Mönchengladbach, retour vers le futur ?

Vendredi soir, les supporters du Borussia Mönchengladbach se sont crus revenus quelques décennies en arrière, lorsque tous les grands d’Allemagne et d’Europe redoutaient le déplacement du mythique Bökelberg. Vainqueurs 4-1 de Wolfsburg après une démonstration éblouissante, les Poulains de Lucien Favre prennent la tête et pourraient bien constituer la bonne surprise de la saison.

Lucien Favre a débuté sa carrière d’entraîneur dans de modestes bourgades de province plus (Echallens) ou moins (Yverdon, Genève) sympathiques. Il est ensuite passé dans deux grandes métropoles, Zurich et Berlin, où le football n’est qu’une distraction parmi d’autres et où susciter l’engouement pour l’équipe locale constitue un défi permanent. A Mönchengladbach, le Vaudois découvre un contexte bien différent : Mönchengladbach, ce n’est certainement pas la plus belle ville du monde, je te déconseillerai d’y emmener ton épouse en voyage de noces sinon ton mariage risque de tourner court. La presse situe souvent Gladbach dans la Ruhr, c’est faux, c’est dans le Niederrhein mais la confusion vient sans doute du fait que Mönchengladbach a quelques vagues ressemblances avec Essen, Bochum, Gelsenkirchen et autres rutilantes cités du Revier. Si elle n’a pas l’offre touristique ou culturelle la plus développée qui soit, Mönchengladbach est en revanche une authentique ville de foot, de ces villes qui vivent pour et par leur club, la grande fierté locale. Si le club marche bien, c’est toute une région qui va vivre dans l’euphorie, alors qu’à l’inverse quand ça coince, la déprime s’installe. Et ces dernières années, la déprime a souvent pris le pas sur l’euphorie. Colosse du foot allemand et européen dans les années 1970, le Borussia Mönchengladbach est bien rentré dans le rang depuis lors, rattrapé par un manque certain de moyens financiers. Le club a même connu deux relégations en Zweite Liga (1999 et 2007) et une troisième a été évitée miraculeusement au printemps dernier. Mais aujourd’hui, dans l’euphorie du sauvetage précité et grâce au travail remarquable de Lucien Favre, un frémissement commence à parcourir le Borussia-Park : après des années de galère, les Fohlen semblent pouvoir renaître à une certaine ambition.

Double coup de pouce

Après deux bons premiers matchs (victoire à Munich et nul contre Stuttgart), Gladbach devait confirmer contre l’un des gros du budgets de la ligue, Wolfsburg, une équipe forcément revancharde après le hold-up dont elle avait été victime une semaine auparavant contre le Bayern (défaite 0-1 à la 90e après s’être vu refusée une ouverture du score parfaitement valable). Et ça part plutôt mal : si les Fohlen prennent d’emblée le match en main, ils vont se faire piéger sur la première offensive adverse avec un centre d’Helmes, une remise de Träsch et une reprise dans le petit filet du Japonais Makoto Hasebe. Il y a douze mois, Gladbach, de surcroît privé de trois joueurs clés que sont les défenseurs centraux Stranzl et Brouwers et l’attaquant de Camargo, se serait sans doute effondré après l’ouverture du score. Mais l’équipe est métamorphosée depuis l’arrivée de Lucien Favre et elle va rapidement inverser la tendance, avec un double coup de pouce : tout d’abord du Danois Kjær qui glisse sur un ballon anodin pour permettre à Raul Bobadilla et Marco Reus de partir seuls égaliser. Puis de l’arbitre qui sanctionne d’un penalty une faute par forcément évidente sur Marco Reus. Le capitaine Filip Daems transformait son deuxième penalty de la semaine pour donner l’avantage à ses couleurs.

Raul Bobadilla est magique (si, si…)

En confiance, Mönchengladbach allait devenir irrésistible sous le regard émerveillé du Borussia-Park, multipliant les actions de jeu brillantes. A l’image d’un Raul Bobadilla étincelant : arrivé à l’été 2009 de GC, l’Argentin a connu 18 premiers mois difficiles dans le Niederrhein, ne réussissant qu’un seul bon match, un derby à Köln. L’hiver dernier, après avoir écopé de nombreux matchs de suspension suite à une expulsion contre Hanovre, il était parti en paria pour un prêt à Salonique. Du coup, on n’y croyait pas trop lorsque les Fohlen ont décidé de lui redonner sa chance. Et pourtant, revenu de Grèce avec une silhouette bien plus fit, l’Argentin a été le meilleur homme sur le terrain vendredi. A témoin, son râteau de la 40e, suivi d’un centre au cordeau pour Mike Hanke qui refusait l’offrande en ne cadrant pas sa reprise. 

