Toujours plus près des étoiles

En dominant le Werder Brême 2-1, le Borussia Dortmund a fait un pas de géant vers une qualification en Europa League et peut même rêver d’une place en Ligue des Champions. La longue traversée du désert semble toucher à son terme du côté du Westfalenstadion.

Le 27 novembre 2003, le Borussia Dortmund était sorti sans gloire au 2e tour de la Coupe UEFA par le modeste FC Sochaux, quelques semaines après une élimination tout aussi peu glorieuse en qualifications de la Ligue des Champions contre le FC Brugge. Le manque à gagner causé par cette double élimination, ajouté à une série de campagnes de transferts aussi onéreuses que foireuses et à une calamiteuse entrée en bourse, allait définitivement plomber les comptes du club et éloigner durablement le champion d’Europe 1997 de la scène européenne, à l’exception d’une qualification au rabais en 2008 après une finale de Coupe d’Allemagne perdue contre un Bayern Munich déjà qualifié pour la C1. Mais l’aventure dortmundoise en Coupe d’Europe ne durera cette année-là que deux matchs et une élimination aux tirs au but contre l’Udinese.

Le grand retour

Cette saison en revanche, le BVB semble mûr pour son grand et véritable retour sur la scène européenne. Avec une situation financière enfin assainie, une équipe jeune et riche en promesses et une ferveur populaire qui ne s’est jamais démentie même au plus fort des années de galère, le club se redécouvre un avenir et entrevoit enfin la sortie d’une très longue, trop longue, traversée du désert. Enfin, au figuré bien sûr, parce que s’il y a un endroit sur cette planète où l’on n’a jamais risqué la déshydratation, c’est bien le Westfalenstadion. On reste très prudent du côté du BVB, l’entraîneur Jürgen Klopp répète à l’envi que 52 points ce n’est pas encore suffisant pour une place européenne, sans doute en mémoire de la fin de saison passée où son équipe avait laissé échapper l’Europa League sur un but en position de hors-jeu à l’ultime seconde du championnat. Toutefois, derrière la prudence d’usage, on ne voit pas trop ce qui pourrait empêcher le BVB de retrouver une place plus en rapport avec le standing d’un club qui draine régulièrement plus de 75’000 spectateurs dans son stade.

Dortmunder Jungs

Après une dernière sortie mitigée à Berlin (0-0), les joueurs dortmundois avaient promis un tout autre visage pour ce match contre le Werder Brême, capital dans l’optique des places européennes, les deux formations n’étant séparées au coup d’envoi que par un point aux 4e et 5e places du classement. Et ils ont tenu parole, en prenant rapidement à la gorge la toujours aussi folklorique défense brêmoise. Après moins de dix minutes, le plus beau stade du monde explosait une première fois lorsque l’ancien brêmois Patrick Owomoyela trouvait Kevin Grosskreutz qui ouvrait le score d’une merveille de tête lobée.
Je suis bluffé par ce Kevin Grosskreutz : en début de saison, je pensais qu’il était surtout là afin de faire plaisir aux supporters, juste pour avoir un authentique enfant du pays dans l’effectif, je ne l’imaginais pas s’imposer comme titulaire et encore moins aligner les buts décisifs. Bon, accessoirement, en vieux réactionnaire de droite, je ne pensais pas qu’il était possible de bien jouer au foot avec une telle coupe de cheveux mais ça c’est une autre question. Si tu pratiques un peu la langue de Goethe, je te conseille d’aller jeter un coup d’œil sur la chronique de Kevin Grosskreutz, la «Kevins Kolumne», sur l’excellent site www.schwatzgelb.de, il y fait presque autant de vannes déplacées et hors-sujet sur Schalke 04 que le soussigné sur le foot italien. Dortmund est une équipe qui marche au moral et à l’émotion : surfant sur l’euphorie de ce premier but, les jaunes et noirs allaient complètement étouffer le Werder dans la première demi-heure et logiquement doubler la mise sur un corner de Mohamed Zidan repris par la tête d’un autre jeune, Neven Subotic.

Le Bayern Munich est magique !

