Boringello, le lisse loser pauliste

Aujourd’hui dans votre rubrique préférée (ou pas), nous allons faire un zoom sur la carrière chiante d’un pilote chiant qui a évolué dans un sport chiant. Autant vous le dire tout de suite, on va bien s’amuser dans cet article !

Avant de parler du pilote en tant que tel, je voulais faire un petit aparté sur le sport. La Formule 1 m’inspire en effet des sentiments complexes et opposés. Elle me rend nostalgique des dimanches passés enfant à regarder la course à la télé avec mon père, attendant avec impatience, comme tout gamin de sept ou huit ans devant une course automobile, de voir des accidents. Mais le sport (un peu) et ma vision de celui-ci (beaucoup) ont bien changés. Aujourd’hui, la Formule 1 est aseptisée (au passage, opinion impopulaire : heureusement que Verstappen est là), les pénalités tombent au moindre crissement de pneu dissonant et le championnat est joué d’avance. En effet, le classement général est presque gagné avant même la première course par les toutes puissantes Mercedes et leur star(lette) Lewis Hamilton, l’équivalent sur roulettes de Cristiano Ronaldo en termes de talent, d’évasion fiscale et d’égo. Les pistons (pas que ceux du moteur) et le mode de vie d’une Kardashian en plus.

Dire qu’on est passé de la tignasse de Stewart ou de la moustache de Mansell à ça…

La F1 est devenue tellement chiante que rien que le fait de parler d’écrire un article à ce sujet provoque à la fois le dégoût et l’admiration d’une bonne partie de la rédac’ de Carton-Rouge. Mais trêve de passages dans le bac à graviers, parlons de l’incontournable Loser du mois !

Mais qui est Rubens Barrichello ?

Rubinho lors de son passage chez Williams

Rubens Gonçalves Barrichello, dit Rubinho, prend le départ de sa vie chiante le 23 mai 1972 dans la plus grande ville du Brésil, Sao Paulo. Comme l’immense majorité des pilotes ayant percé dans les sports mécaniques, il se met à pratiquer ces derniers très jeune et décroche plusieurs titres dans différentes catégories en karting. A 18 ans seulement, le jeune brésilien quitte son pays natal pour se rendre en Europe afin de gravir les échelons au plus vite. Ce qu’il fit en gagnant le championnat de Formule 3 1991 puis en terminant troisième en formule 3000 en 1992. L’année suivante, à seulement 21 ans, Barrichello est promu en Formule 1, le rêve de tout pilote. Cela a été possible évidemment grâce à l’apport de quelques sponsors, comme il est de coutume pour pouvoir piloter une monoplace au plus haut niveau.

Le jeune Barrichello est alors rapidement comparé à son illustre aîné Ayrton Senna (qui est par ailleurs une sorte de mentor pour lui) mais, lors de ses premières courses, il aura plutôt des statistiques comparables à celles de Romain Grosjean, voyant le drapeau à damier aussi souvent que le CP Berne a gagné de titre sans l’aide de la Ligue. Malgré tout, lorsqu’il termine ses courses, le Pauliste prouve qu’il est un bon rookie et a de très honnêtes résultats durant sa première année et demie au volant de sa modeste Jordan. Cependant, il aurait également pu être l’une des victimes du tragique week-end noir d’Imola 1994, qui emporta les vies d’Ayrton Senna et de Roland Ratzenberger. En effet, lors des essais libres, Rubinho se rate dans un virage, décolle sur un vibreur et vient s’écraser à pleine vitesse contre le mur. Il sera emmené inconscient à l’hôpital mais s’en tirera avec quelques fractures « seulement ». Il déclarera que c’est l’honorable Sid Watkins, dont le travail incroyable pour la santé des pilotes gagnerait à être connu par tous, qui lui sauva la vie comme à tant d’autres pilotes avant et après lui.

S’il sera marqué par le décès brutal de son mentor, Barrichello se remettra vite de ses blessures physiques et reviendra plus fort que jamais, poursuivant sa progression. Durant les années suivantes, le Pauliste multipliera les résultats honorables au volant de monoplaces de seconde zone (Jordan puis Stewart), se hissant même à quelques occasions en pole position et démontrant de sérieuses qualités lorsqu’il pleut, un temps chiant sauf pour la Formule 1.

