A l’insu de notre plein gré

Manifestement, la Suisse n’avait pas tiré les leçons du match aller à Chypre. Et pourtant, alors qu’elle semblait partie pour rééditer sa «performance» de Nicosie, la Nati, malgré un coaching incompréhensible et le match catastrophique de certaines stars, a trouvé la faille qui lui ouvre toutes grandes les portes de la Coupe du Monde.

Après le score nul et vierge du match aller, la Suisse aurait dû être prévenue du danger que pouvait représenter cette équipe de Chypre. Mais manifestement, les leçons de la rencontre de Nicosie n’ont pas été tirées. Car, face une formation chypriote diminuée et encore plus limitée qu’en mars dernier, on aurait pu finalement s’abstenir du déplacement de la Praille et rester tranquillement à la maison regarder l’enregistrement du Chypre – Suisse de mars dernier, tant, huitante-neuf minutes durant, le match de Genève a été la copie conforme de celui joué à Nicosie trois mois plus tôt. Soit avec une équipe de Suisse qui, sans être géniale, parvient à se créer une kyrielle d’occasions de but, se montre particulièrement maladroite à la conclusion, est trahie par le rendement décevant de ses stars et finit par frôler la correctionnelle sur les rares offensives adverses.

Que d’occasions ratées…

Certes, la Nati aurait pu s’épargner bien des tourments si, en début de match, une reprise de Gavranovic n’avait pas heurté le poteau, si Drmic, après avoir magnifiquement mis dans le vent un défenseur adverse, n’avait pas ajusté le gardien, ou si la frappe de Stocker avait fait plus que flirté avec la lucarne. Toujours est-il que ces occasions n’ont pas fini au fond et que, peu à peu, l’angoisse a commencé à monter dans les travées de la Praille. Surtout que, lorsque les Suisses ont commencé à accrocher le cadre, ils se sont heurtés à un gardien Antonis Giorgallidis au style peu orthodoxe mais auteur de parades déterminantes après la pause sur des essais de Gavranovic ou Stocker. Et puis, la pression désordonnée de la Nati a fini par laisser des boulevards dont un adversaire un peu plus féroce aurait pu profiter. Benaglio doit s’interposer sur un tir d’Alexandrou, alors qu’une frappe chypriote trop croisée après un énième ballon perdu par Inler fait frémir le public de la Praille.

Shaqiri et Inler aux abonnés absents

Comme à Nicosie, la Suisse a été trahie par ceux qui devraient être ses leaders. Le capitaine Gökhan Inler a raté à peu près tout ce qu’il a entrepris, perdant un nombre incalculable de ballons et refusant à plusieurs reprises de prendre ses responsabilités en position de tir. Jusqu’à la 90e, Xherdan Shaqiri a été tout aussi peu inspiré, échouant dans presque tous ses dribbles, multipliant les mauvaises passes et galvaudant trois immenses occasions de but : d’abord en écrasant sa frappe directement sur Giorgallidis après un premier renvoi du portier chypriote qui lui ouvrait le chemin du but. Puis sur un trois contre un où il choisit de faire seul avec un tir lamentable dans le petit filet alors que Gavranovic était seul au centre ; manifestement, il y a quelque chose de contagieux à s’entraîner quotidiennement avec Arjen Robben Et enfin, en tirant sur le gardien adverse après une talonnade de Barnetta qui l’avait placé en position idéale. A l’instar de son camarade d’ascension Xhaka, le sociétaire du Bayern Munich serait bien inspiré de faire preuve d’un peu plus d’humilité dès lors qu’il revêt le tricot national.

Gottmar reviens !

