Bundesliga 2009-2010 : bilan, partie IV

On termine ces bilans par du très classique : les éternels losers de Leverkusen et Schalke 04 qui s’effondrent en fin de saison après avoir fait la course en tête durant la majeure partie du championnat, Brême qui marque beaucoup de buts mais en encaisse aussi beaucoup trop et, au final, c’est le Bayern qui, après quelques crises et autres FC Hollywooderies, finit par imposer son budget et son contingent supérieurs.

Bayer Leverkusen (4e, 59 points, Europa League)

Leverkusen a confirmé le vieil adage selon lequel jamais un vulgaire échangeur autoroutier ne pourra devenir champion d’Allemagne. Pourtant, cette saison, l’expérience de l’entraîneur Heynckes et du patron de la défense Hyypiä, la (relative) solidité du gardien Adler, le jeu de tête de Friedrich, l’immense talent de Kroos, la grinta de Castro et Vidal, les révélations Reinartz et Derdiyok, les caviars de Barnetta et le sens du but de Kiessling ont longtemps permis au Bayer de faire la course en tête et d’entretenir le fol espoir du premier titre de son histoire. C’est paradoxalement le jour même où Neverkusen battait le record historique de la Bundesliga du plus grand nombre de matchs sans défaite (24) depuis le début de la saison, avec un nul 0-0 contre le voisin Cologne, que débutait le traditionnel effondrement de fin saison.
Vizekusen concédera ainsi cinq défaites lors des dix derniers matchs, laissant échapper non seulement le titre mais aussi un retour en Ligue des Champions. Une fois de plus, la malédiction qui voit les Rheinländer systématiquement s’effondrer en fin de saison a frappé. Ce n’est pas complètement une surprise, Werkself était sans doute à bloc depuis le début de la saison et a été incapable d’enclencher la vitesse supérieure au moment d’aborder le sprint final, contrairement à des Bayern ou Brême qui eux en avaient gardé sous la pédale.
Top-Spieler : Stefan Kiessling
Stefan Kiessling s’identifie à tel point à son club qu’il a lui aussi adopté la spécialité locale : l’effondrement de fin de saison. Après avoir mené le classement des buteurs quasiment de bout en bout, l’attaquant du Bayer s’est fait soufflé le titre de Torjäger 2009-2010 par Edin Dzeko sur l’ultime journée ! Cela n’enlève rien à la belle saison réussie par l’international allemand : trop longtemps cantonné dans une étiquette d’éternel espoir et balloté entre des postes de milieu de couloir, milieu offensif ou attaquant de pointe, Stefan Kiessling a franchi un palier cette saison. Enfin stabilisé à un poste d’attaquant de pointe dans le 4-4-2 d’Heynckes, il s’est affirmé comme l’un des tous meilleurs attaquants de Bundesliga avec une fiche de 21 buts et 7 assists.
Flop-Spieler : Patrick Helmes
Quatrième buteur de Bundesliga l’an dernier avec 21 buts, Patrick Helmes s’était ensuite blessé durant … ses vacances estivales. Absent durant presque tout le 1er tour, il n’a ensuite pas été capable de reconquérir sa place de titulaire, l’entraîneur Heynckes n’ayant pas souhaité changer un duo Kiessling – Derdiyok qui donnait entière satisfaction. Du coup, l’ex-traître du 1. FC Köln a dû se contenter d’un temps de jeu extrêmement réduit. Et comme il n’a pas l’aura d’un Gomez ou d’un Klose, cela lui coûtera sa place en équipe nationale pour la prochaine Coupe du Monde.
La révélation : Eren Derdiyok
A la base, Eren Derdiyok venait comme joker derrière le duo Helmes – Kiessling. Mais la blessure du premier nommé lui a donné une chance qu’il a parfaitement su saisir en alignant régulièrement les buts. A l’image de son équipe, la fin de saison sera moins convaincante mais, avec 33 matchs joués dont 32 d’entrée, 12 buts et 6 assists, dans l’un des meilleurs clubs de la ligue, le bilan de sa première saison en Bundesliga, à seulement 21 ans, peut être considéré comme plus que positif.

