Peut-on encore sauver la Ligue des Champions ? (5/5)

Audiences en chute libre, stades qui se vident, désengagement massif des diffuseurs historiques : la Ligue des Champions ne fait plus rêver personne et paraît à moyen terme condamnée, du moins dans sa formule actuelle. Quelques jours après la finale de Munich, état des lieux (partie 1+2), tentatives d’explications (partie 3+4) et esquisses de solutions (partie 5).

L’UEFA examinerait donc des solutions pour tenter de relancer sa compétition phare. La principale réforme consisterait donc en un changement de formule, ainsi que l’a récemment révélé Zbigniew Boniek. Toutefois, auparavant, il y a deux ou trois autres modifications qui ne mangent pas de pain que l’on pourrait suggérer à l’UEFA.

Restaurer la crédibilité dans l’arbitrage

Il y a eu trop de problèmes d’arbitrage ces dernières saisons pour qu’Angel Maria Villar conserve sa double casquette de président des commissions de l’arbitrage de la FIFA et l’UEFA et président de la fédération espagnole, double casquette qui est d’ailleurs en soi une hérésie. Il doit choisir entre les deux et il semble qu’il a bien assez à faire à la tête de la fédération espagnole, notamment à rembourser les quatre milliards de dettes et sept cent cinquante millions de francs d’arriérés d’impôts de ses clubs. Si l’arbitrage veut retrouver une certaine crédibilité, il devrait être dirigé par des gens qui ne défendent aucun autre intérêt dans le football que désigner les meilleurs arbitres et assurer à toutes les équipes un arbitrage neutre et impartial.

Supprimer la règle du but à l’extérieur

La règle du but marqué à l’extérieur comptant double en cas d’égalité avait été instaurée à une époque où les déplacements européens représentaient encore une véritable aventure et où, dans des ambiances hostiles, même les plus grands n’étaient pas à l’abri de repartir avec trois ou quatre buts dans les valises. En conséquence, cette règle avait été édictée pour éviter que les clubs en déplacement ne jouent de manière trop défensive. Aujourd’hui, les Coupes d’Europe ont bien changé et les déplacements véritablement aventureux se font plutôt rares. Du coup, la règle du but marqué à l’extérieur perd un peu sa raison d’être. Pire même, elle a plutôt un effet inhibant sur l’équipe jouant à domicile qui pense avant tout à ne pas encaisser de but fatal. Je suis persuadé que la suppression de la règle inciterait les clubs jouant à domicile à prendre plus de risques et à davantage enflammer les matchs devant leur public pour au final déboucher sur des matchs plus débridés. L’exercice mériterait en tous les cas d’être tenté.   

Punir la tricherie

Un joueur qui fume un joint le soir avant le match écopera de six mois de suspension, celui qui provoque une expulsion ou un penalty en se laissant tomber aucune sanction. Et pourtant, le deuxième aura beaucoup plus faussé la compétition que le premier. Une simulation peut tout simplement exclure une équipe de la compétition, en toute impunité pour le tricheur. Alors pourquoi, après le match, en cas de simulation avérée constatable sur les images vidéos, n’exclurait-on pas purement et simplement le simulateur de la Ligue des Champions pour la saison ? Le football en sortirait grandi, la tâche des arbitres serait simplifiée et tant pis pour les équipes qui ont fait de la simulation un système de jeu.

Le fair-play financier

C’est le grand chantier actuel de l’UEFA. Au début, on voyait ça comme un truc un peu romantique, chevaleresque à la française voulu par Michel Platini. Mais désormais, on se rend compte, vu les excès commis par certains, que cela devient un enjeu crucial pour le futur du foot européen. On ne va pas rentrer dans les détails technique mais dans les grandes lignes, il s’agira pour les clubs de ne pas avoir dépensés plus qu’ils n’ont gagné sur trois exercices cumulés, avec toutefois certains déficits autorisés s’ils sont couverts par un actionnaire. Les sanctions pourraient aller de l’amende à une exclusion des compétitions européennes à partir de la saison 2014/2015. Actuellement, c’est le grand flou, les obstacles juridiques sont encore nombreux, on ne sait pas si vraiment l’UEFA osera exclure les plus grands clubs d’Europe de la Ligue des Champions et certains cherchent déjà des parades pour le contourner (notamment les fonds d’investissements espagnols, que l’UEFA cherche à interdire sous la pression des Anglais qui ont prohibé ce poison pour le football suite à l’affaire Tevez).

Il ne s’agit pas d’uniformiser les règles financières, il y aura toujours des clubs et des pays plus riches que d’autres. Et si un pays veut saborder son propre championnat en concentrant les droits TV sur deux clubs ou accorder des rabais fiscaux aux footballeurs les plus fortunés, ce n’est pas à l’UEFA de s’y opposer. Par contre, si l’UEFA veut que la Ligue des Champions garde sa crédibilité, elle doit garantir des conditions d’accès équitables et permettre à des clubs financièrement sains de pouvoir défendre valablement leur chance. A ce niveau-là, avant même d’être en vigueur, le fair-play financier paraît presque déjà dépassé, c’est une vraie licence européenne qu’il faudra à terme instaurer et réserver aux clubs qui remplissent les conditions financières. En tous les cas, si l’UEFA échoue à imposer des règles contraignantes en la matière, le football a beaucoup de soucis à se faire.  

