Beach please !

Voir une Nati en quarts de finale d’une Coupe du Monde et avec des joueurs n’ayant pas un melon supérieur à la taille de l’escroquerie qu’est le Ballon d’Or, c’est possible ! Pour cela, il suffit de se tourner vers le Beach Soccer, pendant sur sable de l’unique sport au monde selon Yves Martin, dont le Mondial se déroulait du 21 novembre au 1er décembre dernier.

Bitch Saucoeur ? Kécécé ?

Ce sport, traduit de manière totalement ridicule en « football de plage » en français (nom qui évoque davantage deux retraités, rôtis par le soleil et par le pastis qu’ils ont en main, se passant négligemment un ballon gonflable Bob l’éponge sur la plage du camping de Palavas-les-Flots qu’un sport spectaculaire et géré par la toute puissante FIFA depuis quelques années), n’est plus vraiment une discipline mineure même si elle reste peu médiatisée dans nos contrées. Point d’orgue de ce sport, la Coupe du Monde a lieu tous les deux ans et elle se déroulait cette année au Paraguay.

La plus-value du Beach soccer ? Un sacré spectacle ! Un match se décompose en trois tiers-temps de 12 minutes, avec le chrono arrêté lors des – certes fréquents – arrêts de jeu. Etant donné l’aspect physique de courir dans du sable dans une attaque-défense endiablée, les changements sont volants, tant pour les quatre joueurs de champ que, plus rarement, pour le gardien. Et bien sûr, le sable a un rôle crucial. Puisqu’il est compliqué de maîtriser une balle sur un tel revêtement, qui n’est jamais lissé, les joueurs jouent… en l’air ! De quoi inspirer peut-être certaines équipes de Super League lorsque l’on voit l’état des pelouses. De ce fait, une part importante des nombreux buts en Beach soccer sont marqués en reprise de volée ou en retourné acrobatique, le tout bien souvent à la suite de passes sans contrôles en volée également. Du grand art !

Attention ! Malgré la ressemblance frappante, il ne s’agit pas de la pelouse et des tribunes du Stade de Genève lors de Suisse – Irlande

Le sport est globalement dominé par les Brésiliens, vainqueurs de 14 Coupes du Monde (sur les 20 disputées !), mais ces derniers ont récemment vu leur domination être mise à mal par les Portugais et les Russes (oui, oui), vainqueurs désormais respectivement de trois et deux trophées mondiaux. La France a également un titre, mais cela date de la période où Eric Cantona était sélectionneur (je vous le promets, c’est vrai), au début des années 2000. Depuis une dizaine d’années, les Bleus ont disparu des radars de ce sport, convoquant d’anciennes « gloires » (avec plusieurs guillemets) du foot comme Mickaël Pagis pour faire le nombre. Un peu comme si la Suisse comptait Lionel Pizzinat dans ses rangs.

Bon ok, et la Suisse dans tout ça ?

Assez étonnement au vu du nombre astronomique de plages dans notre beau pays et de l’incontournable accès à la mer propice au développement de ce sport, la Suisse compte vraiment en Beach Soccer ! Championne d’Europe en 2005 et 2012, vice-championne du Monde en 2009, la Nati est coachée par Angelo Schirinzi, véritable légende de ce sport tant en Suisse qu’à Tahiti, équipe qu’il a également amené au top niveau ces dernières années (vice-championne du monde 2015 et 2017 quand même). Elle compte notamment dans ses rangs un certain Dejan Stankovic (rien à voir avec l’ancien joueur de l’Inter Milan), considéré comme l’un des meilleurs beach footballeurs de l’histoire, meilleur joueur du Mondial 2009 et des Euros 2007 et 2011 et multiple meilleur buteur de nombreuses compétitions, qui a trouvé le moyen de scorer pas moins de sept buts en quatre matches malgré ses 34 ans lors de cette édition. Mais la nouvelle star helvétique se nomme Noel Ott, 25 ans, également auteur de sept réalisations au Paraguay, vu par beaucoup comme l’un des meilleurs joueurs du monde actuellement et présent absolument partout sur le terrain. On peut donc dire que Noel ne fait pas de cadeau à ses adversaires et que ceux-ci ont les boules avant de l’affronter.

