Decima à La Luz

Je m’étais juré que jamais je n’assisterai à une finale de Ligue du Pognon à moins qu’une de mes équipes fétiches ne s’y invite. Etant supporter du LS, de Bastia, de Crystal Palace et du HSV, ce n’était pas gagné d’avance ! Pourtant, comme seuls les cons ne changent pas d’avis, j’ai finalement accepté le cadeau fait par un de mes clients (390 euros le billet quand même) et me suis décidé à assister au millésime 2014 de ce grand raout du football business que je me plains à conchier !

Honte à moi diront les puristes. A ceux là, je rétorquerai que j’avais bien besoin de football de haut niveau après une saison particulièrement pénible qui aura vu le LS se faire pitoyablement reléguer, le HSV friser le code au terme d’une saison misérable eu égard au standing du club, les Eagles s’en sortir miraculeusement au terme d’un second tour inexpliqué et un Sporting voir ses cadres les plus influents quitter un navire déjà très fragile.Encore fallait-il arriver à Lisbonne. Ce qui fut loin d’être simple. Déjà, à l’agonie financièrement parlant, le peuple lisboète a rapidement compris qu’il y avait moyen de se faire un saladier en pratiquant des prix absolument usuriers pour une offre hôtelière pourtant en deçà des normes pratiquées dans les pays phares du continent. 2’000 euros la chambre double pour une nuit en 3 étoiles et 6’500 euros pour le 5, ça la fout mal. Même si on est prêt à accepter une certaine majoration compte tenu de l’événement et compte tenu de ma réservation tardive. Heureusement, l’élimination en demi-finale du Bayern et de Chelsea provoqua une baisse du cours moyen de l’arnaque et on s’en est finalement sorti à 500 euros la double en 4 étoiles.

Une fois la question du logement réglée, restait celle du transport aérien. Si la progressivité des tarifs d’Easyjet selon la date de réservation n’est pas à remettre en cause compte tenu d’une pratique courante depuis sa création et, finalement, entrée dans les mœurs, l’absence de sérieux et l’incompétence du personnel de la compagnie sont à déplorer. Avec 4h30 de retard sur l’horaire prévu avec comme simple explication une maintenance sur l’appareil (en réalité sans doute une rotation supplémentaire afin de maximiser les sources de revenus) et un voucher de 15 CHF en guise de consolation (non valable sur les boissons alcoolisées soit dit en passant), le géant orange s’est clairement foutu de la gueule du monde. Juste pas assez de retard toutefois pour nous faire rater le match et ainsi avoir à rembourser billets d’avion, hôtels et billets de match à tous les passagers. Comme par hasard diront les mauvaises langues (et les bonnes aussi…). Heureusement, un joli coup tactique pour profiter de la Lounge de Swiss fera passer plus rapidement l’attente à Cointrin.
Arrivés donc quelques heures tout de même avant le début de la rencontre, c’est au bar de l’hôtel, faute de temps pour se balader en ville, qu’on prépare le match. 2-3 Sagres avec des Suédois tristes de ne pas avoir Zlatan et le PSG en finale. Ils n’oublient pas de nous rappeler qu’ils nous ont battus en finale de hockey aux Mondiaux 2013. Je leur demande à tout hasard dans quelle ville brésilienne l’équipe suédoise sera stationnée pendant la Coupe du Monde et ils nous offrent une tournée ! On apprend aussi grâce à eux que le HV 71 est l’équipe à supporter en SHL et que Frölunda sont des branleurs. On acquiesce bien volontiers et on les informe que le LHC est l’équipe à supporter en Suisse, qu’en plus ils ont un joueur suédois et que les branleurs sont plutôt du côté de Genève, Fribourg ou Bienne. Sur ce, on leur paye aussi une tournée avant de filer vers l’Estadio da Luz.
Arrivés environ une heure avant devant ce magnifique stade grâce à un chauffeur de taxi particulièrement démerde, on dégote par chance un vendeur de Sagres à la sauvette afin de contourner l’aberrante règle prohibant l’alcool dans les stades et aux abords de ceux-ci lors des rencontres organisées par l’UEFA (sauf dans les salons VIP bien entendu). Des milliers de supporters sans billet, majoritairement aux couleurs des Colchoneros, chantent dans les rues adjacentes et croisent des supporters du Real sans aucune animosité.

