Les rebelles au pouvoir

On n’a pas eu beaucoup l’occasion de parler de Zweite Liga allemande depuis le début de la saison sur CartonRouge.ch et je suis sûr que cela te manquait. Alors pour ceux qui n’auraient pas suivi les premières péripéties du troisième championnat le plus exaltant du monde (après la Bundesliga et la LNB suisse), voici un cours de rattrapage accéléré.

Les rebelles triomphants

FC St. Pauli (1er, 13 points) : Le club rebelle du quartier chaud de Hambourg faisait partie des outsiders mais on ne l’imaginait pas à pareille fête. Depuis le début de la saison, les Kiezkicker sont irrésistibles, avec notamment deux succès retentissants à Aachen (0-5) et Karlsruhe (0-4). Véritable anachronisme à l’époque du foot business, St. Pauli revendique fièrement son anarchisme. Sis à proximité de la mythique Reeperbahn (et de l’Herbertstrasse chère à Philip Borns), l’antre des Kiezkicker, le Millerntor-Stadion, est en cours de rénovation mais pas question d’en faire une Arena ultramoderne : tout doit rester authentique, avec les places debout, la proximité entre joueurs et spectateurs, les bières qui volent à chaque but… Tout au plus a-t-on consenti à enlever les containers tagués qui abritaient la billetterie. Si l’équipe mise surtout sur le collectif et la solidarité, St. Pauli compte quelques éléments vraiment intéressants dans ses rangs, comme le demi à la frappe surpuissante Lehmann, le buteur confirmé Ebbers, le très vif Naki (international allemand M-21), le joker Hennings (espoir formé dans les rangs de l’ennemi juré SV Hambourg) et surtout le formidable meneur de jeu germano-ghanéen Charles Takyi, qui est un régal à voir jouer. On ne sait pas si le conte de fées des Kiezkicker durera toute la saison, certaines équipes paraissent un peu mieux armées, mais nul doute que St. Pauli sera un client sérieux pour un retour dans une Bundesliga qu’il n’a plus fréquentée depuis la saison 2001-2002.

1. FC Union Berlin (2e, 13 points) : Coïncidence ou pas, l’autre révélation de ce début de saison, c’est l’organisation amie de St. Pauli, l’autre club rebelle et anarchiste d’Allemagne, l’Union Berlin. Club des mécanos et des syndicats dans l’ex-RDA, l’Union était régulièrement flouée par son grand rival, le Dynamo Berlin, club du régime et de la Stasi. Aujourd’hui, malgré les résultats électoraux préoccupants de ses descendants, la Stasi n’existe plus mais Eisern Union a conservé son côté populaire et prolétaire, défiant les nantis. Ainsi, les supporters ont participé, soit financièrement, soit en travaillant sur le chantier, à la reconstruction du stade, l’Alte Försterei, inauguré cet été. Néo-promu, Eisern Union visait le maintien, il fait bien mieux que cela pour l’instant. Ce sera dur de rester en aussi bonne position mais, emmenés notamment par un redoutable duo d’attaque composé du Germano-Algérien Benyamina et du Colombien Mosquera, les Berlinois et leur hymne légendaire ont les moyens de s’assurer un maintien tranquille à mi-classement.

Sur la bonne voie

1. FC Kaiserslautern (3e, 11 points) : Le directeur du club, le champion d’Europe 1996 Stefan Kuntz, a fixé comme objectif la promotion au terme de la saison 2010-2011. D’ici là, le présent championnat devait constituer une saison de transition avec un jeune entraîneur, Marco Kurz, et une équipe en devenir. Mais on ne peut pas exclure que les Rote Teufel ne prennent une année d’avance sur le planning ; en tous les cas, le début de saison est prometteur. La charnière centrale Amedick (ex-Dortmund) – Rodnei (ex-Hertha) tient la baraque derrière, certains jeunes comme le gardien Sippel ou le milieu de terrain Sam promettent beaucoup et les attaquants slovaques Jendrisek et Nemec, après un début de saison timide, ont retrouvé samedi le chemin des filets lors d’un probant succès 4-1 contre Duisburg. Le retour de blessure du buteur Srdjan Lakic sera un atout supplémentaire. En tous les cas, le mythique Betzenberg, occupé par l’un des publics les plus chauds du continent, ne demande qu’à s’embraser. En espérant que les Rote Teufel ne craqueront pas au printemps, comme cela avait été le cas l’an passé. Car le 1. FCK mérite largement la Bundesliga.

