Vaduz 3, Hans-Adam 2, Lausanne 0.

Je viens de contrôler dans mon abrégé de grec. Leur alphabet est formel dans la hiérarchie : au-dessus du supporter «bêta» (le plus courant selon l’imagerie populaire) se trouve le supporter «lambda». Les membres du Blue-White Fanatic Kop (BWFK) ont franchi une étape supplémentaire lors d’un récent match à Lugano, où ils sont passés au rang de supporters «nu». L’étape ultime est soit d’aller chez le «psi», soit d’acheter une montre Oméga, mais je m’égare.

Justement, comment se passe la journée d’un supporter lambda quand il décide, pendant le jour du Seigneur, d’aller pratiquer sa religion à Vaduz ? C’est ce que je m’en vais vous conter.Mais nous ne ferons pas l’économie d’un mini-débat : il semblerait en effet que les dirigeants du football suisse, qui sont à notre sport préféré ce que le boulet est au prisonnier, ont finalement accepté que le FC Vaduz, en cas de promotion, puisse évoluer en LNA. Moi je veux bien, dans une ligue à 18… Mais dans notre ligue à 10 (qui n’en déplaise à mon collègue Julien Mouquin dans son par ailleurs excellent article est une aberration absolue), laisser potentiellement une place à un club comme Vaduz est absurde. Pas parce que c’est un club étranger. Mais parce qu’il bénéficie d’un privilège que les autres clubs suisses n’ont pas, et qui fausse le jeu : une participation quasi automatique à la coupe UEFA via la carnavalesque coupe du Liechtenstein. Quoi ! Voilà un Club qui a remporté ce trophée ces 9 dernières années, en finale contre les cadors du foot d’Europe centrale que sont FC Balzers, USV Eschen/Mauren (tous deux en 2e ligue interrégionale) et le FC Ruggell (3ème ligue).
Ça n’a l’air de rien, mais de fait chaque année ils ont l’occasion de disputer un match européen. Sans être des inconnus sur la planète foot, Amica Wroncki, Ujpest, Dniepr et Helsinborg n’ont pas un pouvoir d’attraction extraordinaire, mais lorsque Vaduz, après avoir éliminé Magic-Riga aux penalties, tire le PSG en 1996, on imagine l’impact, rien qu’avec les droits TV, que cela peut avoir sur leur budget ! Quelle tronche feraient les autres équipes si le LS était chaque année qualifié pour l’UEFA après avoir battu le FC Thierrens ou  le FC Etoile-Broye en finale de la Jordan’s Cup ? C’est pourtant exactement la même situation qui prévaut pour Vaduz. Voilà un privilège qu’il faudrait par principe ôter (arf arf arf. A force de lire les articles de Christian Maillard dans Le Matin, je deviens adepte des jeux de mots à quatre sous… Je vais arrêter de lire Dubath, je vais virer poète barbon et infatué).
Ceci dit, nous étions 11 BWFK au départ du minibus, pour notre mini-coupe d’Europe à nous, à 9h00 ce dernier dimanche matin. Au passage, par l’un de ces systèmes D dont nous avons le secret, nous avons réussi à proposer à nos membres le voyage Lausanne-Vaduz et retour pour la somme de 30 francs, billet de match compris et avec une boisson offerte. Les connaisseurs apprécieront. Nous partîmes onze; mais par un prompt renfort nous nous vîmes dix-huit en arrivant au port : cinq Rabiosos et deux indéps nous avaient en effet rejoints.

