Null im Kraichglauque

Sous la grisaille et les brumes du Kraichgau et dans l’ambiance glauque de l’artificielle Arena d’Hoffenheim, le Borussia Dortmund égare deux nouveaux points après avoir été mené 2-0. Décidemment, cette fin de premier tour tire en longueur. J’adore la Bundesliga et je m’ennuie quand il n’y a pas de matchs mais là j’attends la pause avec impatience.

Glauque. C’est le seul adjectif qui convienne pour décrire mon arrivée à Sinsheim trois heures avant le coup d’envoi de cet Hoffenheim – Dortmund. Lassé des sempiternels bouchons d’après match, inévitables quand tu plantes une arène artificielle au milieu de nulle part, j’avais cette fois opté pour le déplacement en train. Cela implique une arrivée sous la pluie, le crachin, le brouillard et la grisaille du Kraichgau dans une zone industrielle sinistre, déserte et grillagée de partout. Il n’y a ni bar ni alcool aux alentours du stade. Pour trouver notre « bonheur » en attendant le coup d’envoi, en l’occurrence quelques Glüweine et Eichbaum, il faut se rabattre sur des espèces de cabanon de jardin plus ou moins abrités, coincés entre un garden centre, une entreprise de recyclage de verre, un dépôt automobile et les jets du musée local. Cela fait rêver. Attention, je ne me plains pas : même si les distances sont moindres, le mec qui suit toute la saison le LS, Servette ou le HC Thurgovie et dont le quotidien s’appelle Aarau, Wohlen ou Ajoie a cent fois plus de mérites que moi car, en étant fans du BVB, on est gâtés en ayant presque toujours droit à des stades superbes, des ambiances grandioses et, luxe superflu mais pas complétement désagréable, depuis quelques saisons, souvent à des victoires et des bons matchs. Toutefois, il y a quelques déplacements dans la saison qui tiennent du sacerdoce et celui de Sinsheim en décembre en fait assurément partie. Le pire, c’est qu’il aurait suffi qu’unser BVB accroche un match nul à domicile contre cette équipe d’Hoffenheim lors de l’ultime journée de la saison dernière pour la renvoyer en Zweite Liga. On ne refait pas l’histoire mais, lors de ce morne après-midi de décembre, j’ai eu au moins trois cent septante-trois fois l’occasion de regretter les deux pénaltys concédés en mai contre Hoffenheim qui avaient permis aux Kraichgauer de se sauver au détriment de Düsseldorf puis Kaiserslautern, où j’aurai largement préféré me rendre pour cette avant-dernière journée du premier tour.     

Ségrégation

L’armée jaune et noire finit rapidement par prendre le contrôle du bar et à faire fuir les supporters locaux à grand coup de slogans hostiles à Hoppenheim et à son mécène Dietmar Hopp que je m’interdirai de répéter ici pour ne pas heurter la sensibilité de nos jeunes lecteurs. Je me contenterai de citer le chant le plus édulcoré, le « ihr macht unseren Sport kaputt », que l’on serait bien inspiré de reprendre du côté du LHC : peut-être que si on chantait en allemand, Sacha Weibel et consorts comprendraient qu’on n’est pas trop d’accord avec leur stratégie qui fait que Malley ressemble de plus en plus au Neudorf zurichois. Il y a quand même quelques fans locaux irréductibles qui restent dans le bar malgré les quolibets sur leur club, non pas les Hoffenheimer Legions chères à Jolezurichois mais les Brigade 1899. Heureusement que le ridicule ne tue pas…
Il paraît qu’on enterre actuellement un grand homme à coup de discours pompeux et hypocrites, comme celui de l’imposteur Obama qui, s’il avait été au pouvoir à l’époque, n’aurait même pas fait la grâce d’un procès et d’une cellule à Robben Island au terroriste Mandela mais aurait envoyé un drone pour l’éliminer, avec une quinzaine de membres de sa famille en prime. C’est l’occasion de s’insurger contre une ségrégation honteuse dont sont de plus en plus souvent victimes les supporters qui suivent leur équipe en déplacement : l’interdiction d’alcool. A part le bar précité, impossible de trouver une vraie bière autour du stade ou dans le bloc réservé aux visiteurs. En revanche, les nombreux fans jaunes et noirs qui, comme moi, avaient un billet juste de l’autre côté du grillage, dans un espace non exclusivement réservé aux supporters venus du Ruhrpott, ont pu acheter Glühweine et Bitburger alcoolisés à volonté, à tel point que j’ai même fini par acheter deux tire-bouchons d’Hoffenheim : j’en connais qui vont avoir une surprise sous le sapin. A terme, ce genre de ségrégation poussera les supporters visiteurs les plus assoiffés à déserter l’espace qui leur est réservé et à aller se mêler au public local, juste pour pouvoir boire leur bière tranquille, il faudra m’expliquer où est le gain sécuritaire. Comme quoi, la Suisse n’a pas l’apanage des restrictions débiles, inutiles et contre-productives en la matière.

