Quelques sushis en perspective pour le Japon

Bon, le jeu de mot à la con, ça c’est fait ! J’ai essayé d’en trouver un avec «se shiatsu en mangeant des sushis» mais c’était trop long pour un titre. Bref, voici la présentation de l’équipe la plus hype de la Coupe du Monde : les Samouraïs bleus !

1) Pourquoi ai-je choisi de présenter ce pays ? Ayant personnellement habité au Japon, je suis bien plus à même que chacun d’entre vous de parler du football qui y est pratiqué. Emmagasinez donc mon savoir et soyez respectueux, bande de petits malins ! Quant à ceux motivés à faire les jeux de mots débiles habituels du peu regretté Thierry Roland, je me réjouis de les retrouver dans les commentaires.
2) A quoi sert ce pays ?
De manière générale, ce pays sert à montrer que, de l’énergie nucléaire aux crimes de guerre, l’histoire peut être oubliée rapidement. Au football, ce pays sert à montrer à des clubs comme Servette et Lausanne qu’il est possible de construire un vrai projet à partir de ruines. Vous l’ignorez sans doute, mais la J. League a été crée du jour au lendemain pour devenir le meilleur championnat d’Asie. Voilà comment cela s’est passé : le Japon n’avait qu’une ligue amateur – la Japan Soccer League – mise sur pied au lendemain des JO de Tokyo. Si la professionnalisation du championnat était discutée depuis le tournant des années 1980, ce n’est qu’après une énième défaite de l’équipe nationale contre l’ennemi juré sud-coréen qu’elle ne fut concrètement décidée en 1989 (véridique). Quatre ans plus tard naissait la J. League, créée par une Ligue forte et crédible dans un esprit de renforcement de l’identité régionale encore jamais vu au Pays du soleil levant : impossibilité de déménager la franchise, création d’écoles de football, investissement des entreprises locales dans le club, etc.
3) Comment se sont-ils qualifiés et surtout pourquoi ?
Classée meilleure nation de la zone Asie à la veille du coup d’envoi des qualifications, le Japon a été gracié des deux premiers rounds, se voyant ainsi refuser l’honneur d’en découdre avec le Timor oriental ou le Bangladesh. Les «Samouraïs bleus» ont ensuite passé ric-rac le 3e tour en perdant 4 points contre l’Ouzbékistan et 3 contre la Corée du Nord. Ils ont toutefois assuré leur ticket pour le Mondial un peu plus aisément au 4e et dernier tour, en finissant premiers devant l’Australie avec une seule mais vaillante défaite 2-1 en Jordanie.

4) Pourquoi vont-ils gagner la Coupe du Monde ?
Car l’esprit des braves serviteurs du Shôgun mènera les Nippons à la victoire, comme l’affirme le slogan officiel estampillé FIFA de l’équipe «Samourai, l’heure de combattre est arrivée» ! On en pensera ce que l’on voudra mais ce qui est sûr, c’est que ça a quand même plus de gueule que le «Chi, Chi, Chi, Le, Le, Le, allez le Chili», le «Socceroos, faisons un bond dans l’histoire» (jugé «slogan le plus naze de tous les temps» par le quotidien australien The Daily Telegraph) ou encore le belge «Attendez-vous à l’impossible» avec une faute de néerlandais dans le texte.
5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?
La sélection d’Alberto Zaccheroni est sans surprise, mais l’Italien n’en a pas moins été critiqué pour n’avoir osé sélectionner quelques stars de J. League qui gagneraient à être connues à l’étranger, à l’image d’Okono Miyaki, Sûpu Karei ou encore l’excellent Kushi Age (prononcez  «agué»). En l’absence de ces figues de l’image nationale, plus d’un estiment que la sélection nippone manquera un peu de saveur au Brésil.
Plus prosaïquement, le Japon dépend complètement des performances de Honda et Kagawa. Si l’un d’entre eux devait ne pas livrer la marchandise, c’en serait fait des frêles espoirs de huitièmes ! C’est d’ailleurs un problème récurrent : les meilleurs joueurs de J. League quittent l’archipel pour l’Europe trop tôt, et rares sont ceux qui performent au meilleur niveau. Ainsi, les deux Sakai de Bundesliga (Gotoku, Nuremberg et Hiroki, Hannovre) ont livré une saison quelconque et ne devraient même pas partir titulaires avec la sélection. Pour la petite histoire, cet exode a comme conséquence, entre autres, une redistribution des cartes du championnat national à chaque nouvelle saison. Ainsi, le vice-champion 2013 Yokohama F. Marinos n’est que 12e à l’heure actuelle et le quatrième Cerezo Ôsaka 13e. Si cette situation est bonne pour le suspense, elle est aussi le constat que les clubs peinent à développer leur structure sur le long terme. La culture d’un style propre à une équipe est inexistante, les clubs peinent à trouver une identité propre. Quant aux résultats sur la scène continentale, ils sont bien souvent décevants, comme l’étaient ceux du champion 2013 Sanfrecce Hiroshima.
6) Qui sont les joueurs à surveiller ?
 