Rot-Weiss Oberhausen (4e, 10 points) : On en faisait un candidat à la relégation mais pour l’instant Oberhausen surprend en bien, qui plus est en produisant un jeu plutôt plaisant. Il nous étonnerait que le RWO reste longtemps en si bonne position mais tous les points qui sont pris ne sont plus à prendre et peut-être bien que le club de la Ruhr, emmené par le buteur de poche Mike Terranova, pourrait obtenir son maintien plus facilement que prévu.
DSC Arminia Bielefeld (5e, 9 points) : Le nouvel entraîneur Thomas Gerstner a affirmé que l’objectif, ce n’est pas seulement la promotion mais la première place. Pour l’instant, l’Arminia n’y est pas tout à fait mais réussit tout de même un début de saison encourageant. Devant le meilleur gardien de la ligue, Dennis Eilhoff, l’arrière-garde est plutôt solide. On craignait que les Blauens manquent de poids en phase offensive mais les 12 buts inscrits sur les 5 premiers matchs démentent cette assertion : le transfert du Fort Tchèque, pardon du Tchèque Fort semble avoir été une bonne pioche, l’Italien Federico paraît retrouver le niveau qui lui avait permis de faire monter Karlsruhe en 2007 et l’international zambien Katongo a déjà plus marqué cette saison en 5 matchs de Zweite Liga que durant toute la saison dernière en Bundesliga. Bielefeld constitue un candidat tout à fait crédible pour la montée.
MSV Duisburg (6e, 9 points) : Personnellement, j’en fais mon favori. L’entraîneur le plus sympathique d’Allemagne, Peter Neururer, peut compter sur une escouade de vieux grognards dans le secteur défensif, à l’instar du gardien Starke (qui relègue toujours le Suisse Herzog sur le banc) ou de l’ancien Zurichois Tararache. En attaque, il y a la grande attraction de la 2. Liga, Sandro Wagner. Révélé avec le Bayern lors de la Coupe de la Ligue 2007, cet attaquant de 21 ans s’est exilé en 2008 à Duisburg pour avoir du temps de jeu ; sa première saison dans la Ruhr a été moyenne mais s’est conclue par un retentissant doublé lors du triomphe allemand en finale de l’Euro M-21 contre l’Angleterre (4-0). Sur cette lancée, Wagner aligne les buts depuis la reprise et on n’a sans doute pas fini de voir la danse du robot dans les stades de 2. Liga. Pour l’épauler les Zebras peuvent compter sur Caiuby (récent champion d’Allemagne avec Wolfsburg), Ben-Hatira (autre champion d’Europe M-21) ou Larsen (qui tente de relancer une carrière enlisée à Schalke et Toulouse). De l’expérience derrière, du talent devant, un entraîneur compétent, Duisburg a vraiment tout pour bien faire ; pour l’instant, en dehors d’un gros couac à Kaiserslautern, les Zebras ont été à la hauteur de leurs ambitions. Je serai vraiment ravi de retourner voir des matchs de Bundesliga à la très convivial MSV-Arena avec mon maillot duisbourgeois floqué Tararache.

Fortuna Düsseldorf (9e, 7 points) : Il a fallu 10 ans au Fortuna pour retrouver cette Zweite Liga, ce n’était pas pour redescendre tout de suite. Le finaliste de la Coupe des Coupes 1979 s’est donné les moyens de se maintenir sans trop de souci, même si les transferts vedettes de l’entre-saison comme le joueur de couloir van den Bergh, l’attaquant russe Bulykin ou l’international autrichien Harnik n’ont pas encore pleinement convaincu. Intraitable devant son bouillant public, le Fortuna reste encore un peu vulnérable en déplacement mais devrait pouvoir s’assurer une place dans la première moitié du classement. En attendant mieux.

Pourraient faire mieux

Munich 1860 (7e, 7 points) : Le vrai club populaire et historique de Munich affichait quelques ambitions cette saison, avec un entraîneur confirmé, Ewald Lienen, quelques joueurs expérimentés, comme le gardien à l’éternel pyjama Gabor Kiraly, et un duo d’attaque supposé percutant composé de l’ancien international allemand Benny Lauth et de l’Américain en partie formé à Manchester United, Kenny Cooper. Le début de saison des Löwen est assez mitigé, avec du bon et du beaucoup moins bon, notamment une mortifiante défaite à domicile contre Karlsruhe. Une nette amélioration sera nécessaire pour viser la promotion mais l’effectif paraît un peu limite pour finir dans le trio de tête. Il faudra donc sans doute patienter encore un peu pour voir des vrais matchs avec une vraie ambiance et des vrais fans de Bundesliga à l’Allianz Arena, en lieu en place des défilés pour VIP et invités de la grande industrie allemande proposés par le Bayern.

