Denis la malice

Nous sommes en train de vivre le mois d’avril le plus froid de l’histoire locale, Hubert Hurkacz a remporté le Masters 1000 de Miami, le PSG a sorti le Bayern en Champions League, Rapperswil s’est qualifié pour les playoffs, et le prince Philip était bel et bien encore vivant jusqu’à vendredi dernier. Si cette liste d’anomalies longue comme un menu caviar-champagne clandestin au Palais Vivienne ne représente pas autant de signes avant-coureurs de séries finales complètement échevelées en National League, on n’y comprend plus rien (ce qui est loin d’être exclu). Une bonne occasion pour la rédac’ de Carton-Rouge d’envoyer son plus grossier limier à la Vaudoise aréna pour assister à l’Acte I d’une série léonine « qui promet d’être longue », « qui va se jouer sur des détails », « qu’il faudra prendre match après match », même si « le *insérez le nombre correspondant au duel suivant*ème match sera déterminant ».

L’avant-match

Le LHC a l’avantage de la glace en quarts de finale des playoffs face aux grands ZSC Lions, 9 fois champions de Suisse (dont 6 fois depuis 2000), 3 fois vainqueurs de la Coupe, 3 fois champions d’Europe, 2 fois vainqueurs de la Coupe Spengler, une fois disqualifiés pour dopage (en 1952 selon Wikipédia, si quelqu’un a plus d’infos sur cette anecdote potentiellement savoureuse, merci de nous contacter à info@carton-rouge.ch). D’aucuns essaient même de nous faire croire que les Félins vaudois seraient les favoris de cette série face à leurs cousins du Hallenstadion.

Si vous suivez le club ne serait-ce que depuis une décennie (voire depuis une époque où les mâchoires prognathes étaient monnaie courante), si vous connaissez la réponse à la question « Qu’est-ce qui est rouge et blanc, qui monte et qui descend ? », si vous avez entendu le regretté Paul Magro hurler « ET GOAL ET GOAL ET GOAL ET GOOOOOOAAAAAAALLLLLL » un mardi soir de défaite devant 78 spectateurs à la KRRRRREKRRRRRR de Küsnacht, si certains soirs de brume vous entendez encore les « BRENT KELLYYYYYYYYY » bouellés par un Yves Hennard en mode ultrasons en demi-finale de LNB, vous devez commencer à vous dire qu’on se fourre le doigt dans l’œil jusqu’à l’embouchure de la Limmat en enterrant « Gâchette » Roe et ses artilleurs aussi rapidement.

Paulinho nous rappelle d’où les monarques absolus de droit divin du Léman viennent dans cette vidéo absolument légendaire.

Et pourtant, même avec des trésors d’apriori, de réserves et de peurs irrationnelles typiquement vaudois, il faut voir la vérité en face: après s’être frotté vigoureusement les yeux (allergies au pollen obligent), force est d’admettre qu’on serait prodigieusement déçu si le quatrième de la saison régulière sombrait face au cinquième. Surtout en se souvenant qu’une victoire ramenée du canton de Saint-Gall le 5 avril aurait suffi à s’assurer une deuxième place et un premier duel face à… Rapperswil en vertu de nouvelles règles aussi aberrantes qu’une sortie du fort peu princier Philip-Michaël Devos, neurologue émérite de son état, dans la presse de boulevard.

Oui, on parle bien d’une équipe qui célébrait sa victoire aux points à la limite des 7 rounds face aux besogneux tâcherons de l’Emmental comme un titre il y a encore deux ans. Une organisation dont le docte préposé à l’époussetage de l’armoire aux trophées n’a pas attendu la pandémie pour se retrouver au chômage technique permanent.

Le match en deux mots

Denis Malgin.

Malgin après son but en prolongations, le regard résolument tourné vers le… eh bien vers le nord apparemment.

Au centre de l’attention médiatique depuis le début de la journée de mardi, l’état civil du lutin soleurois est passé de « in a relationship with LHC in 2021/22 » à  « it’s complicated » en quelques heures par la grâce d’une interview accordée à la NZZ par Petr Svoboda (probablement en tchèque au vu du quiproquo qui en a résulté).

Les choix qui s’offrent à Denis « Kinda talking » Malgin en ouvrant son compte Facebook après la partie. Certains de ces termes semblent particulièrement indiqués dans le cas qui nous occupe.

Et pourtant la situation est absolument limpide: le top scorer des Lions lémaniques appartient aux Toronto Maple Leafs depuis février 2020 à la suite d’un échange avec les Florida Panthers, fait l’objet d’un prêt au Lausanne Hockey Club jusqu’à la fin de la saison, prêt officialisé par son passage (inaperçu) au ballotage le 6 janvier dernier, alors que son contrat avec le club canadien qui n’a plus passé de tour en playoffs depuis 17 ans arrive également à échéance à la fin de la présente saison. Selon des sources aussi discordantes que contradictoires, le natif du plus grand noeud ferroviaire de Suisse devrait donc retourner en NHL l’année prochaine, à moins qu’il ne renouvelle son bail sur les bords du Léman bien sûr. Limpide, on vous dit.

Les trois étoiles du match

⭐️ Tobias Stephan. 37 arrêts sur 39 tirs (94,87%). La force tranquille, une sérénité communicative entre les poteaux des Rouge et Blanc. Un peu comme Benoît Paire en conférence de presse à Monte Carlo en somme.

⭐️⭐️ Denis Malgin. Celui qui a osé prétendre en début de semaine qu’il n’aimait pas la lumière (c’est moyennement pratique quand on porte un casque jaune et des flammes dans le dos et qu’on a la faculté d’embraser une partie à la moindre étincelle) n’est pas resté dans l’ombre bien longtemps.