Avec 8 pions en qualifs et ses 15 cette saison avec Mainz, Shinji Okazaki porte au pays avec fierté son surnom du Drmic nippon. Le Japon se serait-il enfin trouvé un buteur digne de ce nom ? Rien n’est moins sûr, puisque Alberto Zaccheroni s’est souvent refusé à faire évoluer son numéro 9 en pointe, préférant l’astreindre à quelque tâche de soutien en compagnie des médiatiques Honda et Kagawa dans son 4-2-3-1.
7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller, mais dont on peut éventuellement se moquer ?
L’unique place d’attaquant sera certainement dévolue à Yoichiro Kakitani, qui table sur une excellente saison 2013 (on joue de mars à décembre au Japon) avec 21 buts en 34 matches sous le maillot de Cerezo Osaka. Las, cet homme fluet est en train de rater complètement son début de saison avec 1 seul goal en 13 matches. Ce Seferovic du riche devrait donc rapidement céder sa place à Ôkubo, plus vieux mais régulièrement au top en J. League.

8) Une bonne raison de les supporter ?
Tombé dans un groupe qui s’annonce serré avec la Colombie, la Grèce et la Côte d’Ivoire, le Japon aura vraiment besoin d’être supporté pour passer en 8es de finale. Donc merci de le faire pour eux.
9) Une bonne raison de ne pas les supporter ?
A cause du surnom officiel de l’équipe «Samouraïs bleus». Plus dans le cliché, tu meurs ! C’est un peu comme si la Suisse s’appelait les «Saint-Bernards» ou la Norvège les «Guerriers du Walhalla». J’imagine bien le vieux chef du service marketing de la Japan Football Association annoncer : «J’ai trouvé ! Ce sera les…» Et tous les petits jeunes talentueux (mais jeunes) qui ferment leur gueule mais n’en pensent pas moins.
10) Bon d’accord, mais sinon ?
La JFA a fait un très bon boulot avec sa J. League. En quelques années, le football est devenu presque aussi populaire chez les écoliers japonais que le baseball. Les centres de formation sont performants et toutes les équipes juniors brillent dans les compétitions internationales. Dommage que le centre de formation national ait été construit à 20 km de la centrale de Fukushima… Pour ceux qui voudraient en savoir plus, vous pouvez vous ruer sur le manga Giant Killing inédit en français mais dont l’excellente adaptation vous donnera un aperçu très convaincant de la réalité footballistique du Japon.

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9 Commentaires

  1. Ils ont terminé 1er de leur groupe devant (et non derrière) l’Australie, je crois que sinon ils auraient sûrement été 2èmes 😉

  2. Merci….

    Petite question, comment ca se passe pendant la coupe du monde au niveau de leur championnat puisque la saison court de mars à décembre?

  3. Elle est facile et réchauffée, mais je me dois de la faire : au foot, les japonais sont nippons ni mauvais !

    Ok je sors ——>[]

  4. @ Grabajay

    Finement observé, merci 😉 Ca va être corrigé…

    @Captain

    Là ils ont commencé un peu plus tôt, ils finiront un peu plus tard et dès maintenant ils font une pause jusqu’à mi-juillet. En fait entre la CdM, la Coupe de Confédérations et la Coupe d’Asie, il y a rarement une saison qui ne doive pas être modifiée d’une façon ou d’une autre.

  5. Très bonne article, mais ça ne sushi pas pour en faire des favoris de la CM.

    sur ce, je sors et j’ai un peu honte de cette intervention.

  6. Je vois pas comment l’argument principal a pu être oublié…

    Une bonne raison de les supporter: c’est au Japon qu’on doit nos « meilleurs » souvenir footbalistique de notre enfance: Thomas Price, Olivier Atton, Mark Landers, Ben Baker, Ed Warner, Karl-Heinz Schnieder, etc.

  7. Rien à voir avec les nippons, mais on écrit « Valhalla » si jamais 🙂

    Sympa cette série d’article, merci à vous.

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