohouri, le petit Egyptien réussit le geste parfait avec un amorti, un rebond au sol et une demi-volée somptueuse qui retombe dans la lucarne. Sur le coup, on aurait presque pu croire qu’il y a avait un e à la fin de son nom.

Le mauvais soir d’Hajnal

On pensait que ce but allait libérer le BVB et lui permettre de régaler son public, mais trois minutes après l’ouverture du score, le Borussia 1909 allait se retrouver réduit à dix suite à l’expulsion de son meneur de jeu Tamas Hajnal. Pour deux cartons jaunes relativement sévères, même si le Hongrois a bien laissé traîner le pied sur le gardien Heimeroth sur le deuxième. Ce n’était vraiment pas le soir du petit meneur de jeu du BVB qui avait raté à peu près tout ce qu’il avait entrepris jusque là. Et dire que j’avais floqué le maillot susmentionné à son nom… Du coup, il ne s’agissait plus pour Dortmund de régaler la galerie mais d’éviter un retour des Fohlen et un 7e match nul à domicile cette saison. Notamment en rééquilibrant l’équipe en sortant un attaquant, en l’occurrence la pauvre Alex Frei qui n’aura guère eu l’occasion de se mettre en évidence et qui ne gardera pas un souvenir lumineux de cette année 2008.

Pas de record pour Weidi

Le BVB s’est donné un peu d’air à la 56e lorsque Nuri Sahin a doublé la mise après un excellent travail préparatoire de Blaszczykowski sur le flanc droit. C’est bien la première fois que je me suis enflammé sur un but inscrit par un joueur turc. 2-0, l’affaire paraissait entendue tant ce Gladbach moribond ne paraissait pas en mesure de revenir malgré sa supériorité numérique, le malheureux Marko Marin étant bien seul pour tenter de créer du jeu du côté des Fohlen. A part une tête de Friend superbement sortie par Weidenfeller, Mönchengladbach ne parvenait pas à se montrer dangereux. Mais, comme en 1ère mi-temps, le but va venir au moment où on l’attendait le moins. Sous la forme d’une magnifique reprise de volée du joker Johannes Van der Bergh en pleine lucarne pour ramener les Fohlen à une longueur. Roman Weidenfeller et Dortmund n’avaient plus encaissé de buts depuis 497 minutes. Le gardien du BVB manque toutefois de 50 minutes le record d’invincibilité dans la cage de Dortmund détenu depuis 41 ans par le légendaire Hans Tilkowski, gardien de l’équipe d’Allemagne finaliste malheureuse de la Coupe du Monde 1966. Voir le très inconstant gardien du BVB en lice pour des records d’invincibilité, voilà qui explique sans doute les abondantes chutes de neige de ce début d’hiver.

En route pour le centenaire

Cette réduction de score n’a pas remis en cause le succès du BVB, les Fohlen ne s’étant plus créés d’occasions, malgré quelques frayeurs pour les supporters. Dortmund boucle ainsi par une victoire son meilleur premier tour depuis le dernier titre national en 2002. Le BVB n’a perdu que deux fois en 17 matchs (seul le Bayern a fait aussi bien) mais les trop nombreux match nuls concédés à domicile laissent un sentiment mitigé. Le club paraît néanmoins sur la bonne voie : après avoir frôlé la faillite, Dortmund vient de boucler trois exercices successifs dans les chiffres noirs et a effacé plus de 120 millions d’euros de passifs. C’est donc plein d’espoir que le peuple jaune et noir va aborder les festivités du centenaire qui dérouleront leurs fastes sur toute l’année 2009. En espérant que ces espoirs ne seront pas une nouvelle fois déçus.

Borussia Dortmund – Borussia Mönchengladbach 2-1 (1-0)

Signal Iduna Park, 79’700 spectateurs.
Arbitre : M. Kircher.
Buts : 35e Zidan (1-0), 56e Sahin (2-0), 80e Van den Bergh (2-1).
Dortmund : Weidenfeller ; Owomoyela, Subotic, Hummels, Lee ; Blaszczykowski, Tinga, Hajnal, Kringe (83e Santana) ; Frei (46e Sahin), Zidan (87e Klimowicz).
Mönchengladbach : Heimeroth ; Levels, Gohouri, Paauwe, Brouwers, Dorda (67e Van den Bergh) ; Matmour, Bradley (59e Baumjohann), Jantschke (45e + 5 Colautti), Marin ; Friend.
Cartons jaunes : 18e Marin, 33e Hajnal, 45e + 1 Kringe, 45e + 3 Blaszczykowski, 52e Bradley.
Carton rouge : 38e Hajnal (2e avertissement).
Notes : Dortmund sans Dede, Valdez ni Kehl (blessés), Mönchengladbach sans Daems (suspendu), Gospodarek, Kleine, Jaurès ni Neuville (blessés).

Écrit par Julien Mouquin