Une chute pas belle pour Sebastian

Seizième au classement général et aucuns points accumulés dans le casque après quatre courses : c’est le bilan fantastique de Sebastian Vettel en ce début de saison de Formule 1. Et l’un de ces résultats fait suite à un abandon dans l’avant-dernier tour du circuit d’Imola mi-avril. Une performance qui installe le nouveau représentant d’Aston Martin parmi les moins mauvais des mauvais, devant l’imbattable paire de Haas formée par Mick Schumacher et Nikita Mazepin. C’est dire l’incroyable exploit du multiple champion du monde qui se calibre, sans trop de problèmes, sur ses standards récents qui lui ont valu d’être considéré parmi l’un des plus grands échecs de l’histoire de Ferrari. Et jamais sa première saison de 2015, au coude-à-coude avec Sir Lewis, ne pourra extraire de nos esprits cette incroyable accumulation d’erreurs digne d’un gamin qui apprend à tourner son volant au karting de Payerneland!

On exagère à peine, mais c’est dire la peine qu’a justement eu le pilote allemand à s’imposer depuis près d’une demi-douzaine d’années sur les circuits du globe. Et pour arriver, rappelons-le, à deux quinzièmes places pour inaugurer son nouveau contrat. Deux places ridicules qui illustrent le fabuleux destin de ce coureur qui a vu sa confiance quitter autant la piste que lui ces dernières saisons. Que le temps passe vite pour celui qui a actuellement seulement 33 piges et quatre titres de champion du monde sur l’étagère.

Encore faut-il s’en rappeler.

Mariés au premier regard

Il est difficile de croire qu’aujourd’hui une imposture sévit en partie sous nos yeux. Car les déboires récurrents de ces dernières années mettent surtout en lumière cette absence constante de confrontation depuis le début d’une carrière autour de ses 10 ans en kart, façonnant l’espoir du sport automobile allemand. Le digne successeur de Michael Schumacher.

Alors qu’à ce moment-là, la majorité des jeunes jouaient aux pogs, Sebastian faisait des pôles. Chacun son truc. Et alors que plus tard, les adolescents s’engueulaient avec leur mère pour sortir tard le soir, Sebastian était encore materné dans le cocon de ses sponsors, dont un certain Red Bull qui flaire la poule aux œufs d’or. Fraîchement créée en 2005, l’écurie autrichienne accueille le natif de Heppenheim quatre ans plus tard après de fastes années chez Toro Rosso où il a fait tomber les records de précocité. Rien n’annonçait encore la chute.

Pour certains, Red Bull donne vraiment des ailes.

On ne le dira jamais assez, mais les relations au sein d’une même famille ne sont pas souvent conseillées. Pourtant, l’histoire semble belle et Sebastian le leur rendra bien. Il performe, il est rapide. En soi, un cocktail parfait pour créer une rivalité avec Mark Weber dès la deuxième saison de l’Allemand chez Red Bull. Des phases tournent au cauchemar, entre provocations et coups de génie du prodige qui se concentre pleinement sur ses capacités de pilotage sans, naïvement, s’immiscer dans les tensions liées inévitables dans une écurie (la série Netflix Drive To Survive en est un parfait exemple). De prime abord, cela s’apparente à une aide précieuse à court terme mais à long terme, c’est une lacune difficile à combler tant la Formule 1 se passe également en dehors du paddock. Elle tient sa réputation d’un milieu intense, cruel même, où l’adversité permet aussi la longévité.

Après quatre trophées remportés, parfois par chance comme en 2010 avec l’erreur stratégique de Ferrari à Abu Dhabi, c’est dans le giron de Ferrari que l’Allemand s’installe confortablement pour s’éviter l’adversité qui survient. Car au même moment, un certain Daniel Ricciardo commence à s’affirmer chez l’écurie au taureau. Le scénario Weber-Vettel se répète. Et si Vettel n’avait jamais quitté Red Bull, serait-il au niveau d’Hamilton aujourd’hui ? Peut-être bien.

Pied au plancher et tête dans le guidon

Prouesse totale, un titre en Formule 1 est la consécration d’une carrière : quatre c’est aussi fantastique qu’un Kebab en sortie de boîte. Mais pourtant chez « Baby Schumi », c’est comme si ces titres n’existaient pas au vu de son impact minime dans l’histoire du sport. Pas assez grande gueule comme Max Verstappen ? Ou pas assez solaire comme Carlos Sainz ? Peut-être, car le trentenaire ne coche pas vraiment toutes les cases de l’icône. Et l’aspect sportif, primordial dans l’équation ? Ce n’est pas nécessairement mieux. Sur le circuit, ses dérapages, au sens propre comme au figuré, restent dans les mémoires. Il y a eu ces couacs en début de carrière avec un crash sur son coéquipier Mark Weber au GP de Turquie en 2010 (alors qu’un doublé se profilait), ou son refus d’obtempérer aux consignes d’équipe comme en Malaisie en 2013.