Plus le temps avançait et plus on voyait poindre le spectre (et non le sceptre, pour corriger la rhétorique de l’un de mes compagnons de route du jour) du match aller. Et ce n’est pas le coaching ubuesque de Michel Pont qui nous a rassurés. Evidemment, un entraîneur qui gagne a toujours raison et aujourd’hui le Carougeois peut faire preuve d’un triomphalisme béat auprès de sa petite cour énamourée de médias romands. Nous on l’impression que si la Suisse a gagné, c’est n’est pas grâce à mais malgré Michel Pont dont les choix nous ont complètement échappé. Pourquoi avoir sorti Behrami, le meilleur Suisse ? Par crainte d’un carton paraît-il. Sauf que, si effectivement le geste de l’arbitre, par ailleurs excellent, n’était pas clair, c’est bien le catastrophique Inler qui risquait l’expulsion. Pourquoi avoir sorti Stocker qui, s’il a comme souvent avec la Nati alterné le bon et le moins bon, était de loin le plus percutant des joueurs offensifs suisses ? Pourquoi avoir tant tardé à sortir Drmic qui, s’il n’a pas démérité, ne trouvait pas de solutions dans le bunker chypriote ? Pourquoi avoir insisté avec Inler et Rodriguez à côté de la plaque ? Fallait-il vraiment se passer de la tonicité d’un Emeghara, de la générosité d’un Ziegler ou de la justesse de passe d’un Xhaka ? A partir du moment où la défense n’était que peu sollicitée, Klose, auteur d’un bien meilleur deuxième tour que Djourou en Bundesliga et au bénéficie d’un jeu de tête offensif largement supérieur, n’aurait-il pas constitué un atout majeur sur les innombrables corners inoffensifs de la Nati ? Le Blick est loin de constituer une référence absolue mais, sur le coup, je partage son opinion sur le côté «unverständlich» du coaching de Michel Pont, même si au final le miracle inespéré de la dernière minute va atténuer le flot de critiques qui n’auraient pas manqué de pleuvoir si l’on en était resté à 0-0. Tu sais, le truc de la Roche Tarpéienne et du Capitole… 

Le miracle

Car miracle il y a eu : il paraît que c’est le propre des grands joueurs mais Shaqiri, nullissime jusque-là, va attendre la dernière minute pour délivrer une passe géniale à Haris Seferovic qui délivre le stade avec une conclusion toute en finesse. Le public qui, contrairement à ce qu’on a pu lire, avait été bien timide jusque-là, pouvait célébrer cette réussite comme un titre de champion du monde. Enfin, respect à ceux qui étaient là. Le constat est le même que l’on soit à Bâle, Berne ou Genève : à part lorsqu’il y a une qualification à fêter, style Estonie en 1993, le public helvétique ne se déplace pas en masse contre des adversaires peu renommés, même si l’enjeu du match est capital. A l’inverse, lorsqu’il s’agit de se faire mousser dans des rencontres sans intérêt sportif mais contre un nom clinquant avec des joueurs prestigieux, comme le Brésil en août prochain, les Footix accourent en salivant. Triste.

Enfin, au moins la modeste chambrée du Stade de Genève aura fait passer le magnifique maillot Blacky qualifications Euro 1992 que j’arborais d’autant moins inaperçu ; cela doit être le plus vieux tricot de foot de ma collection, je ne pensais pas pouvoir le remettre un jour mais voilà j’ai pris la bonne résolution de faire un peu de sport après la victoire du Borussia Dortmund en Coupe d’Allemagne 2012 et j’ai plus ou moins tenu. Déjà que j’avais arrêté de fumer après la promotion du LHC en LNA en 2001, finalement heureusement que le BVB n’a pas gagné la Ligue des Champions, j’aurai presque fini par vivre sainement.