Plus généralement, la Nati s’articule autour d’une colonne vertébrale très expérimentée avec notamment Stankovic, mais aussi Sandro Spaccarotella (37 ans), le capitaine Moritz Jaeggy (36 ans) ainsi que son frère Valentin (33), qui ont tous deux pris leur retraite à l’issue du tournoi après respectivement 351 et 319 sélections ! Lichtsteiner peut se rhabiller. Ces cadres vieillissants sont entourés par une talentueuse nouvelle génération qui annonce un bel avenir pour cette équipe, composée notamment d’Ott bien sûr, mais également du gardien Eliott Mounoud (24 ans), de Jan Ostgen, de Tobias Steinemann ou de Glenn Hodel, tous trois 23 ans.

Le vieux Jaeggy a de beaux restes

Sympa. Et du coup le parcours suisse ? (promis, j’arrête bientôt de me parler à moi-même)

La Suisse, huitième nation mondiale avant ce tournoi (basé sur un classement FIFA aussi foireux que celui du foot, la Suisse vaut probablement un ou deux rangs de mieux dans la réalité, mais je vais quand même utiliser ledit classement par souci de clarté) est tombée dans le groupe du pays organisateur, le Paraguay (7ème mondial) avec également le Japon (9ème) et les Etats-Unis (18ème). Un groupe homogène mais à la portée des boys de Schirinzi.

Lors du premier match, comme un clin d’œil à l’histoire, la Nati affronte les Américains et emporte la mise 8 à 6 (c’est mieux que 1-1). La Suisse fait la course en tête tout au long de la rencontre mais se fait quelques frayeurs. En effet, les faibles Etats-Unis ne marquent pas moins de trois penalties, autant dus à l’indiscipline helvétique qu’à la complaisance du corps arbitral avec les joueurs étoilés. De plus, le portier Mounoud, après s’être offert un goal d’anthologie, s’inflige le but gag de ce début de tournoi avec une belle boulette. Ajoutez à cela un but de la main (eh oui, pas de VAR en Beach) et une sublime bicyclette et vous aurez les six buts Américains. Heureusement, de l’autre côté, Ott avec trois buts plein de malice, Stankovic avec deux réalisations de grande classe, Mounoud donc avec sa cacahuète en pleine lucarne, Borer avec une pistache au même endroit et Hodel avec un pur chef d’œuvre assurent le succès Suisse. Le récital offensif des suisses est à retrouver ici, pour la fiabilité défensive on repassera.

Coach Schirinzi est satisfait de ses troupes pour leur premier match

Le second match se joue contre le pays organisateur, qui a perdu d’entrée face au Japon et est dans l’obligation de gagner sous peine d’être déjà éliminé de son propre tournoi, telle une nation qu’on ne nommera pas lors de l’Euro 2008. Dans une ambiance pour une fois survoltée (le public n’ayant pas vraiment répondu présent pour les autres matches), la Suisse prend rapidement l’avantage par un retourné acrobatique d’Ostgen avant d’être rejointe un peu chanceusement sur un but du gardien Paraguayen. La Nati commence alors à dérouler, marquant sur une frappe déviée de Ott, sur un penalty de Hodel puis une belle bicyclette de l’inévitable Stankovic. Les hôtes reviennent à 4-2 grâce un magnifique but puis, perdant toujours de deux buts à quelques minutes du terme, activent leur carte magique « pays organisateur » pour rappeler à tout le monde que le Beach soccer est bel et bien gouverné par la FIFA. Ils marquent alors en l’espace de quelques minutes un penalty (oui, il y en a pas mal dans ce sport) puis un but fantôme où, même une semaine après, je ne vois toujours pas le ballon franchir la ligne. La Suisse persiste et marque le 5-4 par Mo Jaeggy en toute fin de match. Mais le Paraguay bénéficie d’un coup franc direct (quasiment synonyme de pénalty puisqu’il n’y a pas de mur) pour égaliser. Le stade est en délire, la Nati n’y croit pas, et moi regardant le match à 2h du mat’ en rentrant de soirée je manque de balancer mon assiette de pâtes réchauffées sur les images retransmises uniquement par la SRF. Prolongations donc, un match ne pouvant se terminer par un score nul dans ce sport. Et le chassé-croisé continue, avec un nouveau but de Stankovic, sur coup franc pour une faute de dernier recours du gardien Paraguayen qui lui vaudra un carton rouge. Le coach des Sud-américains connaîtra le même sort après avoir fait une Fatih Terim suite à ce fait de jeu. Mais le Paraguay égalise encore sur une énorme erreur de marquage de la défense helvétique, avant que les joueurs de Schirinzi ne l’emportent grâce à Stankovic sur penalty. La Suisse gagne 7-6 au bout du suspense et verra les quarts !