La formule

D’après les déclarations de Zbigniew Boniek, pour lutter contre l’érosion des audiences, l’UEFA songerait à fusionner la Ligue des Champions et l’Europa League «pour sauver l’Europa League» dès 2015. En fait, c’est surtout la Ligue des Champions qu’il s’agit de sauver car si celle-ci allait si bien que cela, l’UEFA ne prendrait pas le risque de modifier sa poule aux œufs d’or pour sauver une compétition secondaire qui peine à trouver sa place. Selon les sources, l’institution nyonnaise plancherait sur une compétition à 64 ou 80 équipes, réparties en 16 ou 20 groupes de 4 équipes, avec six qualifiés pour les grandes nations. Finalement, en termes de matchs, cela ne changerait pas grand-chose à la situation actuelle (8 groupes de C1, 12 de C3), sauf que là on aurait une compétition unique du mardi au jeudi. Et cela ne ferait qu’un tour de plus lors de la phase à élimination directe par rapport à l’actuelle Ligue des Champions et le même nombre de tours qu’en Europa League.
La proposition ne satisfera pas complètement les vieux nostalgiques comme moi qui rêvent d’un retour à la distinction tricéphale et magique Coupe des Champions / Coupe des vainqueurs de Coupe / Coupe UEFA. Toutefois, cette formule de Coupe d’Europe unique présente pas mal d’avantages. Elle évite les trop grandes affiches en phase de groupe et les conserve pour les tours à élimination directe. Elle supprime la différence cosmique au niveau droits TV entre les participants à la Ligue des Champions, à l’Europa League et les non-européens. Elle ouvrirait les portes du plus haut niveau à davantage de clubs, ce qui offrirait une diversité bienvenue et une moins grande fréquence des affiches. Au lieu d’imposer une affiche-phare lors des matchs de groupe, on aurait plusieurs micro-événements lorsque des clubs roumains, polonais ou des équipes allemandes ou italiennes moyennes auraient la chance de recevoir les Barcelone, Manchester et compagnie, créant un fort engouement local.

Cette formule de Coupe d’Europe unique à 64 ou 80 équipe présente évidemment un inconvénient majeur : les grands d’Europe vont être obligés de partager le gâteau entre 64 ou 80 et non plus à 32. Certains ténors du foot européen ont déjà manifesté leur opposition à cette réforme, y compris d’ailleurs mon club du Borussia Dortmund, avec lequel je ne suis pour une fois pas d’accord. C’est dire que les discussions risquent d’être acharnées entre UEFA, clubs riches, clubs moins riches, championnats nationaux, équipes nationales, sponsors et, bien sûr, télévisions. La seule certitude c’est que la Ligue des Champions telle qu’on la connaît actuellement aura probablement vécu en 2015. Par quoi elle va être remplacée, nul ne peut le dire aujourd’hui. La seule certitude, c’est que la nouvelle formule sera très certainement dictée par des motifs commerciaux plus que sportifs. Reste à savoir maintenant quelle solution apparaîtra la plus adéquate pour redorer le blason terni de la Ligue des Champions. En tous les cas, le débat est ouvert.
Si tu as manqué le début : partie I ; partie II ; partie III et partie IV

Écrit par Julien Mouquin

Commentaires Facebook

9 Commentaires

  1. Deux pics seulement contre l’Espagne – intrinsèquement contre le Barça, donc: il y a du progrès!

    Pour en avoir parlé avec pas mal de gens, cet article en cinq parties est d’excellente qualité et ouvre un débat crucial pour le fan de foot. Bien écrit et de manière pertinente, efficace à 90%: bravo!

    Dommage pour le 10% restant, à savoir la mauvaise foi tendancieuse anti-Barça que personnellement j’ai beaucoup de peine à comprendre, tant venant de l’auteur que des autres. D’autant plus qu’elle n’a absolument rien à faire dans un tel dossier.

  2. Cher Sarault,
    Cela fait 3 ans que Mouquin attaque constamment l’Espagne et surtout le Barça.
    Beaucoup de gens se demandent pourquoi il a tant de haine et pourquoi il continue à s’acharner contre ce club.
    Frustration? Jalousie?…Ou les deux?

  3. Je vois pas le problème avec une suspension de 6mois pour conso de cannabis. C’est du dopage donc cela doit être sanctionné.

  4. Pour l’instant on a:

    – des clubs qualifiés directement en C1
    – des clubs obligés de passer les qualifs C1
    – des clubs qualifiés directement C3
    – des clubs obligés de passer les qualifs C3

    Si on fusionne les 2 coupes, combien de temps le champion d’un pays devra t-il attendre sur les qualifications des autres clubs pour entrer dans la compétition?

    Ou alors la qualité des places européennes au sein d’un même pays sera beaucoup plus resserrée?

  5. Le gros défaut de cette formule, c’est que les clubs de seconde zone, qui ont la possibilité de remporter une coupe Europa aujourd’hui, n’auront plus aucune chance avec la nouvelle formule. Ce seront toujours RM, Barça, Bayer, MU, et consorts qui se partageront la coupe.
    C’est de la foutaise.

  6. Merci pour cette très intéressante série.

    Personnellement, la fusion des de la CL et Europa League ne va pas résoudre le problème, au contraire. L’effet final sera de diluer la formule en un espèce de para-championnat supra-national, dans laquelle on ne retrouvera pas l’avantage et la magie de la formule des 3 coupes d’antan.
    Mais je pense aussi que l’arrêt Bosman est un paramètre important à ne pas sous estimer dans la problématique.
    Par contre, 100 % pour punir a posteriori les simulations et suspendre les joueurs qui s’écroulent sans être touchés. Sans parler du mauvais exemple que cela donne à la prochaine génération, cette mesure rendrait d’ailleurs le produit « Champions League » d’autant plus attrayant pour les sponsors.
    Autre effet bizarre, mais cette fois positif, de l’évolution de la CL en une sorte de monopole des grands clubs avec la dilution des différents styles de foot propres à chaque pays: cela rend les Euro et les Championnats du Monde et l’opposition des styles encore plus uniques et passionnants.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.