Energie Cottbus (8e, 7 points) : Après la relégation en barrage en mai dernier, Cottbus a décidé d’engager un entraîneur lui-même relégué en 3. Liga avec Osnabrück. Malgré ce CV peu engageant, Claus-Dieter Wollitz a amené un enthousiasme et un allant offensif que les Lausitzer avaient un peu oublié en Bundesliga dans les combats contre la relégation. Cottbus ne manque pas d’atouts avec le solide gardien Tremmel, l’aisance technique du Bulgare Angelov, le retour de l’enfant prodige roumain Radu ou la surprenante révélation du Chinois Shao. Néanmoins, malgré le renfort des ex-Dortmundois Brzenska et Kruska, le secteur défensif paraît un peu léger pour viser la remontée immédiate dans l’élite. L’Energie sera capable d’exploits ponctuels mais n’aura sans doute pas la constance nécessaire pour une promotion.
SpVgg Greuther Fürth (11e, 6 points) : Les supporters du Greuther Fürth se sont eux-mêmes rebaptisés «die Unaufsteigbaren», les «impromotionnables», allusion au fait que leur équipe échoue systématiquement aux portes de la promotion. Il faut dire que les dirigeants de ce petit club de la banlieue de Nuremberg, avec peu de moyen, un stade minuscule et un engouement populaire limité, ne sont pas très pressés de faire le grand saut. L’an passé, ils ont plombé les chances de leur équipe en annonçant, juste avant d’aborder le sprint final, le transfert du buteur vedette Reisinger à un concurrent direct pour l’ascension, Freiburg. Trèfle, Abeilles, même combat, si tu vois ce que je veux dire. La saignée subie cet été paraît prémunir Kleeblatt contre tout «risque» de promotion cette saison ; encore que la compétence de l’entraîneur Möhlmann et le sens du but du Germano-Tunisien Allagui pourraient amener Fürth en bonne position, style entre le 4e et la 7e place, juste derrière la promotion, comme d’habitude.

Déjà la crise

SC Karlsruhe (10e, 7 points) : L’entraîneur Ede Becker avait survécu à la relégation en mai dernier mais il n’a pas résisté au mauvais début de saison du KSC et à une défaite infamante à Paderborn. Le changement d’entraîneur s’est fait dans le flou et n’a pas permis de redresser immédiatement la barre. La nomination de Markus Schupp (qui avait fait un bref passage comme joueur au FC Bâle) et le retour de blessure du capitaine Aleksandre Iaschwili semblent toutefois avoir remis un peu d’ordre dans la maison. Néanmoins, au vu de l’effectif à disposition, Karlsruhe semble davantage parti pour une saison de transition que pour jouer le retour immédiat dans l’élite.
FC Augsburg (12e, 6 points) : Avec l’inauguration d’une nouvelle impuls arena (33’600 places, potentiellement extensible à 49’000), le FC Augsburg affichait de grandes ambitions cette saison et a réalisé la campagne de recrutement la plus onéreuse de la catégorie. L’effectif bavarois regorge de noms relativement célèbres pour qui connaît un peu le foot allemand comme Jentzsch, Bellinghausen, Reinhardt, Ndjeng, Kapllani, Szabics, Torghelle ou encore Thurk. Mais l’entraîneur hollandais Jos Luhukay, promu en 2008 avec Mönchengladbach, n’a pas encore réussi à faire prendre la mayonnaise et le FCA se montre aussi réaliste que l’équipe du Portugal. L’impatience commence donc à grandir et des changements pourraient intervenir si une réaction n’intervient pas rapidement.
Alemania Aachen (15e, 5 points) : Aachen avait misé sur la continuité pour jouer immédiatement les premiers rôles dans un stade flambant neuf ; les matchs amicaux avaient été bons, j’en faisais un favori. Puis vint le couac : on jouait la 2e journée, l’Alemania reçoit St. Pauli pour inaugurer son Neue Tivoli Stadion (32’960 places), le stade est comble, l’ambiance survoltée et l’Alemania domine les débats pendant la 1ère demi-heure. Avant le cauchemar : quatre buts encaissés en 20 minutes, au final une défaite 0-5, y a mieux pour inaugurer un stade où l’on va devoir jouer dans les 50 prochaines années. Cette défaite cuisante a provoqué une onde de choc dont l’Alemania n’est pas encore remis et qui a fini par être fatale au sympathique entraîneur Jürgen Seeberger (ex-Schaffhouse). Aujourd’hui, la priorité c’est de retrouver un entraîneur et de définitivement tirer un trait sur ce fameux 0-5. Le temps presse si Aachen ne veut pas définitivement laisser partir le train de la promotion.