Le dernier match de poule a donc pour seul enjeu la première place, face aux Japonais, la relative surprise de ce groupe. Cependant, la Nati semble se contenter de sa qualification et déjoue totalement, face pourtant à un adversaire loin d’être impressionnant. La performance est indigne, indigeste, indigente mais ma foi indissociable de certains matchs de Coupe du Monde. La Suisse commet de grosses erreurs en défense et manque de réussite en attaque, à cause notamment de l’improbable gardien nippon qui évolue… sans gants ! Les Japonais jouent bien le coup, pour le plus grand plaisir de leur coach à la dégaine exceptionnelle, mélange assez dingue entre Carles Puyol et le clodo du coin, le tout n’étant pas loin du Guérissologue dans RRRrrrr. La Suisse ne marque que sur balles arrêtées, sur coup franc par Ott et Stankovic puis sur penalty par le même Stankovic, pour s’incliner 5-3.

Osez me dire qu’il n’y a pas un petit air !

La Nati perd donc l’occasion de finir première et de jouer contre l’Uruguay (14ème mondial) pour se retrouver face à la puissante Italie, numéro 3 au classement et impressionnante depuis le début du tournoi. Dans ce match où la Suisse ne part clairement pas favorite, elle prend quand même les devants pour mener 3-1 suite à deux belles volées de Ott et un retourné d’anthologie de Jaeggy. Mais la Squadra, Bianca pour le coup, revient à la marque et égalise en troisième période, pour prendre même les devants peu après sur un beau but italien. Cependant, sur le coup d’envoi consécutif à ce but, Borer égalise à nouveau et la Suisse croit à l’exploit ! On se dirige vers des prolongations quand, sur une relance rapide, l’Italie trouve la faille une cinquième fois alors que le chrono indique qu’il reste… un dixième de seconde à jouer. La Suisse est crucifiée, la défaite est, comme le dirait Petkovic, encourageante et honorable, mais est éliminée alors que l’exploit était proche. Finalement, l’histoire se répète un peu…

Pour la petite histoire, l’Italie se hissera jusqu’en finale après avoir battu les favoris russes en demies, eux qui avaient éliminé le champion sortant brésilien en quarts. Cependant le Portugal sera le plus fort en finale et ira chercher son troisième titre mondial.

Si cette Coupe du Monde est restée plutôt inaperçue en Romandie, c’est bien dommage. Ce sport est magnifique à voir, bien plus intéressant qu’un Servette-Thoune un dimanche après-midi sur la RTS. Le Beach Soccer gagnerait à être connu, pour pourquoi pas assister en direct aux futurs exploits de la Nati. Vu qu’on ne devrait pas avoir de grands titres en foot de sitôt, moi ça m’irait bien une couronne mondiale en « football de plage ».

A propos Joey Horacsek 84 Articles
Bon ça va, je vais pas vous sortir ma biographie

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