Retour sur la Vierschanzentournee (2/3)

Cette année, on a décidé d’aller découvrir la Vierschanzentournee pour la première fois. On se doutait bien qu’un truc avec des mecs venus pour voir du sport et se démonter la tête sur de la Schlager, on allait adorer. On n’a pas été déçus. Retour sur cet événement magique avec quelques considérations sportives, descriptions d’ambiance et anecdotes aux forts relents de Tüte, de bières et de Glühweine.

Garmisch-Partenkirchen

Le stade de Garmisch-Partenkirchen est bien entendu comble pour le concours du Nouvel-An. L’essentiel du public se masse dans la Weisstribüne, soit les pieds dans la neige, à même le sol ; c’est là que tu apprécies de mesurer plus d’un mètre septante. Construit pour les JO de 1936, le Grosse Olympiaschanze et surtout ses tribunes, pas très grandes, affichent un style très Albert Speer. Mais paradoxalement, c’est le concours le moins nationaliste. En fait, malgré la présence de drapeaux bigarrés, on a l’impression que la plupart des gens se contrefichent du résultat et sont surtout là pour faire la fête. Cela fait aussi partie des traditions immuables de la Vierschanzentournee : la manche de Garmisch-Partenkirchen se déroule entre le 31 décembre (qualifs) et le 1er janvier (concours). Il en résulte une ambiance festive au possible et ce n’est pas la présence massive de fans tchèques et surtout polonais qui va engendrer la morosité. Deux guignols sur un podium (dont il est fortement déconseillé de trop s’approcher) chauffent un public qui ne demande que ça : ça danse, ça sautille, ça crie mais entre deux Schatzi schenk mir ein Foto, il y a quand même des coureurs qui s’élancent. On était arrivés assez confiants mais Simon Ammann nous laisse une impression plutôt mitigée. Finalement, on repart en se disant qu’il a bien limité les dégâts en terminant malgré tout sur le podium. Mais, avec l’inattendu vainqueur Thomas Diethart et le retour de Thomas Morgenstern, si peu de temps après sa terrible cabriole de Titisee-Neustadt, commence à poindre la menace autrichienne qu’on avait peut-être écartée un peu trop vite après le mauvais concours de Schlierenzauer à Oberstdorf. 

The Eagle

Mon record pour la première bière de la nouvelle année (sous-entendu au réveil), c’est 9h le 1er janvier et un fût percé (et rapidement fini) avec une Conseillère d’Etat en cours de répétition. Là c’était un poil plus tardif : 11h30 mais ça reste respectable. Il faut dire que l’on avait rendez-vous avec une légende pour une photo : Eddie the Eagle, alias Michael Edwards, sauteur britannique arrivé bon dernier aux JO de Calgary en 1988. Vingt-six ans plus tard, cet exploit mémorable lui permet toujours d’encaisser quelques royalties en participant à une émission de téléréalité ou en posant avec des fans pour une chaîne d’électroménager. Bon plan. 

Après ski

La Vierschanzen ne se termine bien sûr pas à la fin du concours. Il faut évidemment passer par la version hivernale des quatre saisons de la fête à l’allemande : Karneval au printemps, Mallorca l’été, Oktoberfest l’automne et Apres Ski l’hiver. Les concerts sur la place du village à Oberstdorf, le Maria Höfl-Riesch Bar à Garmisch ou l’Afterparty à la Mausefalle d’Innsbruck ont constitué une transition assez agréable entre une journée consacrée au sport (!) et une soirée plus festive.