Comme un air de déjà vu

Le (sinistre) décor étant posé, on parle du match. Si j’éprouve assez peu de sympathie pour Hoppenheim et ce qu’il incarne, il faut reconnaître que son entraîneur Markus Gisdol fournit un travail remarquable depuis qu’il a repris au printemps une équipe que tout le monde voyait condamnée à la relégation. Et n’hésite pas à lancer des jeunes, comme Niclas Süle (18 ans), Jeremy Toljan (19 ans) ou l’improbable Kai Herdling (29 ans mais qui se révèle seulement maintenant en Buli après une carrière en ligues amateurs), tous titulaires contre le vice-champion d’Europe en titre. En alignant à la surprise générale le jeune Schipplock plutôt que son capitaine emblématique Salihovic, pourtant souvent buteur contre le BVB, Markus Gisdol avait bien préparé son coup et a voulu mettre une pression maximale sur la défense de fortune du Borussia. La stratégie fonctionne et les Kraichgauer prennent deux longueurs d’avance sur deux ruptures rondement menées et conclues par Sven Schipplock et Kevin Volland. Sur le coup, Dortmund s’est fait prendre à son propre jeu en encaissant deux buts sur les mêmes schémas qui ont fait son succès ces dernières saisons. Jürgen Klopp devrait peut-être tourner un peu moins de publicités et repenser certains aspects tactiques car Dortmund est trop prévisible en ce moment. Cela débouche sur une domination stérile, caractérisée par deux grosses occasions manquées par Lewandowski et Reus en début de match, plus un but annulé de Reus pour hors-jeu, et une trop grande vulnérabilité défensive, avec deux buts concédés et un tir sur la latte de Polanski lors des trois incursions locales en direction du but de Langerak, préféré à un Weidenfeller pas franchement impérial trois jours plus tôt à Marseille en Ligue des Champions. 

Le Saint Grahl

Depuis qu’il a laissé partir Tom Starke au Bayern Munich, Hoffenheim connaît des soucis de gardien. L’ancien Tim Wiese écarté du groupe, son remplaçant Koen Casteels relégué sur le banc après quelques boulettes, c’est l’inconnu Jens Grahl qui fait office de titulaire depuis trois matchs. Sans grand succès, comme en témoigne ce ballon anodin relâché juste avant la mi-temps pour permettre à Pierre-Emerick Aubameyang de relancer les actions dortmundoises dans le but vide. La seconde période s’apparentera à un long monologue du BVB avec un siège en règle du but adverse qui finira par porter ses fruits à vingt grosses minutes de la fin sur un centre de Nuri Sahin repris en deux temps par le revenant Lukasz Piszczek, ça nous fait bien plaisir. Il restait largement le temps pour aller chercher la victoire. Certes, les Pöhler auraient pu tout perdre sur une frappe juste à côté de Volland mais ils auraient aussi pu et dû marquer ce troisième but avec un tir trop croisé de Mkhitaryan, un essai de Lewandowski relâché sur le poteau par le peu rassurant Grahl, une frappe mal cadrée de Reus et une surtout une reprise manquée par Schieber seul à cinq mètres du but dans les arrêts de jeu. Rageant car si je m’étais déplacé dans cette arène anonyme et sans âme, ce n’était pas pour voir des buts et un match animé mais bien pour aller chercher une victoire de mon équipe favorite.