⭐️⭐️⭐️ Yves Hennard. Notre voisin de droite, au micro de Global Sport, a coiffé Charles Hudon et la première triplette zurichoise au poteau grâce à cette sortie légendaire au coeur du troisième tiers, excédé qu’il était après une énième attaque mal exploitée par les joueurs de la capitale olympique face au dernier rempart adverse: « Il faut le faire jouer Waeber ! » Et quand on vous aura dit que le prénom dudit portier, victime du jeu de mots de la soirée, commence par « ludo »…

Le tournant du match

La rocade opérée dans les deux lignes de parade lausannoises par Craig MacTavish en début de deuxième période (Hudon-Malgin-Bertschy / Kenins-Emmerton-Gibbons dans leur nouvelle forme). On est alors passé d’une démonstration des quatre blocs de Rikard Grönborg face à la seule deuxième triplette vaudoise à un vrai match entre deux prétendants au titre.

La stratégie du coach des locaux en début de rencontre. Le tout accompagné de trois cierges et deux Ave Maria pour faire bon poids.

Le slapshot en pleine lucarne du match

Un missile sol-air de Charles Hudon pour arracher une égalisation aussi méritée qu’une seconde d’attention accordée à un propos formulé par Cyril Hanouna (1-1, 19ème), sur le seul embryon d’occasion lausannoise en première période. Le plexiglas anti-Covid de nos voisins de Global Sport a d’ailleurs bien failli terminer sa course sur notre arcade sourcilière qui venait justement de se hausser légèrement à la vue de ce retournement de situation. A Carton-Rouge, on cultive un flegme que même les sujets de Sa Très Gracieuse (Et Nouvellement Célibataire) Majesté nous envient.

Hudon surprend tout le monde avec sa botte vraiment très secrète.

Le tout nouveau dispositif de caméras installé à Malley spécialement pour les playoffs s’est d’ailleurs immédiatement montré payant, immortalisant ce que Pascal Droz aurait certainement qualifié de VÉRITABLE COUP DE FUSIL du point de vue de Ludovic Waeber, juste avant de voir son filet transpercé de toutes parts. Voyez plutôt:

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Le vieux rotoillon en cloche du match

Le bon vieux 2’+10’ des familles de Cody Almond à 5 minutes de la fin du temps réglementaire alors que le score était de 2-2. Vous vous souvenez quand quelqu’un quelque part, certainement à la suite d’une soirée bien arrosée, avait imaginé qu’engager celui qui ferait passer Xherdan Shaqiri pour un parangon de constance et de stabilité pour trois saisons était une riche idée ? 130 minutes de pénalité plus tard, on a l’impression que ce contrat interminable a débuté aux environs de 2002. Eh bien non, c’était en 2019. Et il court encore (joyeusement) la saison prochaine.

Le chiffre à la con

2, comme le nombre de joueurs du LHC qui sont des purs produits de la formation des ZSC Lions. Ronalds Kenins (1 but) et Denis Malgin (1 but, 1 assist), ont eu tout loisir de prouver que leur cursus alémanique avait conservé toute sa valeur sur le marché du travail romand.

L’anecdote

Nelson Chiquet, pensionnaire des GCK Lions, n’était pas sur la grille de départ. On imagine que le natif de Courgenay (et apparemment de parents facétieux) aurait adoré faire son premier tour de piste en séries finales de première division pourtant, histoire de tester son adhérence à ce niveau. Fait-il toutefois partie de la taxi squad du « Z », en pole position pour rejoindre l’écurie du GM Sven Leuenberger en cas de blessure ? On aura peut-être la réponse avant que le drapeau à damier ne s’abaisse sur cette série.

Et sinon dans les tribunes ?

Vous vous en souvenez peut-être, jadis, on observait une minute de silence en l’honneur des disparus. Enfin on faisait semblant parce que faire taire plusieurs (dizaines de) milliers de supporters avinés pendant plus de 20 secondes tenait de l’exploit seulement tutoyé par quelques enseignants d’une école secondaire nichée dans le 1018 lausannois.

En l’honneur de l’inénarrable Paul Magro, décédé samedi 3 avril dernier, on a décidé de meubler le silence des tribunes vides avec 88 secondes de son. On aurait pu partager ce morceau de bravoure mythique de 2013, ou encore cette véritable explosion sonore de 1995, mais vous n’avez probablement pas eu besoin de nous pour les (ré)écouter au moins 800 fois lors des deux semaines écoulées depuis la disparition du Goléador de Chailly.

Et avouez que ça valait le coup rien que pour entendre le nom de Jonas Junland associé à un but marqué dans la cage adverse, une fois n’est pas coutume.

La minute Jonas Junland

Quand on parle du loup. Mark « MecMatch » Barberio semble marcher tout droit sur les traces de son glorieux prédécesseur. Biathlon de l’horreur passe ratée droit sur la crosse de Raphael Prassl en zone dangereuse – séjour de deux minutes sur le banc d’infamie en guise d’ouverture à la quatrième minute de jeu et puis… plus grand chose. Pas de quoi rendre qui que ce soit ivre de bonheur. L’ancien défenseur de Colorado nous avait pourtant promis dans les colonnes de « 24 heures » qu’il avait bien compris que la National League n’était pas une beer league

La rétrospective du prochain match

L’Acte II de ce duel aura lieu demain soir au Hallenstadion. Du côté des coéquipiers de Sven Andrighetto, on compte énormément sur l’apport du kop du véritable chaudron qu’est le Hallenstadion qui jouera son rôle habituel de septième homme. Il serait tout de même temps que le public de la cathédrale prillérane en prenne de la graine après une prestation vocale plus que décevante hier soir.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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