Suisses

Lorsque Simi ne sera plus là, la Tournee risque d’être un peu terne pour les supporters helvétiques. Je te ferai grâce de la théorie que j’ai faite sur le sujet durant des plombes à un sexagénaire autrichien sur un coin de bar à la brasserie Augustiner d’Innsbruck mais la relève peine à poindre le bout de son nez. Gregor Deschwanden s’est régulièrement qualifié pour le concours mais sans plus, les autres n’ont jamais réussi à entrer dans les cinquante qualifiés. Ce n’est pas passé loin pour Pascal Kälin à Garmisch mais il s’est fait devancer de justesse par le Français Ronan Lamy-Chappuis. Lequel deviendra quelques heures plus tard la nouvelle idole de mon ami Vince par le hasard d’une rencontre impromptue. Cela se passera beaucoup moins bien pour le cousin du multiple champion de combiné nordique le lendemain. Son saut d’essai était même tellement court que le speaker, après un sonore aïe, aïe, aïe, a exposé que seul le vent pouvait expliquer une telle distance. Ce ne sera guère plus long en concours pour le pauvre Ronan. Mais ce n’était pas la faute du vent mais plutôt d’un sommeil perturbé par les Marseillaises que son nouveau fan Vince a braillé durant une bonne partie de la nuit du Réveillon sous les fenêtres de l’hôtel des Français.

Hellas

A part les Suisses et les Allemands, celui que j’ai le plus encouragé, c’était le concurrent le plus improbable de la tournée, le Grec Nico Polychronidis. Tu ne l’as sûrement jamais vu à la TV : il n’a jamais passé le cap des qualifications. Mais quand tu es au pied de ces monstres de béton, je t’assure que tu ne peux avoir qu’un immense respect pour tous les inconscients qui osent se jeter là en bas. Même pour le dernier. Et tu n’aurais pas franchement envie d’être à leur place. Même si ça doit être terriblement grisant de déboucher au-dessus de la marée de drapeaux et du vacarme des Tüte du colossal Bergisel. Sauf qu’un peu plus loin, il y a le cimetière, ça dissuade d’essayer un jour.    

Légendes

Ce qui est magnifique en saut à ski, c’est que tu peux avoir des gamins sans expérience qui débarquent de nulle part et écrasent la concurrence comme Thomas Diethart cette année, Gregor Schlierenzauer, Thomas Morgenstern ou Matti Nykänen en d’autres temps. Mais d’un autre côté, tu retrouves des mecs qui sont là depuis des lustres en étant toujours resté au sommet ou en y étant revenus après une longue éclipse, parfois plus de vingt ans après leurs débuts. Cette année, on a surtout vu Simon Ammann, Thomas Morgenstern ou l’incroyable Noriaki Kasai. Mais il y en a aussi qui ont tout gagné ou presque et sont toujours là mais avec des résultats bien en deçà de ceux de leur époque glorieuses. Des anciens champions du monde, champions olympiques, vainqueurs de la Tournée ou de la Coupe du Monde qui en sont réduits à se battre pour une 18e place, un passage en deuxième manche ou même une simple qualification pour le concours. Mais qui continuent à sauter. Par passion, par plaisir, par amour de leur sport.

Cette année, on a ainsi pu apprécier, bien en retrait de leur niveau d’antan, Gregor Schlierenzauer, Wolfgang Loitzl, Andreas Kofler, Janne Ahonen, Anders Jakobsen, Tom Hilde, Robert Kranjec, Martin Schmitt pour ses derniers sauts, à Garmisch, l’invraisemblable Takanobu Okabe (43 ans, qui sautait déjà en Coupe du Monde alors que Thomas Diethart n’était même pas né…) et même Andy Goldberger comme ouvreur. Avec à chaque fois un immense respect du public et une ovation pour ces champions de légende, même lorsque leur saut était raté. Dans la nuit du 1er au 2 janvier, mes camarades m’avaient déjà laissé tombés mais comme j’étais assez content de ma journée, je décide de sortir. Ou plutôt de ne pas rentrer. Après avoir quitté la disco, j’opte pour un dernier verre dans un bar et, là, au bout du bar, il y avait Jakub Janda, vainqueur de la légendaire Tournee 2006 à égalité avec Ahonen mais désormais très loin dans les classements. Il tirait la bière dans son coin pour noyer son chagrin d’un concours raté. Il n’était pas très loquace et son manager m’a fait comprendre qu’il n’avait pas trop envie d’être dérangé. Mais j’ai énoncé quelques vieilles théories avec le manager. Ne me demande pas en quelle langue : à partir d’une certaine heure de la nuit, je suis parfaitement polyglotte.

Écrit par Julien Mouquin

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