Werder Brême (3e, 61 points, qualifications de la Ligue des Champions)

Pour la cinquième fois en six ans, le Werder Brême termine entre la 2e (2006 et 2008) et la 3e place (2005, 2007 et 2010). Avec à chaque fois la même interrogation : les Brêmois doivent-ils se réjouir de cette place sur le podium ou pleurer un titre perdu en raison d’une défense trop perméable ? Cette saison, après le 10e rang de l’an dernier et le départ de Diego, les Brêmois peuvent se satisfaire de ce podium qui leur permettra de renouer avec la C1. N’oublions pas qu’avec les flops Rosenberg, Almeida et Moreno, Pizarro était bien seul devant et que les deux meneurs de jeu du Werder, Mesut Özil et Marko Marin, ne sont âgés que de 22 et 21 ans, d’où une certains inconstance. Le bilan plus qu’honorable des Brêmois est complété par une place de finaliste en Coupe d’Allemagne et de 1/8e de finaliste en Europa League où le Werder est tombé après un double duel d’anthologie contre Valence (1-1 et 4-4), à mon avis le meilleur moment des Coupe d’Europe 2009-2010, avec un nouveau Wunder von der Weser manqué de peu.
Au final, les Werderaner peuvent sans doute regretter leur fin de 1er tour désastreux (7 matchs/7 points) qui leur coûte peut-être le titre mais on sait que le jeu très offensif prôné par Thomas Schaaf ne tolère pas le moindre relâchement. Et cette saison, le contingent brêmois n’était pas assez étoffé pour tenir le rythme sur la longueur. Le Werder a toutefois su terminer en trombe, avec notamment un succès à Schalke lors de l’avant-dernière journée, pour arracher le dernier ticket pour la C1 à Dortmund et Leverkusen.
Top-Spieler : Claudio Pizarro
Après avoir manifesté quelques velléités de départ l’été dernier, Claudio Pizarro est finalement resté sur les bords de la Weser, ce qui lui a permis de rejoindre Giovane Elber comme meilleur buteur étranger de l’histoire de la Bundesliga (133 buts chacun). S’il donne parfois l’illusion d’une certaines nonchalance, le Péruvien reste un tueur devant le but : 16 buts en 26 matchs de Bundesliga et 9 réussites en 8 parties d’Europa League ! C’est d’ailleurs en son absence que le Werder a coincé en fin d’année 2009.
Flop-Spieler : Markus Rosenberg
La cote de Markus Rosenberg est au plus bas au Weserstadion. Après un exercice 08-09 décevant, le Suédois a enchaîné avec une nouvelle saison quasiment transparente, se contentant d’apparition anonyme qui ne lui ont certainement pas permis de briguer une place de titulaire, malgré les ratés à répétition de son concurrent Almeida. Arrivé de l’Ajax Amsterdam en 2007, Rosenberg avait connu des débuts encourageants en Bundesliga mais là sa carrière brêmois semble au point mort, il a même fini la saison dans les tribunes après une prestation nullissime contre Bochum.
La révélation : Mesut Özil
Cela fait plusieurs années que l’on connaît le talent de Mesut Özil, il a acquis une dimension supplémentaire cette saison en assumant parfaitement la lourde succession du Brésilien Diego. Eblouissant l’automne dernier, il a un peu pris la grosse tête lorsque les journaux l’ont annoncé du côté de Barcelone ou Arsenal. La suite de sa saison a été plus intermittente, même s’il reste le plus grand talent du foot allemand. Meilleur passeur de la ligue (17 assists), il fait partie de ces joueurs qui peuvent décider de l’issue d’un match à eux tout seul, comme lors de l’avant-dernière journée où il a enterré les rêves de titre de Schalke, le club où il avait été formé mais qui ne lui avait jamais fait confiance.

Schalke 04 (2e, 65 points, Ligue des Champions)

Il s’en est fallu de peu mais le «ein Leben Lang keine Schal in der Hand !» reste d’actualité. Encore leaders à six journées de la fin et à égalité de points avec le Bayern à deux matchs du terme du championnat, les Knappen se sont, comme d’habitude, effondrés sur la fin, en perdant notamment les deux chocs à domicile contre le Bayern et le Werder. Malgré un quatrième «sacre» de vice-champion (qui semble être une spécialité des GE) d’Allemagne en dix ans, le club de Gelsenkirchen attend toujours un titre national depuis 1958. Ceci dit, autant les deuxièmes places de 2001 (titre perdu à l’ultime seconde de la saison) et 2007 (titre perdu lors de l’avant-journée contre l’ennemi juré Dortmund) laissent encore aujourd’hui un goût amer aux supporters königsblaue, autant celle de cette année a été fêtée comme un succès.
Car en début de saison, personne ne misait sur la présence de Schalke dans le trio de tête, après une saison 2008-2009 ratée et un recrutement miséreux en raison de difficultés financières. Mais l’entraîneur Felix Magath est un génie : en lançant des jeunes inconnus (Moritz, Matip, Schmitz, Zambrano, Kenia…), en s’appuyant quelques tauliers (Bordon, Westermann, Neuer, Höwedes, Rafinha) et en relançant quelques carrières enlisées (Farfan, Kuranyi, Rakitic…), le sextuple champion d’Allemagne est parvenu à mettre en place un effectif extrêmement homogène et combattif. C’était rarement beau à voir mais d’une redoutable efficacité. Mais finalement, à l’impossible nul n’est tenu, il a sans doute manqué un peu de talent et d’individualités dominantes dans les matchs décisifs de fin de saison pour aller au bout du rêve. Mais on l’a échappé belle.
Top-Spieler : Kevin Kuranyi
Conspué par la Veltins-Arena après une saison 2008-2009 catastrophique, Kevin Kuranyi souhaitait quitter Gelsenkirchen. Mais Felix Magath, l’entraîneur qui l’avait lancé à Stuttgart il y a quelques années, l’a convaincu de rester, tout en lui demandant de se… couper les cheveux pour pouvoir mieux se concentrer sur son jeu. La recette a fonctionné et Kevin Kuranyi est redevenu l’idole de la Veltins-Arena, en alignant les buts avec une régularité de métronome. Exclu de l’équipe d’Allemagne en 2008 après avoir quitté le groupe, vexé d’être relégué dans les tribunes pour un match Allemagne – Russie, le buteur königsblaue était prêt à faire son retour mais le sélectionneur Jögi Löw est demeuré inflexible, malgré d’intenses pressions populaires et médiatiques, préférant sélectionner Podolski et Klose (5 buts à eux deux) plutôt que Kuranyi (18 buts). Je te laisse imaginer la réaction de la presse si cela devait mal tourner pour la Nationalmannschaft en Afrique du Sud…

