Pigeon d’octobre 3: Raphaël Martinetti

Dans l’impitoyable monde du sport, il y a de celles et ceux qui luttent contre la corruption avec une énergie sans égale… et c’est toujours ce qu’on ose croire. Il y a aussi de celles et ceux qui s’aventurent dans de grands discours sans trop s’investir, telle une banque suisse dans la lutte contre le réchauffement climatique. Enfin, il y en a de celles et ceux qui agrippent au ceinturon ce sport devenu national avec une grande fermeté et peu de discernement, à l’instar du lutteur et ex-président de la FILA, Raphaël Martinetti.

Devenue une situation qui fait davantage rire que pleurer, la pratique de la corruption a progressivement gagné les faveurs de certains dirigeants d’organisations, sûrement animés par l’envie d’apporter une pierre à l’édifice dans cette grande cause qu’est la réduction des inégalités dans le monde. Emmenée par de vénérables citoyens tels que Sepp Blatter ou Gianni Infantino, la Suisse fait d’ailleurs souvent office, par sa pratique rigoureuse, de lueur d’espoir dans une pénombre bien sombre.

Luttée sans véritable lutteur, la corruption est à l’image d’un autre grand représentant du pays à la croix blanche : la lutte où, durant la passe, le ceinturon de l’adversaire devient dès lors cette valise de billets que l’on empoigne avec la main droite avant que, dans une chorégraphie rondement menée, les deux protagonistes se collent l’un à l’autre dans une complicité sans pareille.

Corruption aux petits oignons, une spécialité valaisanne

Sûrement inspiré par ses compatriotes valaisans, Raphaël Martinetti s’est faufilé comme une blatte pour poursuivre le déroulement d’une passe dans les règles de l’art. Raté pour le petit insecte des Alpes qui aura vu passer un sacré insecticide sur son front. Ex-dirigeant de la Fédération internationale des luttes associées (FILA), le Martignerain s’est vu recevoir un cadeau devenu fardeau cet automne. Révélé dans la presse romande au début du mois d’octobre, Martinetti aurait touché la somme mirobolante de 6,5 millions d’euros en provenance d’Azerbaïdjan. Un premier versement de 1,5 millions en 2010, puis un autre de 5 millions trois ans après. Autant dire qu’on se place presque au même niveau que le chèque de Noël offert par sa grand-mère qui, à la dernière minute, aura eu la justesse de diviser les montants par cent mille. Quand on a encore la tête sur les épaules…

Évidemment, rien n’indique que la transaction est illégale comme le souligne Grégoire Baur, confrère du journal Le Temps, dans un excellent papier paru début octobre. Il n’empêche qu’à la lumière des faits, l’homme ne semble pas être fin stratège dans cette histoire. Une manœuvre ratée qui se positionne au même niveau que celle de pondre un gamin après un adultère ou de virer un tiers des joueurs de ton équipe par WhatsApp. Valais, ton univers impitoyable…

En poste durant près de dix ans, Martinetti démissionnait en 2013 de son rôle de président. À l’époque, faire du lobbying pour son sport de toujours n’était sûrement pas son plus grand atout puisque, sur recommandation de la commission exécutive du CIO, la lutte devait été retirée du programme des Jeux Olympiques 2020. Situation caucas(s)e, celle-ci était réintégrée neuf mois plus tard dans le programme olympique au détriment du squash et du baseball. Un Home run manqué pour Raphy.

Histoire rocambolesque, héritage en détresse

Libéré des contraintes d’un poste à hautes responsabilités, le Valaisan se délectait sûrement de ce nouveau statut avant le retour de batte. Sept années se sont déroulées depuis la fin d’une décennie de règne. Sept années ont été données à l’arbitre de lutte aux Jeux Olympiques de Munich pour profiter d’un don gigantesque reçu début 2013 de la part de sa femme, par l’intermédiaire du pays d’orient qui flotte sur les gisements de pétrole. Plaidant la bonne foi sur de nombreuses interventions médiatisées, le natif du Valais se débat de la marre (d’hydrocarbures) comme il peut. On peut essayer de le croire, l’homme est humain après tout…

Toutefois, difficile de ne pas mettre en relation un cadeau d’anniversaire de 1,5 millions d’euros en 2010, l’année de l’attribution du championnat du monde de lutte à l’Azerbaïdjan, ou encore la fin d’un contrat de sponsoring par ledit pays suite au retrait de l’ex-président trois années plus tard. Même le Tribunal fédéral, dans un arrêté du 8 juin dernier, ne s’y méprend pas de ces relations sordides. Outre une possible stratégie politique supposée par le journaliste Grégoire Baur avant les élections communales du 18 octobre dernier à Martigny (le fils David a depuis été réélu à la vice-présidence), le dévoilement de cette histoire met surtout en lumière la faculté des instances sportives (ou des personnages qui y sont liés) à ne pas balayer au loin des manigances propres à salir l’esprit sain du sport de compétition. L’Union World Wrestling (UWW), anciennement FILA, s’est même avouée consternée face à ces agissements.

Emmenée notamment par les performances olympiennes de Jimmy (trois participations aux JO), la famille Martinetti s’est imposée au fil du siècle dernier comme un modèle pour ce sport. De haute lutte, la pratique représente désormais pour beaucoup ce folklore helvétique où saucisses-frites se mêlent aux beuglements de 250’000 spectateurs lors de la Fête fédérale de lutte et des jeux alpestres. Alors que dans les livres d’histoire nous lirons que le frère Jimmy ramenait trente titres nationaux dans sa besace, Raphy ramenait une valise pleine de billets d’Azerbaïdjan. Et alors que Jimmy était à un cheveu d’être élu « sportif romand du XXe siècle » en 2000, Raphy est aujourd’hui à un cheveu d’être élu pigeon d’or du mois d’octobre 2020.

Foutues trajectoires croisées.

A propos Vic Perrin 21 Articles
Un peu casse-cou, mais pas trop casse-couilles

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