Supporters incrédules

Le Borussia-Park allait définitivement tomber en extase à la 43e suite à une action à une touche de balle entre cinq joueurs. Autour de moi, il y a pas mal d’abonnés, avec des blousons en jean ornés d’insignes ramenés de quelques déplacements glauques en Zweite Liga. Les mecs ont tous le sourire vissé jusqu’aux oreilles, ils n’arrivent pas à croire que cette équipe qui joue si bien, ce n’est pas un quelconque machin monté à coup de dizaine de millions qu’ils voient à la TV en Ligue des Champions, mais bien leur équipe, celle-là même qui les a si souvent peiné ces dernières saisons. «Unglaüblich», incroyable, et «Zauber», magie, étaient les deux termes qui revenaient le plus souvent dans les travées du Borussia-Park. Cette action de rêve allait se terminer par une frappe d’Arango détournée par Benaglio mais, sur le corner, Raul Bobadilla plaçait sa tête pour marquer son but, amplement mérité. 

Benaglio limite les dégâts

La deuxième mi-temps allait être de la même veine : Gladbach tente tout et réussit à peu près tout, talonnades, triangulations, transversales, ça déroule. Diego Benaglio s’interpose sur des tirs de Bobadilla et Neustädter, ainsi que devant Reus qui se présentait seul. Sauvé par son poteau sur un tir d’Arango, le portier de la Nati ne peut pas grand-chose sur les buts encaissés et a évité à son équipe une défaite encore plus large. Il sera toutefois battu une ultime fois sur un centre d’Arango repris par le prodige Reus dans le petit filet. Manifestement, Felix Magath n’a pas encore trouvé les solutions pour stabiliser sa défense, l’expérience Hasan Salihamidzic latéral droit a tourné court et le jeune Michael Schulze est paru bien tendre. A Gladbach, tout le monde a participé à la fête, y compris le jeune gardien ter Stegen, qui confirmera son talent avec un arrêt exceptionnel sur un tir d’Helmes.

Gladbach en tête, Gladbach en fête

En fait, la seule fausse note de cette magnifique soirée, c’est d’avoir constaté que l’anonyme Bitburger a remplacé la Jever à la buvette. Par contre, la Currywurst mit Pommes du Borussia-Park reste probablement la meilleure de la ligue. A la fin du match, on espérait bien voir Lulu venir faire la ola devant la Nordtribüne mais les «Looooucien Favre, Looooucien Favre» du kop blanc sont restés sans effet. Mais si Gladbach continue à jouer de la sorte, ce n’est sans doute que partie remise. Toujours prompt à s’enflammer, le Bild fait déjà des Fohlen un candidat au titre. D’un autre côté, la dernière fois que le Borussia avait pris la tête du classement, c’était après la 5ème journée en 2006-2007 et il avait fini relégué en fin de saison… Je pense que Gladbach ne sera ni champion ni relégué mais, dans le dynamique et l’euphorie actuelles, une place européenne n’a rien d’utopique. Ce qui serait déjà un formidable succès si l’on se souvient où en était le club il y a quelques mois. En tous les cas, on a pu constater que, lorsque le Borussia gagnait, c’est toute une ville qui avait le sourire et faisait la fête. Définitivement, une ville de football…

Borussia Mönchengladbach – VfL Wolfsburg 4-1 (3-1)

Borussia-Park, 43’224 spectateurs.
Arbitre : M. Schmidt.
Buts : 13e Hasebe (0-1), 15e Reus (1-1), 32e Daems (penalty, 2-1), 45e Bobadilla (3-1), 67e Reus (4-1). 
Mönchengladbach : ter Stegen; Jantschke, Nordtveidt, Dante, Daems; Reus (88e Herrmann), Marx, Neustädter, Arango; Hanke (86e King),  Bobadilla (81e Leckie).
Wolfsburg : Benaglio; Salihamidzic (23e Schulze), Kjær, Russ, Schäfer; Hasebe, Josué (84e Knoche), Träsch, Hitzlsperger; Helmes, Mandzukic (58e Lakic)..
Cartons jaunes : 31e Schulze, 39e Hanke, 43e Russ.
Notes : Mönchengladbach sans Brouwers (suspendu), de Camargo ni Stranzl (blessés), Wolfsburg sans Ochs, Koo ni Polak (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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