Flop-Spieler : Gerald Asamoah
Figure emblématique du club, Gerald Asamoah se dirige vers une triste fin de carrière. Avec une silhouette plus très fit et une pointe de vitesse bien émoussée, l’ancien international allemand ne semble plus guère servir qu’à entrer en fin de match pour casser le rythme et à multiplier les provocations stupides les semaines précédents le derby contre Dortmund. Même s’il n’a que 31 ans, si Felix Magath n’a pas réussi à relancer sa carrière, on ne voit pas trop qui pourrait y arriver. Peut-être qu’à St. Pauli…
La révélation : Joel Matip
De toutes les révélations de ce Schalke 2009-2010, celle de Joel Matip est la plus spectaculaire. Felix Magath n’a pas hésité à lancer ce gamin de 18 ans dans le grand bain de la Bundesliga en le titularisant pour un match contre le Bayern à Munich. Ce culot s’est avéré payant puisque le frère de Marvin (Karlsruhe) a fêté sa première apparition dans les rangs professionnels par un but contre le grand Bayern ! Doté d’une immense présence athlétique et redoutable dans le jeu aérien, il s’est rapidement imposé dans l’entrejeu des Knappen. Double national allemand et camerounais, il a opté pour la deuxième nommée, ce qui devrait lui permettre de faire ses débuts en Coupe du Monde d’ici quelques jours, alors qu’il y a moins d’une année il n’était encore qu’un junior évoluant avec Schalke II en Regionalliga !

Bayern Munich (1er, 70 points, Champion)

Le Bayern Munich avait réalisé la campagne de transferts la plus onéreuse de toute l’histoire de la Bundesliga, il est donc assez logique de le retrouver avec un doublé Coupe-championnat. Avec en prime une finale de Champions League, qui dépasse sans doute les espérances d’avant saison des dirigeants bavarois. Pourtant, rien n’a été simple : le premier tiers de la saison a été plutôt compliqué entre blessures, difficultés de Louis van Gaal à imposer ses méthodes et conséquences d’un recrutement galactique avec beaucoup d’investissements en attaque et quasiment rien dans un secteur défensif affaibli par le départ de Lucio. Le FC Hollywood a connu quelques couacs monumentaux, notamment une défaite à Mainz ou un nul à domicile contre Cologne qui ont fait rire toute l’Allemagne. Il n’est pas certain que Louis van Gaal  aurait passé l’hiver si les Rekordmeister n’étaient pas parvenus à arracher in extremis leur qualification pour les 1/8e de finale de C1 à Turin.
Puis les blessés sont revenus, en particulier Robben, et les joueurs ont commencé à adhérer au système van Gaal. Quand les meilleures individualités se sont fondues dans un collectif performant, la machine bavaroise est devenue difficile à arrêter, avec notamment 9 victoires d’affilé entre novembre et février. Il y aura une légère rechute printanière avec deux défaites consécutives (événement rarissime au Bayern) contre Francfort et Stuttgart mais les Rekordmeister feront définitivement la différence en déplacement lors d’une quinzaine où ils auraient pu tout perdre (deux victoires à Gelsenkirchen en Coupe et en championnat, qualification à Manchester en C1 et nul à Leverkusen) avant de dérouler sur la fin pour réaliser l’une des meilleures saisons de leur histoire. Grâce, clin d’œil du destin, à un trio hollandais, l’entraîneur van Gaal, le capitaine van Bommel et la superstar Robben, dans cette même ville de Munich où le football batave a connu jadis la plus grande désillusion de son histoire.
Top-Spieler : Arjen Robben
Après un début de saison perturbé par les blessures, Arjen Robben s’est affirmé comme le meilleur joueur de cette Bundesliga 2009-2010. Le Bayern avait beau avoir un contingent offensif pléthorique, il est difficile de se passer d’un joueur de cette qualité et c’est pourquoi les résultats bavarois ont beaucoup dépendu du rendement de la star néerlandaise. Les stats parlent d’elle-même : 16 buts, 7 assists en 24 matchs de Bundesliga, de loin pas tous joués dans leur intégralité, Robben s’étant contenté d’un rôle de joker à son retour de blessure. Contrairement à ce qui avait été le cas à Chelsea et au Real, Louis van Gaal a su intégrer son compatriote dans le collectif : certes Robben ne sera jamais un modèle d’altruisme, mais on l’a même surpris à faire des passes à ses coéquipiers.

