Racisme : le Malky vous ronge ?

La Premier League lancée, un premier scandale est déjà venu faire oublier le début de saison ridicule de ManU ou le bizarre transfert de Balotelli chez les Reds. D’habitude, on pouvait compter sur la colonie étrangère (Suarez, Osvaldo, Evra) pour effrayer la chronique footballistique en ne respectant pas le très pudique fair-play inventé apparemment par les Anglais (il faut que je vérifie, en fait). Mais là, ô shocking, voilà t’y pas que c’est le très «respectable» Malky Mackay, futur ex-grand coach de sa Majesté, qui s’est oublié en utilisant son natel pour sulfater le vieillissant slogan «Touche pas mon pote». Quand la bêtise rencontre la méchanceté.

De la friture sur les textos

Comme souvent en Angleterre, le scandale arrive à cause d’un Tony. Pas le Blair en l’occurrence mais Tony Pulis. Ce dernier décida, malgré une probante réussite la saison dernière, de jeter loin l’éponge du Crystal Palace et ce, une semaine avant le début des ébats footballistiques. Ce très enviable job de coach du club sud-londonien attira immédiatement l’attention de candidats allant du très bon (Alex McLeish) au très moyen (David Moyes) en passant par des seconds couteaux défripés (Sherwood et Mackay).

Peut-être pistonné par le Jean-Marie Fournier local (ndlr: Iain Moody, son ex-directeur sportif à Cardiff), Mackay émergea comme le favori des bookmakers pour reprendre les zébrés aux couleurs des panneaux «interdiction de stationner». Toutefois, ces manigances entre potes ne comptèrent pas sur l’esprit de vengeance de Vincent Tan, l’ex-patron de Mackay, propriétaire à ses heures vraiment perdues du club gallois de Cardiff City. D’après le Thaï Tan, ce nigaud de Malky se serait laissé aller à l’écriture de quelques textos, juste pour «dégager la moindre la vapeur» (dixit) qui montait en lui lorsque la pression d’entraîneur était trop forte. Logique quoi.
 
Y’avait-il de quoi fouetter un chat, ou plutôt un chien en l’occurrence? Une petite dissection des soi-disant missives de Mackay s’impose, en se basant exclusivement sur les révélations du très réfléchi Daily Mail. (ndlr: traduction assurée par la société «Fendant on the Rock» basée à Evolène).
«Fkn chinkys. Fk it. There’s enough dogs in Cardiff for us all to go around»
«Bon sang de Chintoks. Bon sang. Y’a passablement de clebs à Cardiff pour faire le tour, ou bien !» (SMS au sujet de l’arrivée de l’international Sud-Coréen Kim Bo-Kyung)
«Go on, fat Phil. Nothing like a Jew that sees money slipping through his fingers»
«Vas-y fonce en-ça, mon p’tit gros de Phil. Rien de mieux qu’un Israélien qui voit du blé glisser entre ses doigts» (SMS au sujet de l’agent de joueur Phil Smith)
«He’s a snake, a gay snake. Not to be trusted»
«Lui, c’est une vipère, une vipère homo. J’lui prêterais pas les clés de la Jeep» (SMS au sujet d’un directeur d’un club adverse)
«Not many white faces amongst that lot but worth considering»
«Y’a beaucoup de machurés sur cette liste, mais ça vaut le détour du coup d’œil» (SMS au sujet d’une liste de joueurs transférables)
«I hope she’s looking after your needs. I bet you’d love a bounce on her falsies»
«J’espère que la petiote s’occupe bien de tes envies. J’parie que t’aimerais bien rebondir sur ses protubérances chirurgicalement retouchées» (SMS au sujet d’une agente de joueurs)
«A picture entitled Black Monopoly (where every square was a "Go to Jail" square»
«Une photo intitulée le Monopoly Noir où toutes les cases sont marquées "en route pour Crêtelongue"» (Photo envoyée par SMS à certains collègues de Cardiff City)
Les non-disciples de Julian Assange pourront toujours arguer des intentions de Vincent Tan et de son devoir de délation auprès de la vénérable FA anglaise (Football Association). Vengeance personnelle? Chasse à la sorcière (mais où sont passés les 12 millions de livres sterling de l’enveloppe de transfert de Cardiff City remise à Mackay)? Paiements occultes entre Moody et Mackay ? A ce stade, les raisons du jaillissement de cette affaire sur la place publique restent aussi floues que les déclarations d’impôts à Dominique Giroud. A vous de supputer.
Par contre, au pays où les gouvernements successifs donnent une grande priorité à  l’intégration des minorités ethniques et où la très efficace association Kick It Out effectue un travail de dingue pour la promotion de l’égalité dans le football, les propos primitifs de Mackay n’allaient pas, à juste titre, rester sans conséquences. Politiciens de tout bord et autres associations se chargèrent de partir à la charge mais c’était sans compter l’intervention à contre-pied de la LMA (l’Association des Managers de la Ligue) qui décida de sortir la pompe à mazout pour venir éteindre l’incendie.

