Mais que fait la justice ?

CartonRouge.ch a réussi là où tant d’autres ont échoué ces dernières années : instiguer un duel entre Larry Ellison et Ernesto Bertarelli sans intervention intempestive des tribunaux américains. Et, ô surprise, le patron d’Oracle peut gagner quelque chose, ne serait-ce qu’un Pigeon d’Or, sans aller pleurnicher devant la justice de son pays.

La rocambolesque saga de la Coupe de l’America aura au moins réussi à provoquer un débat sur de la voile au sein de la rédaction de CartonRouge.ch, qui d’habitude ne se passionne guère pour ce sport. On était assez partagés sur l’opportunité de sélectionner les acteurs de ce sinistre vaudeville pour notre Pigeon d’Or. La première option étant de les ignorer totalement, étant donné que les folles aventures des Ellison, Bertarelli, Coutts et compagnie ont depuis longtemps dépassé le cadre du sport. Nous aurions aussi pu accréditer la thèse des grands méchants Suisses en ne sélectionnant que le patron d’Alinghi et ainsi ravir les jaloux et les aigris qui cherchent le moindre prétexte pour dénigrer nos compatriotes qui réussissent. Une autre solution aurait été de s’en tenir à l’actualité en ne retenant que Larry Ellison, auquel les derniers rebondissements de la saga semblent largement imputables. L’hypothèse d’une candidature conjointe entre les deux milliardaires en mode duo-pack a aussi été envisagée mais finalement nous t’avons laissé le choix de trancher entre les deux rivaux, cher lecteur. Et tu as tranché en faveur de Larry Ellison. De peu il est vrai, ce sacré Ernesto étant passé tout près d’une remontée fantastique en s’autoproclamant barreur de son jouet à quelques dizaines de millions de francs.

L’équité selon Larry Ellison

Au départ, les torts sont sans doute plutôt du côté helvétique, tant sur le fond que sur la forme. Sur le fond en voulant imposer des règles éhontément favorables au Defender, sur la forme en choisissant un Challenger of Record ne remplissant pas toutes les conditions requises, donnant ainsi un angle d’attaque à Oracle. A ce moment là, Larry Ellison aurait pu s’ériger en chevalier blanc, héraut de tous les challengers pour une compétition plus équitable. Mais ce n’est pas tout à fait le genre de la maison : après avoir pitoyablement échoué en finale de la Coupe Louis Vuitton en 2003 (5-1 contre Alinghi) et en demi-finale en 2007 (5-1 contre Luna Rossa) malgré le plus gros budget de la compétition, Larry Ellison et consorts ont profité de la brèche pour accéder directement à la Coupe America sans passer par cette Coupe Louis Vuitton qu’ils se sont montrés incapables de remporter. Ainsi, au nom de l’équité, Oracle a court-circuité et écarté de la compétition une bonne dizaine de challengers sans leur laisser la moindre chance de se défendre ! On soupçonne même les Américains d’avoir espéré qu’en construisant un bateau gigantesque et totalement différent du class america traditionnel, ils parviendraient à dissuader Alinghi de relever le défi avec un investissement aussi onéreux pour une Coupe au rabais, privée de la quasi-totalité de ses challengers et donc de ses retombées médiatiques et financières potentielles.

L’ultime entourloupe

Dès lors qu’il est apparu que les Suisses allaient malgré tout construire leur bateau, Oracle a multiplié les procédures juridiques pour avancer la date de la compétition et ainsi ne pas laisser à Alinghi le temps de se préparer. Avant d’opter pour la stratégie inverse une fois le bateau suisse terminé et généralement considéré comme supérieur à celui du syndicat californien. Soit multiplier les manœuvres dilatoires afin de gagner du temps pour tenter d’améliorer leur trimaran : menaces terroristes, concurrence des JO, invocation du règlement pour imposer une compétition dans l’hémisphère sud avant de refuser les sites proposés et de finir par accepter un plan d’eau dans l’hémisphère nord unanimement considéré comme peu propice à la navigation à cette période de l’année… Et après avoir épuisé tous les recours et dû se résigner à devoir enfin régater, Larry Ellison s’est encore réservé une ultime entourloupe avec une énième action judiciaire susceptible d’inverser le résultat sportif sous un prétexte fallacieux. Démontrant ainsi, si besoin était, que le patron d’Oracle n’était qu’un pleutre qui n’était pas intéressé par le défi sportif et prêt à accepter le verdict de la compétition, mais juste un milliardaire en mal de gloriole personnelle et prêt à tout pour gagner, quitte à sacrifier «son» sport sur l’autel de son égo surdimensionné. Et qu’à la limite, si la Coupe de l’America pouvait se gagner uniquement au terme d’une vente aux enchères, sans compétition sportive, il en serait le premier ravi. Cette interminable saga judiciaire cadre finalement avec l’image pathétique qu’avait laissée Larry Ellison lors des deux dernières éditions de la Coupe Louis Vuitton lorsqu’il «participait» aux régates avachi au fond de son jouet en regardant trimer ses mercenaires d’un air blasé.
Bref, qu’il gagne ou qu’il perde cette Coupe de l’America, sur l’eau ou dans un tribunal, Larry Ellison constitue un magnifique

Pigeon d’Or de janvier 2010

et lance ainsi sur d’excellentes bases la course à la succession de Waldemar Kita.

Election du Pigeon d’Or du mois de janvier – classement final :
1. Larry Ellison : 169 votes – 28,2%
2. Ernesto Bertarelli : 159 votes – 26,5%
3. Tiger Woods : 133 votes – 22,2%
4. Massimo Lorenzi : 96 votes – 16%
5. Bernard Mouthon : 43 votes – 7,2%

Écrit par Julien Mouquin (texte) et Robert Johanson (dessin)

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12 Commentaires

  1. On pourrait demander à Ernesto de glisser le Pigeon d’Or dans la Coupe de l’America quand Larry viendra la chercher au Tribunal de NY après l’avoir perdue sur l’eau et gagnée sur tapis vert !!!

  2. @ guga :

    On te rassure, notre dessinateur a passé l’âge de poster des commentaires pour s’auto-encenser.

    Mais voilà, il a quelques fans parmi nos lecteurs et tant mieux pour lui !

    Bien à toi,
    La rédac

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