Il faut reconnaître que le nouveau stade de Vaduz a un certain cachet. Baulmes n’est pas le seul village à pouvoir habiter dans son stade : les 5’000 habitants de la capitale entreraient à l’aise dans les 6’000 places du Rheinpark, toutes assises et couvertes. Malheureusement pour les locaux, à peine plus de 500 spectateurs s’étaient rendus au stade, malgré les efforts du speaker pour gonfler le chiffre. «C’est normal qu’il y ait peu de monde : Vaduz, c’est loin», comme le résumait alors si bien un comparse.
Cela fait plusieurs saisons que le FC Vaduz met sur pied une équipe pour monter. Cela s’en ressent pourtant assez peu dans l’effectif, avec seulement trois anciens joueurs plus ou moins expérimentés en LNA (Portillo ex-YB, Faye ex-Aarau et Bruno Sutter ex St-Gall). Le match partit d’ailleurs sur de bonnes bases pour un LS agressif, qui mettait une bonne pression dans le camp adverse. Thurre se permit même le luxe de marquer au quart d’heure, mais la réussite fut assez justement annulée pour une faute préalable. Et Léo n’a toujours pas planté en match officiel… L’arbitre se chargeait pour sa part de mettre l’ambiance en se montrant caporaliste et en avertissant Faye pour une raison connue de lui seul. Le climat était bruyant et festif du côté du mini-kop vaudois, et nous rigolions bien en essayant de comprendre le motif de cet avertissement au meilleur joueur de Vaduz. Nous vivions la 23ème minute. Nous étions alors loin de penser que le match allait se jouer dans les 120 secondes suivantes.
Alors que les joueurs de Vaduz venaient de nous offrir trois minutes de temps mort en protestations véhémentes, le jeu venait à peine de reprendre que le ballon était au fond des filets de Favre qui, pour une fois, n’y pouvait rien. Que la défense ne vienne pas me dire qu’elle n’a pas eu le temps de se replacer… Puis dans l’enchaînement, Dynamite-Bugnard explosa la latte d’une roquette tirée à 20 mètres. Le cuir rebondissait quelques centimètres devant la ligne… Quand on sait que le LS a hésité à jouer sous protêt, remarquant que les transversales étaient 3 ou 4 centimètres trop bas, il y a de quoi se la prendre et se la mordre.
A un coup-franc près (toujours Bugnard), le LS s’était alors créé sa meilleure occasion du match. Juste avant la mi-temps, Mauro lancé en profondeur fut un brin trop court pour résister au retour des défenseurs. En seconde mi-temps, il manqua quelques centimètres à Rey pour concrétiser une balle dans les seize. Et c’est tout. Rideau.
Le rideau, on aurait préféré le voir du côté de la défense vaudoise… Mais rien n’a fonctionné de ce côté-là. En début de match, en 4-4-2, les signes de panique étaient déjà flagrants. Puis les entraîneurs eurent l’idée fantasque de sortir un défenseur pour un milieu (Balthazar pour Ebé), le LS évoluant alors dans un 3-5-2 tout droit sorti de la quatrième dimension. Les deux réussites de Vaduz qui s’ensuivirent dans les 7 minutes chrono sont toutes deux directement issues d’énormes erreurs défensives, avant que l’introduction de Kaissi pour Rey ne ramène un semblant de stabilité… Mais quelle mouche a donc piqué le duo Isabella/Hunziker ?
La seule explication est que les entraîneurs ont voulu faire bouger à l’heure de jeu une équipe qui semblait sans âme, sans motivation, incapable d’aligner trois passes (c’est même souvent la deuxième passe qui rendait le ballon à l’adversaire), bref, qui s’emmerdait ferme sur le terrain. Le fait de jouer sans véritable enjeu nuit-il à ce point à la motivation des bleus et blancs ? Faut-il ajouter la faute professionnelle aux errements tactiques et aux imprécisions techniques ? Laissons le bénéfice du doute au LS pour cette fois. Mais on peut se demander où les joueurs ont pris leur plaisir durant ces dernières 45 minutes.

Du côté de Vaduz, encouragé par un échantillon de kop de 4 membres et demi, l’équipe a également eu son lot de maladresse et de passes ratées. Inutile donc de signaler que techniquement le match fut globalement d’une insigne faiblesse. Mais un «iota» de motivation en plus, un Faye en grande forme et une envie d’aller de l’avant manifeste suffirent à battre ce pâle LS.
Enfin, du côté des supporters, l’ambiance connut des hoquets mais resta bonne, avec des chants soutenus même à 3-0. Le moral déjà chancelant fut définitivement douché lorsque les joueurs ne prirent pas la peine de venir nous saluer au coup de sifflet final, à l’exception notable de Comisetti et, dans une moindre mesure, de Scalisi. Les 5 heures de route qui restaient à tirer n’en furent que plus longues, égayées néanmoins par les calembours de haute volée de Sttellla (groupe belge mythique), la bière fraîche et les délires de plus ou moins bon goût de certains membres ma foi déchaînés.
Le LS n’aura pas toujours la chance de recevoir des équipes aussi définitivement nulles que le Young Fellows Juventus. Cependant, la venue ce prochain dimanche de Delémont doit permettre aux Vaudois de prouver à ses fidèles qu’ils ne braderont pas la fin de la saison. Tout le monde a le droit de perdre, dès le moment où il respecte le maillot qu’il porte.

Vaduz – Lausanne 3-0 (1-0)

Rheinpark Stadion : 740 spectateurs.
Arbitre : M. Devouge.
Buts : 23e Fischer 1-0. 68e et 70e Gaspar 3-0.
Vaduz : Silva; Reinmann, Hasler, Portillo, Akdemir; Wieczorek, Sakiri (59e Gaspar), Maggetti. Sturm (74e Langlet); Pape Faye (81e Bem), Fischer.
Lausanne : Favre; Ebé (64e Balthazar), Scalisi, Miéville, Mora; Rey (79e Kaissi), Crettenand (46e Malgioglio), Bugnard, Comisetti; Mauro, Thurre.
Avertissements : 17e Wieczorek, 19e Portillo, 22e Pape Faye, 62e Rey, 74e Sturm.
Notes : Vaduz sans Alastra (suspendu), Ritzberger (blessé). Lausanne privé de Lacroix.

A propos Yves Martin 247 Articles
Cette Nati a deux vertus : celle de faire rêver quasi tout son peuple, et celle d'emmerder les connards de la fachosphère. Longue vie à elle.

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