Après un contrôle des billets et une fouille aussi rapides qu’efficaces, on prend possession de nos places fort bien situées au 10ème rang, sur la ligne des seize mètres. Si la cérémonie d’ouverture n’apporta pas grand-chose à la soirée, les tifos réalisés par les deux virages à l’entrée des joueurs furent magnifiques, surtout du côté de l’Atletico. Les choses sérieuses pouvaient alors commencer.
Après le traditionnel round d’observation de début de match marqué uniquement par le gag qu’a constitué la titularisation de Diego Costa avant qu’il ne doive céder sa place après moins de 10 minutes de jeu (probablement que le placenta de poulain serbe devait être en fait qu’un placenta de biquette), les Colchoneros se montrent progressivement plus entreprenants que des Merengue attentistes. On peut louer l’efficacité du style de la formation de Diego Simeone (j’avais personnellement été assez impressionné par leurs quarts de finale contre le Barça) mais force est d’avouer que c’est quand même un peu un style de bourrins et que ça manque sérieusement d’imagination et de folie. Les joueurs de l’Atletico vont finalement ouvrir la marque à la 36ème minute sur une bourde monumentale de San Iker quelques minutes après que j’aie annoncé à mon collègue que je ne le trouvais pas dans son match et qu’il dévissait quasiment tous ses dégagements au pied. Souvent à l’extrême limite de la régularité, les rouges et blancs, portés par un fantastique public, tiendront bon jusqu’à la mi-temps sans même que leur gardien Thibaut Courtois n’ait à effectuer un seul véritable arrêt.
De retour des vestiaires, les joueurs du Real semblent toutefois animés de meilleures intentions et le siège du camp des Colchoneros pouvait alors commencer. D’abord de manière brouillonne et désordonnée, à l’image d’un Cristiano Ronaldo ou d’un Gareth Bale peu inspirés pour aller finalement crescendo sous l’impulsion de Di Maria, surtout, et de Marcelo (entré à l’heure de jeu en lieu et place d’un Khedira transparent). En face, pourtant, avec bravoure et engagement, la défense de l’Atletico (soit 11 joueurs) tient bon et le Real commence à perdre patience face à une équipe pourtant au bout du rouleau avec de nombreux joueurs perclus de crampes. Et c’est finalement au moment où plus grand monde n’y croyait, à la 93ème minute, que Sergio Ramos, comme à deux reprises à Munich en demis, venait placer un coup de tête imparable et délivrer le peuple Merengue juste devant nous. Une ambiance indescriptible s’empare alors du virage dévolu aux supporters du Real (vers lequel on se trouvait) alors qu’une chape de plomb s’abattait dans l’autre. 1 à 1. Balle au centre et place aux prolongations.

Si la première période de 15 minutes n’allait rien donner si ce n’est fatiguer encore un peu plus les joueurs de Carlo Ancelotti, la seconde allait offrir aux 60’000 spectateurs ce lot d’émotion qui font que même si vous en avez rien à battre du résultat voire même du foot en général, cela vous met dans un état second ou, comme dirait Marc Rosset, vous fout une trique d’enfer. Par Bale de la tête d’abord suite à un déboulé d’anthologie de Di Maria, par Marcelo ensuite face à un Courtois malheureux en l’occasion puis par CR7 enfin, sur un penalty imaginaire offert au Portugais pour soigner ses statistiques et exposer à la terre entière ses pectoraux dont on se fout royalement, le Real a fini par faire exploser le verrou de l’Atletico. Le virage Merengue était en liesse alors que son vis-à-vis était inconsolable tant il avait l’impression unanime d’être passé si près du Graal. La frustration s’emparait des joueurs et du staff de l’Atletico, lassé également de la provocation de certains éléments du Real dont l’arrogance succédait subitement à la nervosité à l’image d’un Zidane provocateur et insupportable. Simeone s’emportait pour s’embrouiller avec Varanne et finissait même expulsé alors que la quasi intégralité des deux staffs techniques étaient sur le terrain alors qu’ils n’avaient strictement rien à y faire. Seul Carlo Ancelotti gardait un calme exceptionnel et savourait en silence l’exploit réalisé par ses protégés. Un grand Monsieur au milieu d’une foule de blaireaux à l’égo surdimensionné.
Alors que la moitié du stade fêtait la remise de la Coupe par Michel «le peuple brésilien allez vous faire foutre avec vos problèmes sociaux» Platini, les supporters des Colchoneros sortaient la tête basse noyer leur défaite cruelle à coup de Sagres et de Superbock. Leur emboîtant le pas, on se remit de nos émotions dans un bar populaire du Chiado, à grands renforts de Gin Tonic et au milieu de supporters du Real, de l’Atletico, du Bayern ou d’autres, dans un esprit festif bien que largement alcoolisé pour se terminer au petit matin dans un état sur lequel on évitera d’épiloguer.

Real Madrid – Atletico Madrid 4-1 a.p. (0-1)

Estadio da Luz, 60’976 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Kuipers.
Buts : 36e Godin 0-1, 93e Ramos 1-1, 110e Bale 2-1, 118e Marcelo 3-1, 120e Ronaldo (pen) 4-1.
Real Madrid : Casillas ; Carvajal, Varane, Ramos, Coentrao (59e Marcelo) ; Modric, Khedira (59e Isco), Di Maria ; Bale, Benzema (79e Morata), Ronaldo.
Atletico Madrid : Courtois ; Juanfran, Miranda, Godin, Filipe Luis (83e Alderweireld) ; Raul Garcia (66e Sosa), Gabi, Tiago, Koke ; Costa (9e Adrian), Villa.
Cartons jaunes : Ramos (27e), Garcia (27e), Khedira (45e+1), Miranda (53e), Villa (72e), Juanfran (74e), Koke (86e), Gabi (100e), Marcelo (118e), Godin (120e), Ronaldo (121e), Varane (123e).

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2 Commentaires

  1. Joli périple, très bien narré! Perso l’affiche de cette finale m’intéressait autant que l’issue de la finale de « Top cuistot » mais j’ai bien aimé lire le papier.

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