Celestini : de Saint à Pigeon

Fabio Celestini pourra méditer sur la proximité entre la roche tarpéienne et le Capitole : sanctifié il y a peu encore pour avoir renoncé à un dernier contrat à l’étranger afin de remettre le Lausanne-Sport sur la voie du succès, l’ancien international est aujourd’hui pigeondorisé à une écrasante majorité pour ses caprices de décembre dernier.

L’histoire avait commencé comme dans un conte de fées : l’été dernier, Fabio Celestini renonçait à un dernier contrat lucratif à l’étranger (si tant est qu’il ait vraiment eu des offres en ce sens) pour retrouver, comme joueur puis comme dirigeant, le club de son cœur (© HC Ajoie), là où il avait été révélé, le Lausanne-Sport. D’emblée, l’ancien Marseillais s’impose comme le patron d’une équipe qui présente un football chatoyant, accumule les exploits en Coupe d’Europe, fait la course en tête en LNB et, cerise sur le gâteau, s’offre un succès de prestige sur le terrain de l’autoproclamé champion de Suisse 2014 servettien. Mais, c’est bien connu, à Lausanne, il n’y a pas de place pour le rêve et le conte de fées va tourner à l’aigre à la fin de l’automne dernier avec le départ de Fabio Celestini.Il semble bien qu’à l’origine du clash, il y ait un conflit de personnes entre Celestini et le président du LS Jean-François Collet ; on aurait pu espérer que les deux hommes parviennent à régler leurs différends, ou à tout le moins, les mettre en sourdine, en bonne intelligence, pour le bien du club, ne serait-ce que jusqu’au terme de la saison, cela n’a pas été le cas. Même si l’on ne connaît pas tous les tenants et les aboutissants du conflit, les deux parties ont eu l’occasion d’exposer leur version des faits et force est de constater qu’il y en a une qui nous a bien plus convaincu que l’autre.

Lentement mais sûrement

Sans doute que Grand Chelem Management n’a pas tout fait tout juste depuis qu’il a repris le LS au moment où personne n’en voulait et alors que celui-ci était au bord d’une nouvelle faillite qui eût cette fois été définitive. Mais s’il est un reproche que l’on ne peut pas faire à Jean-François Collet et son équipe, c’est celui de ne pas s’être tenu à la ligne qu’ils s’étaient fixés, soit de ne pas faire vivre le club au-dessus de ses moyens. Les premières années de l’ère Grand Chelem n’ont pas été des plus exaltantes sportivement mais au moins le club obtient sa licence en 1ère instance, ne fait pas de collecte auprès de ses supporters tous les trois mois et ne hante plus les couloirs des Offices des faillites. Et sur le terrain les résultats sont en progression constante, lentement peut-être, mais sûrement.

Un Domenech lausannois ?

Fabio Celestini avait d’autres vues pour le Lausanne-Sport mais son projet est resté plutôt flou. En fait, l’élément le plus concret dudit projet énoncé par Celestini lui-même, c’était l’augmentation de la durée de son contrat, de ses prérogatives et surtout de son salaire. Si les chiffres annoncés sont exacts, et ils n’ont jamais été démentis, Fabio Celestini serait devenu l’un des directeurs sportifs les mieux payés du pays, alors même que, si le joueur Celestini n’a plus rien à prouver, le dirigeant Celestini reste un néophyte en la matière. Qu’aurait fait le LS s’il s’était rendu compte au bout d’une année qu’en fait Fabio n’était pas fait pour le poste ? Les dirigeants vont dire aux supporters «désolé, les quatre prochaines années on va stagner dans le ventre mou du classement parce que notre directeur sportif n’est pas à la hauteur mais son contrat est trop onéreux à résilier» ? Les exemples de la France de Domenech et peut-être du LHC de Van Boxmeer selon l’issue des play-offs en cours devraient inciter à une certaine prudence avant de signer des contrats tellement bétons qu’ils se transforment en boulets encombrants.

Quel projet ?

Les autres éléments du projet esquissé par Fabio Celestini n’étaient guère plus convaincants. Vouloir écarter quelqu’un qui fait plus ou moins l’unanimité à la formation pour le remplacer par un personnage qui, quelles que puissent être ses qualités, reste très controversé à la Pontaise pour le rôle qu’il a joué dans la faillite du LS, était sans doute le meilleur moyen de multiplier les divisions dans un club en quête d’unité. Rompre avec le Team Vaud, une structure qui, malgré quelques critiques ici ou là, donne satisfaction, serait le meilleur moyen de renouer avec l’image d’un club arrogant et de s’aliéner le reste du canton, à l’heure même où le LS a l’occasion de reprendre sa place naturelle au sommet de la pyramide du foot vaudois.
Quant aux velléités de doter le Lausanne-Sport de structures de LNA, on rappellera juste que la promotion est tout sauf acquise et qu’avoir des frais administratifs de LNA avec des revenus de LNB serait le meilleur moyen de priver la partie sportive des moyens nécessaires à l’ascension. Car c’est là que le bât blesse : si Fabio Celestini avait beaucoup d’idées pour augmenter ses pouvoirs, placer ses pions à la tête du club et gonfler les frais administratifs, il était beaucoup moins disert sur la manière d’augmenter les revenus du club et d’améliorer les résultats sportifs. Bref, autant d’éléments qui rappelleront de mauvais souvenirs aux supporters lausannois qui n’ont pas la mémoire trop courte. Dans ce contexte, on comprend aisément que les dirigeants lausannois aient opposés une fin de non recevoir aux desideratas de leur capitaine. Le contraire eût été une négation pure et simple de ce qui a patiemment été rebâti ces dernières années.

