Champions Hockey League : je t’aime… Moy non plus.

A Lausanne, on vit pour les défis. Jouer en Biélorussie, en Finlande, en Moravie-Silésie, en Bohème et même à Yverdon, c’est pour les faibles. Cette fois, on se frotte à Luleå, ville la plus nordique du championnat de Suède et vainqueur de la toute première Champions Hockey League, cette compétition ancestrale qui enchante les foules depuis la saison 2014/2015. Comme vous le savez certainement si vous lisez nos papiers au-delà de l’accroche publiée sur les réseaux sociaux (donc probablement pas), la CHL on a-do-re. On ne boude donc pas notre plaisir de s’asseoir dans une tribune de presse plus que bondée à la Vaudoise aréna (elle aussi pleine comme un-e élu-e UDC un soir de concours hippique) pour vous conter les exploits européens du club le moins titré et le plus ambitieux de Suisse.

Même si le site web de la Champions Hockey League s’était mué en TripAdvisor pour l’occasion, en centralisant les recommandations des internautes locaux pour chaque destination en termes de logements et d’animations, on avoue ne pas avoir été tenté par la perspective de se trouver aussi proche du cercle polaire à la mi-décembre. C’est donc au match aller disputé dans une patinoire surchauffée par la ferveur de tout un canton que nous avons préféré nous rendre. Après la douche froide essuyée par les ultras genevois au débarcadère de Morges il y a 10 jours, on imagine que les nombreux fans suédois ayant fait le déplacement avaient fait bien attention de parcourir les 2878 km qui séparent la cité du Norrbotten de Prilly en car, histoire de ne pas se voir refuser l’accès aux installations locales. Dommage, un drakkar intercepté par la police lémanique, ça aurait quand même eu de la gueule. En guise de figures de proue, malgré l’absence de leur capitaine Erik Gustafsson (ex-Kloten, à ne pas confondre avec son homonyme des Chicago Blackhawks), les Scandinaves pouvaient d’ailleurs compter sur celui qui était naguère une valeur sûre du jeu hockeymanager Daniel Sondell (ex-Zoug) et l’ancien Bioulois Niklas Olausson. On regrettera simplement que le jeune Radek Muzik, retenu avec les M20 de son club, ne vienne pas rythmer la soirée de DJ et ses danseurs.

Vraiment aucune raison de voyager en avion de nos jours. Seulement 8 changements de train entre Luleå et Malley.

Autant vous dire qu’on piaffait d’impatience. Un week-end de hockey manqué pour cause de vacances londoniennes et on ratait le premier slapshot de Jonas Junland depuis 2002 (face à Langnau vendredi), ainsi qu’une baston qui justifiera à elle-seule le 13ème salaire de Tim Traber (contre Fribourg samedi). Jean-Fréd, si tu nous lis, on commence à comprendre toute l’étendue de ta détresse. Détresse irrémédiablement décuplée à la lecture du 24 Heures lundi soir dans les colonnes duquel on demandait à la plus vaudoise des diseuses de bonne aventure nordiques, la Madame Irma de Linköping, de lire son avenir. Ce dernier ne semblant pas lié à celui du LHC, c’est toute la rédaction de Carton-Rouge qui se cherche un nouveau bouc émissaire après la retraite de Jean-François Develey, la mise au placard de Pierre-Alain Dupuis et donc le départ imminent du Flash Gordon des îles scandinaves.

Carton-Rouge: « Nous non plus. »

On parlait du transit entre la banquise suédoise et les rives du Léman et leur climat avantageux (2°C à l’extérieur, à peu près 35 à l’intérieur du stade de glace prilléran) tout à l’heure. C’est l’occasion de vous dire qu’une version blafarde de Ville Peltonen était de retour de son congé gastro pour cette rencontre de prestige avant laquelle il avait probablement répété à ses ouailles les schémas de jeu à appliquer ad nauseam. A l’heure où la NHL est secouée par les débuts d’un mouvement que l’on pourrait baptiser #BalanceTonCoach dans la langue de Roch Voisine, on espère qu’il y a mis les formes. Une chose est sûre, on avait en tout cas mis les petits plats dans les grands du côté des hôtes de la rencontre du soir. Florian Vuichard, le gardien des Juniors Elite qu’on n’appelle qu’au dernier moment en cas de blessure de Luca Boltshauser à l’échauffement ou d’accouchement imminent dans la famille Stephan avait été dépêché moins de 3 heures avant la partie (ben oui, les citrons n’allaient pas se couper tout seuls). Sans compter la présence de la légende immortelle Tim Traber en troisième ligne (!) pour l’occasion. Raison de plus pour trouver un adjoint au proverbial préposé à l’ouverture de la porte du banc local.

