Les révolutionnaires (4/5)

Les propensions insurrectionnelles des footballeurs sont plus que jamais d’actualité. Au Brésil en effet, la révolte gronde dans le ventre du championnat. Avant d’aborder ce sujet dans un cinquième volet de la saga, CartonRouge.ch vous propose un petit flashback sur quelques révolutionnaires qui ont jalonné le monde du ballon rond ces dernières années.

En août 2011, Javier Poves, du Sporting Gijon, avait défrayé la chronique en rompant unilatéralement son contrat parce que le football «n’est qu’une histoire de fric». Révolutionnaire pur et dur, un «antisystème – comme il se présente lui-même – prêt à aller dans les banques pour les brûler et couper des têtes». Le brave défenseur avait même exigé de son club que son salaire ne soit pas versé sur son compte bancaire, pour ne pas encourager la spéculation.Il avait également refusé une voiture offerte par une entreprise aux joueurs du club en déclarant: «c’est du capitalisme et le capitalisme, c’est la mort. Je ne veux pas faire partie d’un système où les personnes gagnent de l’argent grâce à la mort d’autres personnes, en Amérique du Sud, en Afrique ou en Asie». Quelque temps après, le défenseur espagnol brisait son contrat de manière spectaculaire.

«Le football, c’est pourri»

«Plus tu connais le football, plus tu te rends compte que tout n’est qu’argent, que c’est pourri, et tu perds tes illusions», avait déclaré le joueur. La conscience tranquille, l’ex-défenseur de 24 ans a raccroché les crampons, des projets plein la tête: «aller découvrir le monde pour de vrai, en Afrique et reprendre mes études d’histoire».

Il estimait aussi que le mouvement des «indignés» avait été créé intentionnellement par les médias pour canaliser ce mal-être social et pour que cette étincelle ne devienne pas dangereuse et incontrôlable pour le système. Poves avait promis de s’installer en Birmanie s’il ne parvenait pas à avoir une vie propre en Espagne. Depuis l’été 2011 et son pétage de plomb, sa page Facebook est inactive et son compte Tweeter au point mort. On ne sait pas ce qu’il est advenu de lui. Donc si vous avez des nouvelles de Poves…

Docteur Sócrates

Autre forte tête, nous vous présentons Sócrates, un digne héritier du Che qu’il admirait à plus d’un titre. Sócrates Brasileiro Sampaio de Souza Vieira de Oliveira, plus connu simplement comme Sócrates était en effet médecin, comme le Che et révolutionnaire, à sa manière. Décédé en décembre 2011 à l’âge de 57 ans, vaincu par l’alcoolisme, le mythique milieu de terrain barbu de Corinthians avait non seulement enrichi le volet artistique du sport roi mais lui avait également donné ses lettres de noblesse à plus d’un titre.
Longtemps au Brésil, le football a été considéré comme un sport pratiqué par des délinquants, des zonards des favelas, des paumés ou des jeunes issus des classes sociales les plus défavorisées. Sócrates, un des plus grands footballeurs de l’histoire, était titulaire d’un doctorat en médecine. Mais il s’est surtout fait remarquer pour avoir révolutionné la gestion administrative et financière du football.

La «démocratie corinthiane»

Lorsqu’il prit la tête des Corinthians entre 1981 et 1985, en pleine junte militaire, Sócrates et quelques uns de ses coéquipiers mirent en place une administration collective inédite. Ce système permettait aux joueurs de prendre ensemble toutes les décisions concernant la vie sportive et administrative du club, avec de surcroît un système d’intéressement aux bénéfices pour tous. Ils optaient conjointement pour le mode d’entraînement et le système de jeu voire même le choix de l’entraîneur et ils avaient aussi leur mot à dire sur les transferts. On croit rêver.
Au grand dam de ses détracteurs, cette aventure se solda par un probant succès sur le terrain, avec deux titres de champions de São Paolo en 1982 et 1983, mais aussi sur le plan politique. Ce mode de fonctionnement fut l’expression d’un mouvement d’opposition sans précédent à la dictature militaire de l’époque. Sócrates est le frère aîné de Raí, lui aussi ancien capitaine de la Seleção à la coupe du monde 1994 aux Etats-Unis.