En 2000, fort de solides résultats, Rubinho signe chez la Scuderia Ferrari et devient sans le savoir l’un des faire-valoir les plus célèbres de l’histoire de son sport. S’il gagnera quelques courses lors de ses années en rouge, il accumulera surtout un nombre assez hallucinant de podiums derrière le tout puissant Baron rouge, Michael Schumacher. Ces années furent marquées par des consignes d’équipes assez improbables, privant le brésilien de plusieurs belles victoires pour favoriser l’imbuvable allemand, même quand cela n’était pas nécessaire pour le championnat du monde. Un peu comme quand Mercedes prive Bottas d’une victoire alors que Hamilton a déjà le championnat gagné… C’est d’ailleurs suite aux magouilles à répétitions du spécialiste ès consignes, le big boss de Ferrari au début des années 2000 Jean Todt, que la FIA interdit ces petits arrangements entre amis. Loi qui sera abolie quelques années plus tard sous la direction de… Jean Todt, désormais président de la FIA ! La boucle est bouclée.

A la fin 2005, Barrichello quitte la Scuderia Ferrari Marlboro après une saison médiocre pour l’écurie Lucky Strike Honda Racing (oui oui, en 2006 les équipes de Formule 1 avaient encore des marques de clopes dans leur nom). Dès lors, ses résultats ne cessent de se détériorer avec une monoplace de moins en moins compétitive… Jusqu’au rachat en 2009 de la marque japonaise par Ross Brawn, ingénieur sulfureux mais brillant, qui transforme une écurie à la dérive en véritable machine à gagner. Barrichello et son coéquipier Button, qui étaient alors considérés comme d’honnêtes pilotes de seconde zone, raflent tout y compris le titre constructeur. Victime de son succès, Brawn GP est racheté par Mercedes à la fin de l’année, avec la suite que l’on sait. Barrichello partira chez Williams à l’intersaison pour terminer tranquillement sa carrière en F1 avant d’en entamer une seconde dans d’autres sports motorisés.

Son impressionnant palmarès

Autant le dire tout de suite, Rubinho n’a jamais été champion du monde de F1. En 19 saisons et 325 départs dans l’élite, il ne compile finalement « que » onze victoires. Cependant, il a signé également 57 autres podiums (deuxièmes et troisièmes places), ce qui est loin d’être ridicule. Barrichello a aussi mené Ferrari puis Brawn à la victoire au championnat des constructeurs. Mais le principal fait d’arme du brésilien reste sans doute son record de départs en formule 1, symbolisant sa longévité au plus haut niveau. En fait, même ses records sont chiants.

Pourquoi est-il dans cette rubrique ?

Pour la simple et bonne raison qu’il a évolué de nombreuses années avec la meilleure voiture du plateau – Ferrari puis Brawn, donc – sans jamais remporter de titre individuel. Rubinho a terminé deux fois deuxième et deux fois troisième du général, sans jamais réussir à surpasser ses leaders respectifs. Barrichello est le symbole de l’éternel second dans le sport motorisé du XXIème siècle et, même s’il a de temps à autres poussé un coup de gueule pour dénoncer les traitements de faveur à l’avantage de ses coéquipiers, il semble s’être tout de même toujours accommodé de ce statut. Pour faire simple, Barrichello c’était le gars qui laissait passer Schumi et lui cirait les pompes pour qu’elles soient luisantes au moment de sabrer le champagne. Si c’est pas un beau destin de perdant ça…

Rare image du Brésilien devant Schumi. Il a certainement dû s’écarter peu après

Son plus bel exploit

Si j’étais trash, je dirais d’avoir survécu au week-end noir d’Imola 94. Si j’étais gérontophile, je dirais que c’est son record de départs en grand prix et sa retraite à l’âge canonique de 39 ans. Si j’étais honnête je dirais d’avoir supporté Schumacher pendant six ans comme voisin de box. Mais je vais plutôt me focaliser sur ses exploits au volant. Comme dit précédemment, Barrichello était un virtuose de la conduite sous la pluie. Et il a signé la plupart de ses bons résultats sous un temps digne d’un été en Irlande.