LE power play vaudois de la soirée.

En résumé, il y avait franchement de quoi se lécher les babines. Ouais, enfin on dira ça à tous ceux qui étaient restés chez eux à savourer l’imposture ayant eu lieu le soir précédant le duel qui nous occupe et qui tient lieu de couronnement du meilleur footballeur de l’année. Pardon, de meilleur attaquant de l’année. A choisir dans une liste interminable de deux noms. Sans se douter que Luleå Hockey (oui oui, c’est leur nom, même pas un animal de compagnie quelconque sur leur logo), c’est facilement l’équivalent hockeyistique de certaines grosses cylindrées européennes que les chaînes de télévision du monde entier s’arracheraient si on remplaçait le puck par un ballon rond et les charges par des plongeons.

– Tu veux tirer? – Non. – Moy non plus. (Oui, on recycle sauvagement le jeu de mots du titre, à 23h13 ils ont clairement coupé le chauffage dans la patinoire et on aimerait se barrer)

Après un tiers, on avait tendance à penser que ces ignares avaient eu raison de rester dans leurs pénates. A part le très cérébral Isac Brännström, un tant soit peu dangereux devant la cage de Boltshauser à la 14ème minute, et une bonne vieille obstruction des familles de Junland déclenchant une mini avalanche de pénalités de part et d’autre, pas grand chose à signaler si ce n’est peut-être une domination territoriale des visiteurs sans avoir trop l’air d’y toucher. Joel Lassinantti, le cerbère des jaune et noir, avait à peine besoin d’émerger de sa sieste pour retenir le penalty de Tyler Moy en ouverture de deuxième période, tiré avec la conviction d’un athée perdu dans une église orthodoxe. Les coéquipiers de Joël Vermin perdant de plus en plus pied, c’est le plus logiquement du monde que Robin Kovacs pouvait profiter d’un énième power play concédé par les Lions pour ajuster la lucarne d’un Boltshauser par ailleurs impeccable (32ème, 0-1). On se disait alors que le Morotskaka était cuit. C’était bien sûr compter sans le Chevalier Noir, le héros que Prilly mérite, celui qui évolue en marge des règles de bienséance et des standards de patinage à ce niveau, Tim “Sucker Punch” Traber. Notre icône intercommunale, n’écoutant que son courage, provoquait la première (et la seule) supériorité numérique de ses couleurs et par extension une égalisation des plus improbables de Josh Jooris (40ème) qui remettait soudain tout en question.

Trois joueurs pour chaque fan présent, le luxe à la suédoise.

Vous y avez cru ? Le Lausanne HC non plus, en tout cas pas longtemps. Kovacs, encore lui, réglait l’affaire d’entrée de troisième période (1-2, 42ème). Un coup d’oeil aux statistiques avancées (vous savez, ce truc hyper utile que notre chère National League refuse de fournir et auquel on a droit à chaque rencontre européenne cette saison) disponibles sur le site de la CHL suffit à confirmer l’impression visuelle. A Carton-Rouge on n’aime pas suivre les tendances sociales, mais sur ce coup on est obligé de faire comme tout le monde (ou presque) et de vous conseiller d’aller y jeter un œil pour vous faire une idée. Bref, ce score étriqué est le tarif minimum pour une formation vaudoise immédiatement prise à la gorge par un forechecking aussi haut que le verbe du rédac’ chef à chaque tentative d’irruption dans la zone défensive adverse et une vitesse d’exécution à faire passer le patinage de Christoph Bertschy pour celui d’un vétéran après les fêtes de fin d’année. On se réjouit déjà du match retour dans l’antre d’une équipe qui reste sur 13 victoires à domicile en 15 matches pour un total famélique de 18 buts encaissés. Le club nous pardonnera si on se fait une soirée pantoufles-plateau télé bien au chaud dans notre Pays de Vaud natal mardi prochain. Le tout sur un air bien connu de Serge Gainsbourg.

A propos Raphaël Iberg 174 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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4 Commentaires

  1. Un des meilleures articles du gars Iberg. Débarrassé de de de de la répétition de tournures métaphoriques qui rebutent le lecteur genevois Moy(en), il en(boîte de)conserve néanmoins ce qui fait le sel de ses articles, à savoir les jeux de mots sur les noms de joueurs adverses. Et même si on en attendait une avec Connolly, il était sûrement déjà l’heure d’aller se coucher quand l’article a été publié, donc tout est pardonné. Belle réussite!

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