Cantona comme Marat

Plus récemment, en décembre 2010, Cantona imita Marat. Pas Maradona, mais Jean Paul, le célèbre révolutionnaire né à Boudry est mort dans sa baignoire 50 ans plus tard. Canto lançait en effet un appel explicite à la révolution, invitant ses compatriotes à retirer leur argent de leur banque, tous en même temps. Le cri de Eric «The King» avait engendré un véritable buzz, mais il n’avait été que très peu suivi le 7 décembre 2010, date fixée par Cantona pour que des milliers de Français récupèrent toutes leurs économies histoire de faire s’écrouler le système bancaire. C’est sur le footballeur devenu acteur que tous les yeux étaient rivés ce jour là. Tout le monde se demandant si oui ou non il répondrait à son propre appel!

Bon, depuis, Canto n’est pas resté les bras croisés non plus. Début janvier, il offrait sa Rolls-Royce recouverte de graffitis aux enchères de la vente d’Art Urbain contemporain d’Artcurial. Cette œuvre lui avait permis de rassembler 125’000 euros pour la fondation de l’Abbé Pierre dont il est le parrain. Pour la petite histoire, à part le fait d’être une sublime Corniche de 1984, ce bijou unique avait été relooké en direct sur le plateau du Grand Journal de Canal+ par Jon One, un grand nom du Street Art américain. Et dire que Cantona pensait en retirer seulement 20’000 euros! L’éclectique Canto s’est aussi lancé, avec son frangin Jean-Marie, dans la production de documentaires. Vous en découvrirez un fameux dans le bonus de la saga. Son titre: les Rebelles du foot!

L’Afrique n’est pas en reste

En Egypte, lorsque les businessmen et les sociétés de publicité ont instauré un cryptage sur les chaînes sportives, les Ultras se sont mis en tête de détruire ce système qu’ils estimaient injuste. Ils se présentent comme des défenseurs de la justice avec un ennemi principal: les forces de police.
«Ne me dis pas comment je dois encourager mon équipe» devient «Une fois, un jeune est allé encourager son équipe, il est revenu mort!» (Allusion au massacre du stade de Port-Saïd début février 2012) avant de se transformer en «Ils couperont toutes les fleurs et tous les boutons, mais ils n’empêcheront pas le printemps (Pablo Neruda)». Aujourd’hui, les Ultras sont autant des supporters sportifs que des militants politiques.

Paul Breitner : une personnalité à part

Si Paul Breitner est devenu une superstar mondiale grâce ses qualités de leader et son sens de la stratégie, il se faisait aussi remarquer par son franc-parler, n’hésitant pas à fustiger les travers de la discipline. Sur le plan politique, l’image d’électron libre collait parfaitement à sa peau et ce, depuis qu’il s’était fait photographier sous un poster de Mao Tsé Tung.
Il a toujours affiché sa sympathie pour le Che Guevara. Quand Breitner a signé son premier contrat professionnel avec le Bayern à l’âge de 18 ans, il a mis un terme à ses études de l’Ecole Supérieure de Pédagogie de Munich. Néanmoins, par la suite, il s’est souvent fait remarquer par ses prises de position, se forgeant une image d’intellectuel rebelle au caractère bien trempé.
Finalement, ces forts caractères auront peut-être davantage collectionné les coups d’éclat médiatiques que les succès politiques. Néanmoins, ces marginaux ont fait souffler un vent frais sur un football qui se dirige toujours plus promptement vers une forme de congestion élitiste et capitaliste. Un air de révolte et des idées ensoleillées, donc, sur des airs de samba…  Est ce bien raisonnable? Le printemps, c’est tout bientôt non? Suivez l’insurrection qui ourdit dans le championnat brésilien dans le prochain volet de notre saga: les Révoltés de Bom Senso FC.

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2 Commentaires

  1. Super merci! Dr. Socrates est certainement le seul et vrai combattant de la liberté dans le football! Non seulement incroyable balle aux pieds mais aussi dans ses prises de positions! Grand respect pour ce monsieur qui doit de retourner dans sa tombe quand on voit ce qu’il se passe au Brésil mais aussi dans le mouvement ultra des corinthians! Et pour canto il fait du canto mais sa l’empêche pas de faire de la pub pour p**si! Mais pour le reste rien a lui reprocher de très sérieux!

  2. ben au moins ceux qui gagnent des millions reversent un peu autour d’eux aux gens dans le besoin. c’est déjà pas mal. Peut on recenser lesjoueurs qui ont des fondations, associations. on aurait une idée de qui fait quoi. mais je pense que ceux qui font quelque chose de concret pour les autres le font aussi discrètement ?? donc, cela reste subjectif tout ça. Mais bravo pour la série. et vivement la suite avec les fachos pour ne faire que des heureux dans ce site ouvert à la liberté d’expression et de pensée ! ou pas ?

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