L’autre miracle

Outre le but de Seferovic, l’autre miracle du jour, c’est que la pelouse du Stade de Genève a bien tenu le coup malgré la pluie tombée durant le match. L’ondée a eu en revanche la bonne idée de s’abstenir avant et après la rencontre, ce qui nous a permis de profiter des innombrables attractions, animations, bars et stands jouxtant le stade. Je rigole : j’étais content d’être préposé à la conduite et donc à l’eau claire car l’accueil était d’une tristesse absolue, il y a pas mal de choses à améliorer sur ce plan là aussi pour attirer davantage de monde pour ces matchs internationaux.
Toutefois, l’enseignement majeur du jour, c’est que la Suisse a fait un pas de géant vers le Brésil. Quelque part, comparé à d’autres nations européennes en ballotage défavorable malgré de grosses performances, il y a quelque chose d’un peu indécent de nous retrouver en position aussi favorable après deux prestations aussi laborieuses contre Chypre. Néanmoins, on a tellement souvent par le passé laissé échapper des qualifications qui nous tendaient les bras qu’on ne va pas faire la fine bouche si, comme en 2010, on peut profiter des circonstances pour passer sans briller. Comme une grande nation du foot. Il ne reste plus maintenant qu’à finir le travail contre des adversaires qui, contrairement à Chypre, seront condamnés à aller chercher la victoire et à ouvrir le jeu, soit un contexte qui devrait mieux nous convenir. Ainsi, malgré l’impression très mitigée laissée par ce Suisse – Chypre, l’horizon de la Nati s’est singulièrement dégagé en ce week-end pluvieux. C’est bien là l’essentiel.
Photo Seferovic de Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Suisse – Chypre 1-0 (0-0)

Stade de Genève, 16’900 spectateurs.
Arbitre : M. Mazzoleni.
But : 90e Seferovic (1-0).
Suisse : Benaglio ; Lichtsteiner, von Bergen, Djourou, Rodriguez ; Shaqiri, Behrami (66e Dzemaili), Inler, Stocker (77e Barnetta); Gavranovic, Drmic (73e Seferovic).
Chypre : Giorgallidis; Theofilou (94e Dobrasinovic), Charalampous, Merkis, Charalambous ; Nikolaou, Makridis, Laban, Alexandrou; Aloneftis (61e Kyriacou), Sotiriou.
Cartons jaunes : 13e Charalampous, 20e Sotiriou, 33e Makridis, 45e Inler, 67e Charalambous.

Écrit par Julien Mouquin

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13 Commentaires

  1. ce fut laborieux, en effet, mais à la fin il y a 3 points. à quand remonte la dernière victoire de la Suisse grâce à un but après la 85′? c’est sans doute moins fréquent que les égalisations subies ou les défaites dans les 5 dernières minutes…
    ah, la Suisse au mondial au Brésil… on y croit!

  2. Me souviens d’un but capital pour la qualif en 2006, marqué à la 89e par Frei sur un centre de Magnin contre… Chypre!

    Pas d’autre souvenir récent sinon.

  3. Contre la Tunisie en fin d’année passée à la 95 ou 96e…
    Sinon dans un match qui compte, il y a quatre ans contre la Grèce, on s’en était sorti en toute fin de match. Mais peut-être pas après la 85e, je sais plus

  4. très bon article avec juste un petit bémol si j’ose faire une critique constructive sur un site satirique… c’est vraiment vraiment dommage que tu n’arrives pas à faire un compte-rendu sans toujours nous bassiner avec ton BVB. on s’en fout de ton club ok alors continue à faire des articles sur eux pour ceux que ça peut peut-être intéresser, ok, mais par pitié, quand tu parles de foot, n’en rajoute pas systématique… merciiiiiiiii

  5. Au contraire, fan… il manque même l’éternel pique au foot espagnol et au Barça en particulier. D’ailleurs, ça paraissait facile de faire le parallèle en plus: une équipe qui confisque le ballon, qui fait joujou avec mais qui n’enflamme pas le match et qui ne parvient pas à faire la différence…

    Sinon, le plus mythique des buts de dernière minute des Suisses, ok, ca date pas d’hier, mais c’est celui de Turkylmaz contre la Bulgarie en 91 (je crois). La Suisse menée 0-2 à 15 minutes de la fin et qui marque 2 buts dans les arrêts de jeu pour l’emporter 3-2, juste mythique. D’ailleurs, si qqn retrouve le commentaire de Tripot ce jour-là, on comprendra pourquoi la Suisse n’a pas la culture du foot…