La saison va être longue

Hansa Rostock (13e, 6 points) : Après avoir flirté avec la relégation l’an dernier, le Hansa espérait retrouver une place dans la première moitié du tableau. Mais les premières journées ont confirmé que Rostock allait une nouvelle fois jouer contre la relégation. Le mécontentement est patent du côté de la DKB-Arena, l’entraîneur Zachhuber contesté et le buteur et capitaine emblématique du club Kern relégué dans la tribune. Bref, c’est pas la joie sur les bords de la Baltique, Rostock va devoir se contenter d’assurer sa place en Zweite Liga, il en a les moyens ; par contre le grand retour en Bundesliga, ce ne sera pas pour cette saison.
SC Paderborn (14e, 5 points) : Relégué en 3. Liga en 2008, promu en 2009, Paderborn va devoir s’accrocher pour éviter de faire une nouvelle fois l’ascenseur. Le début de saison a confirmé que les Est-Westphaliens allaient au devant d’une saison compliquée, même si le buteur turc Mahir Saglik pourrait être l’une des bonnes surprises du championnat.
TuS Koblenz (16e, 3 points) : Pour l’instant, le club de Rhénanie-Palatinat a surtout fait parler de lui par les démêlés verbaux, par presse interposée, entre son entraîneur Uwe Rapolder (ex-YB, Saint-Gall et Martigny) et son ancien joueur, la superstar du 1. FC Köln, Lukas Podolski. Sur le terrain, c’est beaucoup moins spectaculaire et, comme prévu, le TuS devra batailler pour assurer son maintien. Sans être à l’abri d’une mauvaise surprise, malgré les prouesses des frangins finlandais Njazi et Shefki Kuqi.
Rot Weiss Ahlen (17e, 1 point) : Le RWA partait déjà avec bien peu d’atout dans sa course au maintien et voilà qu’en plus le buteur maison Lars Toborg ne trouve plus le chemin des filets. Du coup, Ahlen affiche une moyenne de 0,2 but marqué par match. En Ligue 1 française, une telle moyenne permet d’assurer une place en Champions League mais en Zweite Liga, cela a tout d’un passeport pour l’échafaud.
FSV Francfort (18e, 1 point) : Malgré l’inauguration d’un tout nouveau Frankfurter Volksbank Stadion, le FSV Francfort paraît condamné à végéter dans l’indifférence, à l’ombre de son grand voisin, l’Eintracht. L’an passé, pour sa première saison en 2. Liga, le FSV avait surpris en assurant son maintien finalement assez aisément mais un deuxième sauvetage tiendrait du miracle.

Écrit par Julien Mouquin

Commentaires Facebook

9 Commentaires

  1. @christophe
    Je serai là, je crois même que je suis préposé pour faire le papier pour CartonRouge.
    Du coup, on verra pour la tonnelle, tu sais bien que je ne bois pas de bière quand j’ai un article à faire

  2. Voilà un article qui devrait convaincre, espérons-le , le dénommé Henri Leconte que les articles de Julien ne sont pas basés sur le Teletext. Du haut niveau !

    Et comme le dit si bien Carlos ci-dessus : Quelle passion ce Mouquin !!

    ( P.S. N’oublie pas samedi, 17h, Trois Sapins, tonnelle No 1, mon cher Julien ! )

  3. Enorme l hymne du Union la prochaine fois qu j vais à Belin je planifirai un union-kaiserslautern au lieu d un herta-munich des familles bravo !!!

  4. Quel bonheur de voir ces deux clubs aux avant-postes!

    Allez voir un match au Millerntor ou à l’Alte Forsterei et, d’un seul coup, vous reprendrez toute la « Fankultur » allemande en pleine figure !!! Ergreifend!

    LG

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