 

Vivement la pause !

Ces deux nouveaux points perdus confirment la mauvais passe actuelle du Borussia Dortmund et ce même si le club a terminé, comme l’an dernier, en tête du groupe de la mort de la Ligue des Champions. Mais avec beaucoup moins de maîtrise et de brio, à l’image du dernier match assez exécrable et laborieux à Marseille. Pour être franc, je me réjouissais même d’être reversé en Europa League et je fantasmais déjà sur le printemps de folie qui aurait pu nous attendre : un seizième de finale en février à Dniepropetrovsk ou Odessa, puis Salonique pour l’ambiance, Salzburg pour vaincre le grand Satan Red Bull, Séville pour une revanche attendue et enfin la Juventus en finale à Turin pour faire revivre l’Histoire. Cela aurait été tellement plus exaltant que l’aseptisée Ligue des Champions. En fait, le seul truc qui m’a tout de même fait exulter dans mon salon lors du but victorieux et qualificatif de Kevin Grosskreutz à Marseille, c’est qu’il aurait été humiliant d’être éliminés d’une compétition dans laquelle nos rivaux de Schalke se sont qualifiés avec la classe et le panache que l’on sait. Et au passage, j’ai bien rigolé avec les pleurnicheries sur les pauvres petites victimes bâloises : quand un grand club d’Europe, souvent le même d’ailleurs, gagne ses matchs de C1 sur des erreurs d’arbitrage éhontées, celles-ci sont passées sont silence ou reléguées au rang de simple fait de jeu insignifiant par nos chers médias helvétiques car de toute façon « la meilleure équipe a gagné et la Ligue des Champions c’est magique. » Il faut qu’une équipe suisse en soit la victime pour que tout à coup nos Bisounours se rendent compte que cette compétition est pourrie par des arbitres orientés à commettre les « bonnes » erreurs. Mais évidemment, quand elles ne lèsent pas un club suisse, les « bonnes » erreurs font plaisir aux Bisounours puisqu’elles évitent que des petits clubs aillent trop loin dans la compétition et garantissent un dernier carré de prestige avec toujours les mêmes équipes. A ce niveau-là, le BVB peut se féliciter d’avoir filouté la première place de son groupe, cela pourrait lui valoir la position du « grand » en huitième de finale. Et ça promet un tirage un peu plus excitant que redouté : il faudrait juste éviter Manchester City mais sinon des déplacements à Olympiakos, Galatasaray ou Saint-Pétersbourg ne manqueraient pas de charme alors que le Milan à San Siro, malgré une ambiance en nette baisse, reste toujours une adresse sympa à visiter. En espérant que d’ici là, le Borussia retrouve un effectif un peu moins dégarni et un niveau de jeu supérieur à ce qu’il présente actuellement.          

TSG Hoffenheim 1899 – Borussia Dortmund 2-2 (2-1)

Wirsol Rhein-Neckar-Arena, 30’150 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Zwayer.
Buts : 17e Schipplock (1-0), 37e Volland (2-0), 44e Aubameyang (2-1), 67e Piszczek (2-2).
Hoffenheim : Grahl; Beck, Süle, Vestergaard, Toljan; Rudy (91e Strobl), Polanski; Volland, Firmino, Herdling (72e Johnson); Schipplock (69e Salihovic).
Dortmund : Langerak ; Piszczek, M. Friedrich, Sarr, Durm; Sahin, Kehl; Blaszczykowski (66e Mkhitaryan), Reus (87e Schieber), Aubameyang (66e Hofmann); Lewandowski.
Cartons jaunes : 11e Volland, 14e Reus, 76e Friedrich, 79e Polanski, 83e Sahin.
Notes : Hoffenheim sans Thesker, Sassi ni Vukcevic (blessés), Dortmund sans Papastathopoulos (suspendu), Subotic, Hummels, Schmelzer, Bender ni Gündogan (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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2 Commentaires

  1. Mouais, quand les « bonnes erreurs », comme tu dis, avantagent le BVB (en 1/4 de ligue des champions, par exemple), on te voit pas trop la ramener non plus, je suis pas fan de Basel, mais que les médias râlent un peu ça parait normal.

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