Mitroglouglouglou ou Gekas du siècle bis ?

Souvent critiqué à juste titre pour une tendance à l’assistanat, le «Bateau Pirate» – comme on surnomme la formation hellénique – va montrer au monde que la Grèce est avant tout une nation phare de la planète footballistique et que son jeu chatoyant va enchanter les adeptes du football champagne et, exceptionnellement, donner plutôt que recevoir comme à son habitude. Bref, le sirtaki sera roi cet été sur Copacabana !

1) Pourquoi ai-je choisi de présenter ce pays ?Selon les différentes sources consultées, il existe plusieurs «hold up du siècle». Pour certains, l’attaque du train Glasgow-Londres en 1963 mérite cette appellation. Pour d’autres, il s’agira de l’attaque contre la salle des coffres de la Société Générale à Nice en 1976 ou de la Poste de Fraumünster à Zurich en 1997. Pour tout amateur de football, néanmoins, il n’y a aucun doute pour considérer le titre européen remporté par la Grèce en 2004 au Portugal comme la plus grosse arnaque de l’histoire. Et comme Stan a fini par gagner un Grand Chelem et Roger jouer la Coupe Davis dès le premier tour, je me suis dit que tout était possible et que la Grèce pourrait bien ajouter une Coupe du Monde à son palmarès !
2) A quoi sert ce pays ?
Au premier abord à rien du tout. Puis en cherchant bien, on peut citer en vrac et dans le désordre que la Grèce sert avant tout à vider les caisses déjà peu remplies de l’Union Européenne, mais aussi à nous avoir fait rêver l’Iliade d’Homère, à nous avoir apporté Nana Mouskouri, Nikos Aliagas et Josef Zisyadis, à compter quasiment plus d’armateurs que d’habitants, ou encore à permettre à certains étudiants illuminés à apprendre une langue encore moins utile que le latin. D’un point de vue un peu plus sportif, on doit quand même aux Hellènes les Jeux Olympiques et, dans le monde du ballon rond, personne n’oubliera que grâce à eux, en 2004, le Portugal n’a pas gagné l’Euro, ce qui en soit est déjà beaucoup.
3) Comment se sont-ils qualifiés et surtout pourquoi ?
Si on s’en tient au plan strictement footballistique, on remarquera que la Grèce est sortie deuxième d’un groupe aussi relevé que celui de la Suisse et particulièrement glamour, en laissant filer la qualification directe à la terrifiante Bosnie-Herzégovine et en devançant aux forceps les redoutables nations que sont la Slovaquie, la Lettonie, la Lituanie et le Liechtenstein et qu’elle a finalement obtenu son ticket pour le Brésil en dominant une Roumanie qui est bien loin de celle qu’on appelait le Brésil des Carpates.
Toutefois, derrière cette façade se cache sans doute une qualification offerte par Bruxelles, par le FMI et la Banque Mondiale réunis afin d’éviter de nouvelles émeutes dans les rues d’Athènes ou une prise de pouvoir par les peu fréquentables membres d’Aube Dorée. A moins que ce ne soit le Baron de Coubertin qui a envoyé un mail à Blatter pour lui rappeler que soit la Grèce, soit Rhodes, soit Sparte, soit Delphes se devait d’être du voyage au pays de la samba.

