Journaliste de bord de terrain, tu ne sers à rien !

Franchement, j’en connais des métiers inutiles. « Le capitalisme multiplie les métiers à la con », c’est la théorie de l’anthropologue et auteur David Graeber qui a sorti à ce sujet un article célèbre intitulé « Bullshit jobs ». Un article qui, selon la théorie qu’il défend, devrait lui-même ne pas servir à grand-chose. Mais il n’égalera jamais l’action la plus inutile du monde de la francophonie (car la plupart des autres ne sont pas aussi débiles pour imaginer ça), celle du journaliste parqué en bord de terrain de foot, de hockey ou autre rugby qui consiste à enfoncer des portes ouvertes à longueur d’antenne.

Les plus célèbres d’entre eux répondent aux doux noms de Christophe, Olivier ou Laurent et sont communément appelés de manière très primaire « hommes de terrain ». Leur job : nous offrir des informations exclusives au plus proche de l’action. Et nous prendre pour des demeurés, aussi. Ça doit forcément être dans le contrat quelque part, je ne vois pas d’autre explication.

Qui n’a jamais entendu d’entrée de reportage un petit « La pelouse est en parfait état et la température est agréable pour jouer au football » ? Comme si le commentateur en tribunes ne pouvait pas nous le dire.

Toutefois, leur boulot ne consiste pas seulement à être des Philippe Jeanneret en herbe. Ces bougres savent nous glisser des ex-clu-si-vi-tés mondiales.  « Gérard Manvusa et Axel Aire sont partis à l’échauffement ». On le sait, le réalisateur nous les a montrés il y a deux minutes.

Mais ces rois du micro n’abandonnent jamais. « Ben Ahordure remplacera finalement Sony Eriksson ». Il faut le dire en quelle langue que les changements sont aussi filmés ?

Vous aurez compris mon agacement à la simple première écoute de ces agitateurs de vide. Même si leur heure de gloire absolue n’arrive seulement qu’à l’heure de la pause. Grâce aux règles de la Ligue, ils peuvent intercepter un joueur pour le mitrailler de questions à la con. On ne va pas se mentir, s’ils n’étaient pas obligés, les sportifs s’arrêteraient moins souvent qu’un pendulaire devant le stand d’Amnesty aux heures de pointe devant la gare de Lausanne. C’est dire.

« Alors, satisfait de cette première période ? » Non non, on mène 2-0 mais ça nous soûle de gagner. Et le second round au retour des vestiaires avec des interrogations ultra pertinentes qui varient entre « Qu’est-ce que l’entraîneur vous a dit à la pause ? », « Quel a été le discours dans le vestiaire ? » et « Qu’est-ce que le coach vous a demandé de changer ? » STOP ! STOOOOOOOOP ! Jamais un joueur n’a répondu sérieusement à cette question depuis la dernière période de croissance de Mimie Mathy. Et ils persistent, persuadés de faire le job qualitativement sans avoir la jugeotte de se rendre compte de leur inutilité la plus crasse.

Pour être franc avec vous, on a quand même trouvé une interview à la mi-temps qui valait le détour.

L’inutile et le délateur

Mais ne mettons pas tout le monde dans le même bateau. Dans ce métier, il y a les simples inutiles dont on peut gentiment se moquer. Et puis il y a la catégorie supérieure : les délateurs. Dans cette caste figure en tête de gondole Olivier Tallaron qui arpente les pelouses françaises pour Canal+ depuis des décennies en réussissant l’exploit de repousser les frontières de la nullité à chaque ouverture de micro. Ce joyeux luron qui, en bon journaliste qui se respecte, divulguait les compos obtenues en exclusivité par un staff auprès du banc adverse. Jusqu’au jour où l’entraineur de Bastia, Ghislain Printant, s’en est rendu compte et lui a balancé un faux système tactique que Tallaron s’est empressé d’aller répéter à son adversaire Laurent Blanc tel un bon petit chien-chien. Pris la main dans le sac le bougre. Certes, cela relève de l’anecdote et tous n’ont évidemment pas la même définition de l’intégrité que ce sombre personnage, mais cela montre aussi l’importance que peut se donner un type dont le job consiste avant tout à ne servir à rien.

Dans tout cela, on ne pouvait pas s’empêcher d’adresser une petite dédicace à notre Christophe Cerf national qui a au moins le mérite d’intervenir que très parcimonieusement et dont les règles de l’UEFA et de la FIFA (ou des non-droits de la RTS) l’empêchent de participer au show de la mi-temps.

Franchement, toute cette futilité dans le contenu est très fatigante. Mesdames et Messieurs les dirigeants de chaîne, s’il vous plaît, investissez votre argent dans une personne qui propose des analyses tactiques de qualité en plateau ou montrez-nous l’ambiance du stade et laissez-nous penser tout seul devant notre écran mais arrêtez avec cette mode interminable des enfonceurs de porte ouverte.

Sur ce, je vous souhaite une belle journée et retourne à mon travail dont certains diront qu’il ne sert pas à grand-chose non plus mais qui a au moins le mérite de ne pas être filmé.

 

Crédits photographiques :

Image d’en-tête : capture d’écran/Palmashow/Ce soir dans votre TV/ https://www.youtube.com/watch?v=6HVw7yTAKBM&t=99s

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