La Semaine Sainte

Le Borussia Dortmund a vécu l’une des semaines les plus fastes de sa longue et glorieuse Histoire. Après avoir battu Hanovre et Arsenal, le BVB a réussi sa meilleure performance de le saison dans le match le plus important de l’année, die Mutter aller Derbys, pour remporter un Revierderby d’anthologie à Gelsenkirchen. Geil !

Le Revierderby, c’est un peu notre finale de Coupe du Monde à nous. En fait, non, c’est beaucoup mieux que cela : contrairement aux grandes finales internationales ou aux duels historiques anglais ou espagnols, où les gradins sont de plus en plus envahis par des curieux de passage attirés par le prestige de l’événement et où les abonnés de plus en plus nombreux à refourguer leurs places à prix d’or à un pigeon occasionnel pour financer le reste de leur saison, le Revierderby a conservé son authenticité et son caractère local. Schalke – Dortmund a beau être le seul Derby du football mondial opposant deux clubs dépassant les 60’000 spectateurs de moyenne (et même les 80’000 pour le deuxième nommé), il reste largement sous-médiatisé hors d’Allemagne. Pas assez glamour, pas assez bling-bling, trop local, trop connoté par les cheminées fumantes des hauts-fourneaux du Pott… On s’en réjouit car, au moins, les tribunes sont exclusivement peuplées de fans qui ressentent l’événement au plus profond de leurs tripes et dont le résultat va directement conditionner leur joie de vivre ou au contraire leur déprime profonde pour les six prochains mois. Jusqu’au Derby suivant.      

Haine et bêtise

Malheureusement, cette authenticité a un prix. L’ambiance des stades allemands est généralement bon enfant et il est presque partout possible d’afficher sans risques ses couleurs et même d’échanger cordialement avec des fans adverses. Mais le Revierderby c’est le seul déplacement de l’année où il faut vraiment prendre ses précautions de ne pas se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment avec le mauvais maillot ; l’hostilité et la haine entre les fans des deux clubs deviennent vraiment effarantes dans une ville de Gelsenkirchen transformé en camp retranché et aux allures de guerre civile. Rivalité oui mais c’est dommage d’en arriver là et, malheureusement, comme les précédents, ce Revierderby, cent quarante-troisième du nom, sera marqué par quelques débordements, hors et dans le stade, notamment un déluge d’engins pyrotechniques et des jets de fumigènes sur le terrain et les fans adverses effectués par les «fans» dortmundois qui retardent le coup d’envoi. Ce n’est pas franchement dans ce rôle là qu’on les préfère, même si finalement ces quelques minutes de retard nous ont opportunément permis d’aller au ravitaillement de Veltins dans les buvettes bondées du stade éponyme. Après, tous regrettables soient-ils, on peut regretter que la presse ait plus parlé de ces incidents que du match lui-même, c’est donner trop d’importance à une poignée d’imbéciles dont la débilité crasse finira par donner à la police les arguments pour imposer les mesures répressives (notamment l’interdiction des places debout) que ces mêmes «fans» sont censés combattre. Triste.

Comme à l’entraînement

Le comportement de ces quelques idiots sera le seul point noir de l’après-midi ensoleillé et magique du Borussia Dortmund. Les Pöhler avaient soif de revanche après avoir perdu les deux Derbys de la saison écoulée qu’on avait encore en travers de la gorge en arrivant après un interminable périple (mesures sécuritaires obligent) à la Veltins-Arena. D’entrée, le BVB va prendre à la gorge des Knappen pas franchement en confiance après la claque reçue contre Chelsea alors que dans le même temps Dortmund battait Arsenal. Reus allume une première banderille et le Borussia va logiquement être récompensé de son brillant début de match en ouvrant la marque sur une magnifique action offensive entre Henrikh Mkhitaryan, Marco Reus et Pierre-Emerick Aubameyang, comme à l’entraînement. Cela paraît tellement facile que c’en est presque gênant pour la défense königsblaue. Guère désireux de s’arrêter en si bon chemin, le BVB multiplie les occasions et le gardien de Null Vier Timo Hildebrand, le meilleur des siens samedi, doit s’interposer devant Aubameyang, Lewandowski, Reus ou encore Aubameyang pour maintenir son équipe dans le match. 

Warum Schalke ?