Son premier succès est d’ailleurs à la suite d’un grand prix mémorable dans des conditions compliquées. Au GP d’Allemagne 2000, alors qu’il s’élance du fond de la grille, il remonte un à un ses concurrents, profitant de la présence d’un piéton sur la piste (chacun sa vision de la mobilité douce) qui provoqua un arrêt temporaire, puis de l’apparition de la pluie en fin de course pour faire une remontée qui ferait cauchemarder le PSG. Le Brésilien est devenu un coutumier du fait puisqu’en 2008 par exemple, il a réalisé un exploit du même type à Silverstone. En effet, alors qu’il s’élance de la seizième place de la grille au volant de sa modeste Honda, l’une des plus faibles voitures du plateau, Rubinho remonte presque tout le monde sous une pluie battante pour terminer à la troisième place ! Il avouera même au terme de la course qu’il ne s’était jamais autant amusé.

Son plus bel exploit born to lose

Mais, comme nous l’avons dit, Barrichello reste un pilote « bon mais sans plus » et qui a la défaite dans le sang. Alors qu’il a quitté Ferrari en 2005, qu’il poursuit tranquillement sa carrière du côté des petits de chez Honda signant de temps à autres une grosse perf, l’entreprise nippone est au bord de la faillite en 2008 et se retire de la Formule 1. Mais Ross Brawn, ancien gourou de chez Ferrari et ingénieur Honda désormais au chômage, rachète l’écurie et la passe à son nom. Très rapidement, on se rend compte que la voiture est vraiment au-dessus du lot, notamment grâce à des innovations décriées mais finalement validées par la FIA. Barrichello et son coéquipier Jenson Button, que tout le monde voyaient pointer à l’ORP du coin quelques semaines plus tôt, passent instantanément de « pilotes sympas de fond de grille » à « grands favoris pour le titre ».

Et effectivement, Brawn GP déjoua tous les pronostics, s’imposant lors de huit des dix-sept courses de la saison notamment et s’offrant le titre constructeur ainsi que celui des pilotes. Enfin la bonne pour notre ami Rubens, après des années de défaites honorables avec Ferrari ? Bien sûr que non ! Malgré une voiture au-dessus de la meute, il bute quand même sur son équipier britannique, qui finira Champion du monde, et sur Sebastian Vettel, finalement deuxième du mondial juste devant Barrichello. Quand ça ne veut pas…

Barrichello au volant de son OVNI, la Brawn GP

Et maintenant ?

Depuis son retrait de la catégorie reine en 2012 après 19 ans au plus haut niveau, le Brésilien a profité de son temps libre pour essayer d’autres sports motorisés, comme l’Indy car, le Stock car ou les 24h du Mans par exemple. Et il a enfin fini par gagner un titre ! Bon, c’était en 2014 dans l’obscur championnat brésilien de stock car (qui a au passage un règlement aussi compréhensible qu’une conférence de presse de Frank Ribéry), mais ça compte quand même. Dans la partie moins drôle, Barrichello a été victime l’an dernier d’un AVC et d’une tumeur bénigne au cerveau, dont il n’a heureusement gardé aucune séquelle.

Désormais âgé de 47 ans, le très sympathique brésilien n’a pas vraiment raté sa carrière. Mais, comme tous ceux figurant dans cette rubrique, il aurait pu ou dû faire infiniment mieux. Malheureusement, il reste dans l’imaginaire collectif comme le gentil paillasson de Schumi et de la Scuderia, et non comme le pilote talentueux mais éclipsé qu’il était. Et même si j’ai parlé de sportif chiant et de discipline chiante durant tout cet article, je dois bien avouer que depuis le départ de Rubinho, la Formule 1 l’est encore plus qu’avant.

A propos Joey Horacsek 84 Articles
Bon ça va, je vais pas vous sortir ma biographie

Commentaires Facebook

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.