Le temple de la Strobelallee allait exulter une troisième puis une quatrième fois à l’annonce des deux buts du Bayern Munich à Gelsenkirchen. Ce n’est pas que les Rekordmeister bénéficient d’une quelconque sympathie du côté du Westfalenstadion, loin s’en faut, mais de deux maux il faut choisir le moindre : et, pour tout supporter dortmundois qui se respecte, la perspective de voir Schalke 04 soulever son premier Meisterschal depuis 52 ans est tellement insupportable qu’il préférera le choléra rouge à la peste bleue. Le «ein Leben lang keine Schale in der Hand» a fusé tellement fort dans la Südtribüne qu’il a dû résonner jusqu’à la Veltins-Arena située à 35 kilomètres de là. Quelques heures plus tard, à une heure avancée de la nuit, dans une discothèque bondée du centre-ville, le DJ rappellera que Schalke n’est plus «Tabellenführer», ce qui provoquera une immense ovation et donnera l’occasion aux fêtards, y compris les charmantes Mädchen qui peuplaient la piste de danse, que l’on n’imaginait pourtant guère fan de foot, d’entonner un Never Walk Alone à faire trembler les murs. C’est comme ça que ça se passe en Rhénanie du Nord-Westphalie, c’est toute une ville qui vibre pour son club et pas seulement deux heures par semaine pendant le match.

Réaction inutile

A 2-0 à la pause, l’affaire était bien emmanchée. Cependant, si Brême n’offre pas toutes les garanties de sécurité en défense, ça demeure très costaud en attaque. Les petits hommes verts venus du Nord ne restaient pas sur onze matchs sans défaite, toutes compétitions confondues, et n’ont pas la meilleure offensive de la ligue par hasard. Il y a donc bien eu une réaction brêmoise, concrétisée notamment par trois occasions pour Claudio Pizarro, dont un tir sur l’angle des buts (60e). C’est donc assez logiquement que le Werder a réduit la marque par Aaron Hunt au terme d’une belle action collective. On allait toutefois en rester-là, le BVB ayant contenu finalement assez facilement les assauts brêmois, bien aidé par son gardien Roman Weidenfeller actuellement en état de grâce et qu’on voit même faire preuve d’assurance sur les sorties aériennes.

A un point de la Champions League

La bonne nouvelle suivante est venue de Francfort avec la défaite de Leverkusen contre l’Eintracht (3-2). Ainsi, non content d’avoir creusé l’écart avec Hambourg et Brême pour une place en Europa League, le BVB est revenu à une petite longueur de la 3e place et de la Ligue des Champions. Et lorsque l’on compare la dynamique actuelle du Borussia et celle de Vizekusen, ainsi que leur calendrier respectif lors des cinq dernières journées, on se dit que tous les espoirs sont permis pour cette fin de saison. Une sympathique escale en terres saint-galloises sur le chemin du retour (décidemment il y a des week-ends où tout rigole…) nous a d’autant plus convaincus que le BVB devait absolument accrocher cette place en C1, je n’ai pas trop envie de trembler à la perspective d’un duel BVB – LS en Europa League : ça m’ennuierait un peu d’assister à un match dans le secteur visiteur du Westfalenstadion. Mais bon, là ça devient des soucis de nantis, en début de saison on aurait signé les yeux fermés pour une telle éventualité

Borussia Dortmund – Werder Brême 2-1 (2-0)

Signal Iduna Park, 80’552 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Rafati.
Buts : 9e Grosskreutz (1-0), 22e Subotic (2-0), 65e Hunt (2-1).
Dortmund : Weidenfeller ; Owomoyela, Subotic, Hummels (77e Santana), Schmelzer ; Kehl (46e S. Bender), Sahin ; Blaszczykowski, Zidan (68e Hajnal), Grosskreutz ; Barrios.
Werder : Wiese ; Fritz, Mertesacker, Naldo, Pasanen (69e Boenisch) ; Hunt, Bargfrede, Özil, Marin (46e Jensen) ; Pizarro, Almeida.
Cartons jaunes : 61e Blaszczykowski, 89e Bargfrede.
Notes : Dortmund sans Le Tallec (blessé), Brême sans Borowski (malade), Wagner (blessé) ni Frings (suspendu).

Écrit par Julien Mouquin