    Plus récemment, j’ai l’image de Chapuisat qui demande à la 90′ demande à l’arbitre combien de temps il reste; il s’agite ensuite avec sa main pour montrer à ses coéquipiers qu’ils ont 4 minutes de temps additionnels pour marquer. Et je me souviens qu’ils avaient marqué. Mais je sais plus ni quand, ni contre qui, ni combien…

  6. Sinon, Inler, comme d’hab, a déçu en équipe suisse. Je sais pas comment il peut avoir une telle réputation en Italie (je ne l’y ai jamais vu jouer cela dit) et être aussi nulle avec la Nati.

    Lieschteiner n’a pas été bon, mais ca peut arriver et il est toujours généreux.

    Emeghara mériterait sa place dans l’équipe. Voilà un joueur percutant qui peut faire la différence. Stocker devient une évidence, car il peut perforer n’importe quoi… mais putain, faut qu’il se mette à planter aussi.

    Shaqiri devrait quitter le Bayern pour trouver du temps de jeu.

    Et Rodriguez se fait de plus en plus décevant après pourtant des débuts prometteurs.

  7. Pont n’a rien à avoir avec le coaching, quelle erreur de la part de l’auteur! Il a juste appliqué à la lettre les consignes SMSiennes de l’incapable Hitzfeld. Rappelons que c’est ce dernier qui a animé la conférence de presse d’avant match; le pauvre Michel a à peine droit de cité dans le microcosme du football suisse.

    Je dirais même, au vu des changements et des moments auxquels ils sont intervenus, que les décisions avaient déjà été prises au préalable. Cela tendrait à expliquer les sorties a priori incompréhensibles de Behrami et Stocker, et des non-sorties d’Inler et Rodriguez…

  8. Moi je vous trouve un peu durs avec Rodriguez… même s’il n’a pas été en réussite il a fait beaucoup d’appels dans le vide sur son couloir gauche.
    Après assez d’accord avec Socrate sur des changements prévus à l’avance. M. Hitzfeld, vous avez de la M dans les yeux? Il va falloir arrêter de vouloir absolument ne rien changer: si Dzemaili a pris la place d’Inler (mais quelle misère!) en club ça n’est pas pour rien. Pareil si Djourou n’entre plus dans les plans de Wenger depuis bien longtemps il doit également y avoir une raison, non? Je ne dis pas qu’il est mauvais, mais on voit qu’il manque de temps de jeu et de confiance… et du coup nous on crève de trouille à chaque fois qu’il a le ballon dans les pieds!

  9. Je ne sais pas si Pont avait son mot à dire au coaching mais les changements ont été effectivement incompréhensibles. Inler était tout simplement pathétique à la limite je me demande si on aurait pas été mieux à 10 sans lui… Il y a un site où on peut voir les stats par joueur ? Son nombre de passes ratées doit atteindre un record.
    Un petit mot sur les corners: quel manque de variété (quand ils ne sont pas carrément tirés hors du terrain) !
    Dans le positif gardons quand même l’esprit volontaire de l’équipe. Déjà ça !

  10. Anthony: ça fait 6 mois que Djourou n’est plus à Arsenal… et il a beaucoup joué à Hanovre, son nouveau club. Il n’a pas été brillant mais a fait le job…

  11. moi j ai trouvé le public génial toujours derriere l ‘equipe,a Bale ca aurait sifflé apres une demi heure…. plus de 20 000 dans le stade pas les 16900annoncé.. à croire que certain sont rentré sans billets ou alors des faux,tu commande un billet sur internet tu imprimes, ensuite tu fais des photocopies ,ya un code barre mais il sert a rien ,a l entrée il ya un francais qui te dechire le coin droit de la feuille et tu es dedans…pour ce qui est du coaching effectivement ce serait tres interressant de savoir si c est vraiment Pont qui les a décider……….!!!!!!!

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