Un vrai gâchis

Au final, il reste une désagréable sensation de gâchis, qui pourrait encore être amplifiée en cas d’échec dans la course à l’ascension en mai prochain. Pourquoi Fabio Celestini ne s’en est-il pas tenu au calendrier initialement convenu, qui le voyait intégrer progressivement les instances dirigeantes ? Avec 26 matchs officiels disputés en 6 mois, il avait largement de quoi s’occuper sans avoir à trop se soucier de la gestion du club. Et même s’il était arrivé à la conclusion qu’il y avait une irrécupérable incompatibilité d’humeur avec le président Collet, qui excluait la poursuite de ses activités de dirigeant, il aurait au moins pu aller au terme de son contrat de joueur, ne serait-ce que par respect envers le public, ses coéquipiers et ce club qu’il dit tant aimer. On citera en exemple une autre figure du sport lausannois, Beat Kindler, qui avait en son temps su faire le poing dans sa poche pour offrir la promotion à un entraîneur qu’il détestait…
Fabio Celestini a choisi une autre voie, celle d’un clash qui ne fait que des perdants : l’équipe, qui perd un pion essentiel, les dirigeants, fragilisés par un conflit qui divise l’opinion, et surtout le joueur lui-même, qui troque l’image d’un homme désintéressé et fidèle contre celle d’un lâcheur vénal à l’égo surdimensionné. Aujourd’hui, le désormais ex-capitaine du LS a retrouvé son club formateur de Renens où il aura les coudées franches pour mener une politique très ambitieuse, pour ne pas dire plus. Avec sans doute le secret espoir de réussir des résultats flamboyants au Censuy pour revenir en sauveur à la Pontaise dans quelques années. Mais là, rien n’est moins sûr, on sait que les rancunes sont souvent tenaces dans ce coin de pays. Mais bon, si le Lausanne-Sport a accueilli un ex-Ballon de Plomb, il n’est pas exclu qu’il puisse reprendre un jour un ancien

Pigeon d’Or de janvier 2011

titre qui lui est ici officiellement décerné. Fabio Celestini inaugure donc la liste des lauréats 2011, d’autres le rejoindront incessamment sous peu.
Election du Pigeon d’Or de janvier 2011 – résultat final :
1. Fabio Celestini : 379 votes – 48,3%
2. Zinedine Zidane : 228 votes – 29,1%
3. Fabian Salvi : 72 votes – 9,2%
4. Gianluca Mona : 60 votes – 7,7%
5. Rafael Benitez : 45 votes – 5,7%
Total des votes : 784
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Julien Mouquin (texte) et Robert Johanson (dessin)

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11 Commentaires

  1. Me demande comment il va réagir quand vous lui apporterez son piegon d’or ! Grand Seigneur à la Christian Constantin ou petit-con-tête enflée à la Pierre-Alain Dupuis ?

    Faites vos paris!

    A+

  2. Bien joué les gars. Le dessinateur a bien croqué Monseigneur Celestini. Et le texte résume parfaitement la situation. Qu’en disent les pro-Fabio ?!?….

  3. Tiens, bizzarement c’est un lausannois qui gagne

    Dommage il a beaucoup apporté dans le jeu, pour finir comme ça…fallait rester en Espagne. Si le LS rate la promotion, faudra le lui faire bouffer le pigeon

  4. Quelle sortie ratée !! Malheureusement nous allons retenir de lui qu’il a abandonné ses collègues en plein championnat. Actuellement il est peut être fier de lui mais dans quelques mois il va regretter sa manière de faire. Encore plus lorsque Renens aura perdu à Champvent… ;-))

  5. @carlos
    on peut apprécier le footballer et être décu de la tournure des événements, regretter le gros gachis qui dessert le LS.
    le monde ne se divise pas en « anti » et « pro », un peu de nuance ne fait pas de mal, un peu de réflexion non plus. mais si tu as choisi ton pseudo en « honneur » a carlos varela, je peux aisément comprendre que certaines notions te dépassent.

  6. Je trouve le texte magnifiquement ecrit! Un grand bravo a Julien qui resume « l’affaire Celestini » d’une maniere tranchante mais juste!

  7. Ton article est tout simplement transcendant avec une synthèse rigoureuse, voire implacable, n’en déplaise aux pro-Fabio (sil en existe encore).

    Il avait tout pour bien faire et a tout foutu en l’air. Outre les supporters, les joueurs du LS doivent en avoir gros sur la patate, sans parler des dirigeants. Le melon surdimensionné finira par exploser, c’est certain.

    Et, pour parodier Constantin: l’avenir lui dira ce que le futur lui réserve. En résumé absolument rien de bon, si ce n’est un magnifique pigeon déjà en route. Et félicitations à Rob pour son superbe dessin.

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