Ce sont les prémisses de déconvenues successives qui surviendront dès la deuxième saison de Vettel chez Ferrari, malgré un sursaut d’orgueil entre 2017 et 2018. S’en suivra une véritable descente aux enfers caractérisée certes par des changements de managers et des voitures peu performantes, mais surtout par des performances indignes d’un champion du monde avec des accrochages, des têtes à queues ou des sorties de pistes à tout va qui donnent droit à des montages fantastiques sur la toile et des moments de joie chez les Tifosi… enfin, pas vraiment.

En carrière, Vettel accumule 121 podiums pour 53 victoires sur un total de 258 participations à des Grand Prix. Avec 20,5% de victoires, il se positionne en troisième position du classement des « meilleurs ». Pourtant, dans la mémoire collective, on conserve peut-être plus facilement en souvenir la singularité de moins bien classés : la hargne d’Alonso, la magie de feu Senna, le charme de Button, le sang-froid de Räikkönen, la classe de Rosberg partant à la retraite après son unique titre de 2016. C’est sans compter l’aura de Schumacher ou l’évolution progressive d’Hamilton qui, après beaucoup de catastrophes (dont celle de s’essayer à la chanson en feat. avec Christina Aguilera) a su rebondir pour égaler les « imbattables » records de celui que l’on surnommait le « Baron Rouge ». Et si c’était lui, le vrai Baby Schumi ?

Le « prestige » des titres ne fait donc pas tout et l’amour rend souvent aveugle. Ferrari en a fait les frais en voyant son divorce annoncé bien avant qu’il soit acté, le cordon étant rompu sûrement dès la deuxième saison sur les six passées au total dans l’écurie italienne. 14 victoires seulement au compteur, pour finalement terminer ses deux dernières saisons aux 5ème et 13ème rangs du classement final. C’est un échec retentissant, d’autant plus que l’arrivée du jeune Charles Leclerc fait répéter le scénario inlassablement : sous pression, Vettel ne suit plus. Finalement, est-ce la voiture qui sublime le pilote ou le pilote qui sublime la voiture ? Élément de réponse avec la fusée Fernando Alonso qui, alors pilote chez Ferrari, prédisait avec beaucoup de clairvoyance la destinée de Vettel : « Lorsqu’il aura une voiture comme les autres, s’il gagne, il sera une des légendes de la Formule 1. Lorsqu’un jour il aura une voiture comme les autres, et qu’il termine 4ème, 5ème, 7ème, ses 4 titres seront une mauvaise nouvelle pour lui parce que les gens considèreront ces titres encore plus mal qu’ils ne le font aujourd’hui. Le temps à venir pour Sebastian va être intéressant. »

L’Espagnol est sorti des stands, et il n’a pas attendu trop longtemps pour mettre le DRS.

Résiste, prouve que tu existes

Alors tout ça pour ça. Une carrière prometteuse et quatre titres de champion pour finalement deux misérables quinzièmes places en 2021, en tant que leader (présumé) d’Aston Martin… Rien de tel pour se mettre en confiance, alors que sa nouvelle équipe a tout de même laissé filer près de 40 millions de dollars dans l’opération en faisant notamment une croix sur son ancien pilote Sergio Perez (rupture de contrat, perte de sponsors mexicains).

En temps normal, la période d’essai comme nouvel employé serait déjà compromise. Par chance, l’Allemand n’est pas sur l’impitoyable marché du travail suisse, mais il s’assoit tout de même sur un compte en banque, celui de Lawrence Stroll, qui n’hésite pas à sortir le chéquier pour payer celui qui n’est plus que l’ombre du quadruple champion du monde qu’il a été il y a presque dix ans. 8 millions de dollars s’apparentent aujourd’hui à une véritable aubaine pour celui que l’on imaginait aisément le digne successeur du skieur Schumi, mais qui s’avère désormais aussi fade qu’un bretzel au jambon. À croire que gagner, ne serait-ce qu’une course, sera la seule motivation qui pourrait rester à Vettel suite à cette chute abyssale depuis ses premiers mois chez Ferrari. Par chance, il n’a pas encore tapé de roche mais juste du gravier.

Promis à une brillante poursuite de carrière après avoir crevé l’écran chez Red Bull en remportant 4 championnats du monde, Sebastian Vettel est tel quel : un éternel incompris. Difficile de croire qu’il fut au sommet, et difficile d’imaginer qu’il est aujourd’hui l’un des pilotes les moins fiables du circuit (Grosjean faisant désormais mumuse avec son motorhome à travers les USA). Saura-t-il faire taire ses détracteurs sous ses nouvelles couleurs ?

Après, qu’on ne s’étonne pas si Aston Martin se tourne un jour vers James Bond pour conduire ses bolides. Lui au moins il dérape moins dans le sable.

A propos Vic Perrin 21 Articles
Un peu casse-cou, mais pas trop casse-couilles

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