Angleterre peu badine

Ainsi donc, la LMA (sorte de syndicat inutile pour les riches et stressés coachs anglais) décida d’apporter fort maladroitement son secours à l’ex-coach de Cardiff grâce à un communiqué de presse écrit par le cousin germain de Frank Ribéry.  Dans ce dernier, la ridicule LMA admit du bout des lèvres que quelques passages des textos de Mackay étaient irrespectueux envers certaines ethnies, mais qu’après tout, ces échanges devaient être considérés comme du simple badinage entre amis. Pour justifier l’injustifiable, le grotesque syndicat osa également affirmer que sur 10’000 textes échangés, il fallait peut-être s’attendre à ce que certains SMS puissent contenir des commentaires inappropriés, comme tout un chacun.

A lire de telles âneries, on pourrait sans doute en conclure que les conseillers en communication de la LMA sont les mêmes que ceux qui s’occupent régulièrement de Justin Bieber ou du nudiste de Baden. Car oser parler de badinage lorsqu’une «personnalité» publique telle que Mackay réussit l’exploit dans l’exercice de ses fonctions d’être à la fois homophobe, raciste et antisémite, c’est un peu confondre Lamartine avec Rabelais, Federer avec Fognini, ou pour rester foot, von Bergen avec Rüfli.

Kafka défie Desproges

S’entêtant à emprunter une trajectoire aussi erratique qu’un vol de la Malaysian Airlines, la burlesque LMA finit par se décrédibiliser, pas plus tard que le lendemain de son premier communiqué. Sous la pression d’une flopée d’associations anglaises combattant toute forme de discrimination, ce syndicat inutile nous délecta d’un nouveau communiqué officiel non plus pour excuser Makay mais pour s’excuser de son choix malheureux de mots qui «auraient pu être perçus comme tentant de banaliser des propos racistes».
En d’autres termes, on tombe ici dans la décrédibilisante «excuse de l’excuse» qui catalogue sans conteste ses auteurs dans la catégorie des sombres inutiles. A force de se contorsionner pour sauver le bifteck de Mackay, la LMA aurait mieux fait de réfléchir à ce passage de Desproges: «Mieux vaut fermer sa gueule et passer pour un con que de l’ouvrir et ne laisser aucun doute à ce sujet».

Kick it out… vraiment ?

Décidément après les caresses verbales de John Terry sur Anton Ferdinand puis celles du cannibale de Montevideo sur le «Negrito» de la Juve, on comprend mieux pourquoi Kick It Out a récemment déclaré que le football anglais était continuellement balafré par le racisme et l’homophobie. Ces courants de pensée continuent malheureusement d’exister dans certaines travées de la société anglaise, alors peut-on vraiment s’étonner que ce purin verbal vienne se déverser allègrement sur les pelouses britanniques?
Mais que Mackay et sa clique se rassurent, ni la Football League, ni la FA ne sont prêtes à sorti l’artillerie lourde pour effacer ces comportements moyenâgeux. Alors, avec ce blanc-seing officiel, on se navre déjà des prochains épisodes de racisme impunis qui viendront confirmer que les responsables du foot anglais sont tout aussi véreux que les politiciens de Westminster. We are doomed.