4) Pourquoi vont-ils gagner la Coupe du Monde ?
Même si pour toute personne à peu près normalement constituée, la Grèce n’a aucune chance, il paraît absolument évident que c’est la grosse cote de ce Mondial et que, si ce n’est pas encore fait, il faut absolument se ruer chez William Hill ou sur Interwetten pour miser sur la troupe à Fernando Santos. Et la raison est d’une évidence qui saute aux yeux. Ils ont tout simplement déjà fait le coup au Portugal en 2004 en devenant les plus improbables champions d’Europe de l’histoire et ils connaissent donc la chanson mieux que quiconque. Certes, l’imposteur Angelos Charisteas qui, tel un Djibril Cissé, continue son tour du monde des clubs, n’est plus là mais un Panagiotis Tachtsidis, par exemple, semble déjà, à 23 ans, bien armé pour jouer ce rôle du héros sortant d’un anonymat certain pour y retourner ensuite aussi vite. Si Gary Lineker disait que le football se jouait à 11 contre 11 et qu’à la fin c’était l’Allemagne qui gagne, Otto Rehagel devait penser lui qu’à la fin c’était la Grèce qui gagnait 1-0. Pas tout faux. Et finalement, il suffit de le réaliser 7x de suite et la coupe sera pour eux !
5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?
Sortir du seul et véritable groupe de la mort de ce premier tour relèverait du miracle que même Hervé Renard ne parviendrait à réaliser. Ainsi, opposée d’entrée à la terrifiante Colombie orpheline de Radamel Falcao, un but contre son camp de son bon vieux Kostas Katsouranis hypothéquera déjà la suite des opérations. Surtout que le cartel de Medellin, persuadé de vivre un remake du pauvre Andrés Escobar, diligentera un escadron vers Belo Horizonte pour régler son cas et la Grèce devra se passer de son illustre capitaine pour la fin de  la compétition. Asphyxiés ensuite par des Japonais en mode kamikazes et gaz sarin, ils finiront par se faire dégommer par des Ivoiriens emmenés par un Yaya Touré stratosphérique. Noyant leur élimination et la perte d’un des leurs dans un bar louche de Fortaleza, ils finiront sans le sou et, refoulés à la porte de l’avion devant les ramener en Europe en raison de leur haleine, fruit d’un délicat mélange d’Ouzo et de Caipirinha, ils traverseront l’Atlantique à la rame sur une galère phénicienne.
6) Qui sont les joueurs à surveiller ?
A défaut du légendaire capitaine (non pas John Terry) Kostas Karagounis dont le séjour au Brésil tournera malheureusement court (cf. point n°5), l’arme fatale des Grecs pourrait bien être l’attaquant de Fulham Konstantinos Mitroglou. Elevé au contact de la Buli, l’ancien attaquant de l’Olympiakos qui avait terrassé à lui tout seul Anderlecht en Ligue des Champions l’automne passé, Mitrogoal possède ce sens du but propre à cette race d’attaquants que la Coupe du Monde a révélé, tel un Paolo Rossi par exemple. De plus, le manque de temps de jeu de l’attaquant des Cottagers depuis son arrivée à la trêve hivernale, pourrait bien être un avantage non négligeable face à des défenseurs qui auront accumulés jusqu’à plus de 20 matches en 3 mois.
Si Mitroglou ne devait pas être la star escomptée, Fernando Santos pourra sans doute aussi compter sur l’énorme expérience de l’attaquant du Celtic Georgios Samaras. Excellent passeur, dribbleur, l’ailier des Bhoys sera très précieux à son équipe et les téléspectateurs devraient souvent apercevoir son jeu spectaculaire et lumineux. Et comme le bonhomme est doté d’un cœur énorme comme en témoigne encore son geste à l’issue du dernier match de la saison du Celtic, il serait dommage de ne pas s’y intéresser.
7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller, mais dont on peut éventuellement se moquer ?
A défaut de joueurs aussi emblématiques d’un point de vue esthétique tel un Trifon Ivanov ou un Raymond Domenech, la Grèce compte néanmoins dans ses rangs le fantasque Theofanis Gekas. Errant comme une âme en peine de club en club plus ou moins improbable, il a quand même réussi à être du voyage en raison de la faiblesse du réservoir offensif à disposition de l’entraîneur portugais du Bateau Pirate. S’il ne devrait ainsi a priori pas affoler les défenses adverses, on pourra toujours admirer sa coupe de cheveux estampillée Pays de l’Est des années 80-90, tel le mythique Milan Fryda.

8) Une bonne raison de les supporter.
Imaginez-vous seulement une seconde être une petite mouche le lundi 14 juillet, à Bruxelles, au Conseil des Ministres de l’Union Européenne. Imaginez la tête d’Angela Merkel et consorts voir débarquer Monsieur Antonis Samaras, premier ministre grec, en retard (mais ça c’est une habitude dans ce pays), avec deux pour mille par guibole et une trique d’enfer. Imaginez le remercier chaleureusement les 27 autres ministres pour leur exprimer toute la gratitude du peuple hellène qui, sans les précieux deniers de l’Union, n’aurait tout simplement même pas pu se payer le voyage au Brésil. Avouez au moins que rien que pour la tête à Flamby, le jeu en vaudrait la chandelle !
9) Une bonne raison de ne pas les supporter.
Bien qu’Otto Rehagel ait quitté le navire tel un Francesco Schettino, l’héritage laissé par le technicien dans le jeu grec est encore fort présent. Rigueur défensive, longues balles en avant et partie de billard dans les seize mètres adverses pour la planter au fond sont la marque de fabrique du Bateau Pirate. Qu’à côté de ça, même le jeu de la Roja pourrait paraître spectaculaire et que Busquets serait considéré comme l’artiste de l’équipe s’il était né à Salonique plutôt qu’à Sabadell. Non clairement, on va se faire chier avec cette équipe. Et vu les adversaires qu’elle affrontera au 1er tour, il y a fort à parier que les plages de libres pour les câlins en couple à la maison auront lieu les 14, 19 et 24 juin
10) Bon d’accord, mais sinon ?
Un fameux proverbe de la Grèce Antique dit que «personne n’a de chance tous les jours», donc a priori la Grèce ne devrait pas s’éterniser au Brésil. Mais en même temps, un autre proverbe dit que «l’espérance est le songe d’un homme éveillé» et donc que tous les espoirs restent permis. Et comme un troisième proverbe dit qu’«il n’y a pas de place pour deux pieds dans la même chaussure», elle écrasera tous ses adversaire et triomphera au Brésil en 2014, tels ses illustres descendants à Marathon en 490 av. JC ou à Lisbonne en 2004.

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8 Commentaires

  1. Au niveau des champions d’Europe improbables, les Danois en sandales de 1992 font assez fort aussi. Autrement bel article

  2. Jouissif : l’un des meilleurs.

    J’imagine les pauvres grecs galérant en haute mer pour rejoindre Madère 🙂

    Pour mémoire, l’UE compte 28 pays (depuis l’adhésion de la Croatie).

  3. super poilant, merci!.

    Juste une remarque.. les Grecques de Marathon en 490 av. jc, ce sont les descendants des joueur du mondial 2014 ?

  4. Je croyais que c’était à Olympie qu’on devait les jeux, et non pas à la belle poire ??

    Pas facile de rester sérieux au taf en lisant cet article bien poilant !

    Sinon, tu as raté une blague sur leur compte : comment tu veux t’enthousiasmer pour une équipe dont les supporters braillent tout le temps Hellas ??

  5. La qualité de cet article est inversément proportionnelle à mon intérêt pour l’équipe de Grèce. J’ai donc failli ne pas le lire, c’eût été dommage. Bravo !

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