On ne voyait pas trop comment ce Schalke bien tendre allait pouvoir réagir. Mais, d’expérience, il y a quelques arbitres que l’on a toujours un peu d’appréhension à voir diriger un match du BVB, Wolfgang Stark évidemment, Michael Weiner et Knut Kircher qui a déjà pourri quelques matchs du Borussia contre le Bayern. Et il va être fidèle à sa réputation en offrant un pénalty aux Knappen pour un contact entre Fuchs et Subotic. Mais on l’aime bien quand même, Knut Kircher, car les pénaltys qu’il offre aux rivaux du BVB sont généralement ratés, comme celui d’Arjen Robben lors du match décisif de la Bundesliga 2011-2012, cela ajoute un côté épique et chevaleresque à la victoire. Cette fois, c’est Kevin-Prince Boateng qui voit son tir détourné par Roman Weidenfeller. Emotionnellement, ce n’était peut-être pas la meilleure idée de faire tirer l’ancien Milanais qui avait effectué un bref passage au Borussia Dortmund au printemps 2009. Le Ghanéen n’avait pas franchement marqué les esprits au Westfalenstadion mais il était resté lié d’amitié avec Jürgen Klopp, lequel avait toujours soutenu et défendu son jeune joueur d’alors, victime d’une ignoble campagne de presse orchestrée depuis Munich pour un tacle un peu trop appuyé sur Miroslav Klose, campagne qui avait sans doute contribué à le voir jouer pour le Ghana et non l’Allemagne, contrairement à son frère. Mais cette belle amitié a volé en éclat le jour où Prince a signé à Schalke. Jürgen Klopp lui a envoyé un sms laconique «Warum Schalke ?», avant de déclarer en conférence de presse «Kevin-Prince était un chic type. Jusqu’à maintenant du moins». Cela n’a pas du tout fait rire l’intéressé qui a répondu assez vertement à son ex-mentor par presse interposée. Eh oui, quand tu as porté, même brièvement, le maillot du BVB, tu ne passes pas sans conséquences à l’ennemi. 

Espoir de courte durée

Schalke avait laissé passer sa chance car le BVB va doubler la mise après la pause : Henrikh Mkhitaryan décale Nuri Sahin qui enveloppe une merveille de frappe dans le petit filet, ça nous rappelle le but qu’il avait inscrit au printemps 2011 à l’Allianz Arena lorsque le BVB y avait surclassé le Bayern. Toute regrettable qu’elle soit, l’absence prolongée d’Ilkay Gündogan aura permis au natif de Lüdenscheid de retrouver du temps de jeu et le niveau qui était le sien lorsqu’il avait été élu meilleur joueur de la Bundesliga 2010-2011. Si la jeune star locale, Julian Draxler, est elle passée complètement au travers de son Derby, c’est un autre gamin du coin, Max Meyer, 18 ans, qui, dès son entrée en jeu, va rallumer une timide flamme dans une Veltins-Arena qui s’est éteinte au fur et à mesure que le match avançait. La nouvelle merveille du foot allemand perfore la défense dortmundoise puis se montre le plus prompt à reprendre le renvoi de Weidenfeller sur la frappe de Szalai. Mais l’espoir va être de courte durée pour Herne-West et Henrikh Mkhitaryan, qui a marché sur l’eau dans ce 143ème Revierderby, traverse tout le terrain pour offrir le but de la sécurité à Jakub Blaszczykowski. Il restait un quart d’heure à jouer, un quart d’heure de pure félicité avec des chants jaunes et noirs qui claquaient dans une Veltins-Arena médusée et qui se vidait en masse. Geil, geil, geil !  

La saison est réussie !