Flop-Spieler : Luca Toni
Outre les arrivées d’Olic et Robben, le meilleur transfert réalisé cette saison par le Bayern, c’est d’avoir refilé Luca Toni et son salaire somptuaire à la Roma. Blessé en début de saison, l’Italien a préféré courir les soirées mondaines plutôt que les salles de fitness pour accélérer son retour. Les nombreuses blessures dans l’effectif bavarois lui donneront sa chance qu’il galvaudera avec la même application qu’il a mis à expédier les caviars délivrés par ses coéquipiers au dessus du toit de l’Allianz-Arena. C’est donc assez logiquement que les dirigeants bavarois le pousseront à Noël vers une sortie par la toute petite porte.
La révélation : Holger Badstuber
J’avais le choix entre Thomas Müller et Holger Badstuber mais le premier nommé m’énerve un peu avec ses incessantes simulations. Et puis Holger Badstuber s’est affirmé dans un secteur, la défense, où le Bayern n’avait pas beaucoup de solutions de rechange. L’affirmation de ce jeune homme de 21 ans a donc été une providence pour van Gaal, qui, sinon, se serait retrouvé bien emprunté pour pallier aux quelques défections de van Buyten et Demichelis. D’abord comme défenseur central puis comme latéral gauche, Holger Badtsuber a disputé 33 des 34 matchs du championnat. S’il manque parfois un peu de rigueur au marquage et de mobilité, se retrouver titulaire et polyvalent dans la défense d’un club finaliste de la ligue des Champions alors qu’il n’avait pas joué la moindre seconde en Bundesliga avant le début de la présente saison, laisse augurer d’un bel avenir.

Écrit par Julien Mouquin

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8 Commentaires

  1. Bravo, très bien foutu ton article

    tu m’as convaincu, j’entrainerai en Bundesligua dès ma prochaine saison à FIFA 10 😉

  2. Merci pour les compliments, à la saison prochaine !
    Par contre, la Südtribüne contre le LS ça va pas le faire, avec les règles absurdes en Coupe d’Europe: sans alcool et sans places debouts, la Südtribüne c’est pas tout à fait la même chose (même si Suisse – Togo, c’était pas mal).

  3. Julien, du tout grand boulot et des avis tranchés comme on les aime….chapeau pour tout le temps que tu passes sur les routes….et a écrire !

  4. Un grand merci pour ce boulot titanesque, Julien. Tu nous as dressé un panorama dense, étayé et… plutôt objectif de la saison 09-10 de Bundesliga;-) Chapeau.

  5. Je partage le sentiment de Blue Raph, ta couverture de saison est exceptionnelle et passionnée… Travail de super qualité, complet, et tu avances en terrain connu…
    Par contre l’objectivité, pas encore ça à mon avis, mais bon en supporter du Bayern, je comprends la difficulté que cela doit représenter de se faire battre d’années en années… (Au moins cette année on a évité le titre des 0(4)…)
    Sinon une de mes résolutions de début d’été sera de me rendre au moins une fois au Westfalenstadion la saison prochaine pour voir cette Südtribüne, parce que ça a l’air fantastique! (avec le LS, ce serait le top!)

  6. A moi aussi d’y aller de mon commentaire élogieux… Si je n’ai pas souvent commenté tes papiers, Julien, je peux te dire que je les ai tous lus avec le même intérêt !

    Bravo et à la saison prochaine…

  7. « J’avais le choix entre Thomas Müller et Holger Badstuber mais le premier nommé m’énerve un peu avec ses incessantes simulations »

    Evidemment, un défenseur est confronté un peu moins à ce genre de problème.

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