23 points en 2011, 17 en 2012, 11 en 2013, c’est le retard en Bundesliga qu’a accusé ces trois dernières saisons Schalke 04 sur son grand rival du Ruhrpott. Cet été, dirigeants et joueurs königsblaue ont promis que, cette année, ils lutteraient pour le titre et qu’ils termineraient devant l’ennemi dortmundois. Le championnat n’en est même pas à son premier tiers que Null Vier est déjà relégué à douze longueurs de la tête du classement et onze du BVB… A ce rythme-là, on serait surpris que l’entraîneur Jens Keller, dont on n’a pas compris tous les choix pour ce Derby, finisse la saison dans un club qui ferait presque passer le FC Sion pour un modèle de stabilité.
J’étais assez pessimiste pour mon BVB avant le double déplacement à Arsenal et Schalke, finalement cela s’est passé plutôt mieux que prévu. Et autant la victoire à Londres était un peu tirée par les cheveux, autant ce succès à Herne-West peut servir de match de référence pour la suite de la saison, tant par la qualité du jeu proposé, le dynamisme affiché que la solidité défensive. Dortmund s’impose ainsi pour la troisième fois en quatre saisons à GE. Les deux victoires précédentes avaient été assorties du titre en fin de championnat. On a d’ailleurs un moment eu l’espoir d’une divine surprise venue de Munich qui permettrait au BVB de reprendre la tête du classement mais il n’en fut rien. Autant l’an passé le Bayern d’Heynckes ne nous laissait jamais la moindre illusion d’une bonne nouvelle du totomat, autant celui de Guardiola a la fâcheuse tendance à nous procurer de faux espoirs avant de s’en tirer à la raclette. Mais je te dirai que, depuis samedi aux environs de 17h et le but de Kuba, on est complètement affranchis de ce genre de contingences et de ces calculs d’épiciers. Avec une victoire en Supercup contre le Bayern et surtout le Derby gagné à GE, la saison est réussie, ce qui viendra ensuite ne serait que bonus mais, quoiqu’il advienne, on a la certitude de se réveiller tous les matins des six prochains mois, jusqu’au prochain Derby en mars, avec un sourire vissé jusqu’aux oreilles. La magie du Revierderby.

FC Schalke 04 – Borussia Dortmund 1-3 (0-1)

Veltins-Arena, 61’973 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Kircher.
Buts : 14e Aubameyang (0-1), 51e Sahin (0-2), 62e Meyer (1-2), 74e Blaszczykowski (1-3).
Schalke : Hildebrand; Uchida, Höwedes, Matip, Kolasinac (76e Jones); Aogo, Neustädter; Draxler, Boateng (82e Clemens), Fuchs (61e Meyer); Szalai.
Dortmund : Weidenfeller; Grosskreutz, Subotic, Hummels, Schmelzer (46e Durm); Bender, Sahin; Aubameyang (71e Blaszczykowski), Mkhitaryan, Reus (89e Hofmann); Lewandowski.
Cartons jaunes : 35e Aogo, 43e Schmelzer, 59e Szalai, 90e Jones.
Notes : Schalke sans Höger, Huntelaar, Farfan ni Papadopoulos (blessés), Dortmund sans Piszczek, Gündogan ni Kehl (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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7 Commentaires

  1. DERBYSIEGER DERBYSIEGER HEY HEY! Tout simplement indescriptible! Une victoire à GE c’est magique! Qui plus est de 1-3 (enfin presque 1-4 car un penalty loupé de S04 c’est un peu comme un but ;-)). C’était juste énorme! 😀

  2. Beaucoup de plaisir à lire ce compte rendu. ça fait plaisir de voir des derby qui sont restés authentique.
    Néanmoins pour moi Celtic – Rangers reste le grand derby du football.

  3. @Jérémie:
    Contrairement à d’autres grandes affiches du football, il n’y a pas de clivage religieux, politique, social, culturel ou régionaliste entre Dortmund et Schalke, les deux clubs se ressemblent d’ailleurs bien davantage que ne l’admettront jamais les fans des deux camps.
    C’est juste une question de proximité géographique (35 kilomètres) entre deux clubs géants (n°1 et 6 des affluences en Europe, n° 1 et 3 en Allemagne…) qui se disputent la suprématie locale.
    Après, depuis le premier Derby en 1925, la rivalité s’est nourrie d’anecdotes, de provocations, de contentieux, de traîtres passés à l’ennemi, de matchs houleux, de bagarres….
    Les débordements ne datent pas d’hier, juste un exemple: au début des années 1970, dans l’ancien Rote Erde de Dortmund, lors de l’envahissement du terrain par les locaux, un joueur de Schalke s’est fait attaquer par les chiens du service de sécurité du BVB. Au retour, en représailles, Schalke a disposé des vrais lions sur le bord du terrain…
    Et ça fait 143 Derbys qu’il y a des anecdotes de ce genre. Vivement le prochain !

  4. l’ambiance est tellement bon enfant au bvb que le club engage des travailleurs sociaux pour lutter contre certains des groupes de supporters à tendance néo-nazi…

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