Le conte de Monte-Carlo (2)

On vous l’avait promis après l’annonce de l’affiche de la finale de National League, notre rédacteur préposé aux sports qui n’intéressent finalement pas grand monde (hockey vaudois, foot féminin et tennis) a pris ses cliques et ses claques et est parti s’établir sur le Rocher pour faire d’une pierre deux coups droits. Comme il paraît qu’un obscur club de tennis local organisait une petite sauterie printanière impliquant quelques seconds couteaux et autres tâcherons, c’était l’occasion d’y jeter un œil furtif. Et on n’en est pas resté de marbre, comme dirait Granit Xhaka, un autre aficionado du gros caillou monégasque (pas du tout, mais il était parfait pour cette vanne parrainée par Carambar). Après la première partie de lundi, bienvenue dans l’épisode 2 !

Lundi

« Mesdames et Messieurs, ce train desservira le Monte-Carlo Country Club, vous savez, là où y’a le tennis. » C’est ainsi que commence notre Lundi de Pâques dans le Beaulieu-Ventimiglia de 9h34, sous la conduite d’un préposé aux annonces pour le moins affable. Après la bonne surprise initiale de l’arrêt supplémentaire, c’est un peu plus mitigé à notre arrivée sur place: plus de billets pour les courts principaux. Pas de Stan sur le central pour nous aujourd’hui, il faudra se contenter des courts annexes. Après un passage sur les terrains d’entraînement où on croise pêle-mêle la charmante et talentueuse gauchère Laura Robson – qui a troqué sa raquette contre des béquilles puis, de guerre lasse, un micro – Justine Henin et Bertrand Milliard, direction le court 9. Plein comme un… œuf dès les premiers coups de 11 heures.

Már(60)tonnes Fucsovics, le pitbull de Nyíregyháza dans ses oeuvres.

Autant vous dire que les annexes, c’est plutôt pittoresque. On suit les matches à travers une grille, un peu comme si on était rentré sans payer à un entraînement de Roger Federer à huis clos aux Eaux-Vives en 2021. Pour les photos d’illustration de l’article, il y a plus pratique. Notre premier client se nomme Botic van de Zandschulp (santé ! Saleté de pollen !). Si vous êtes dyslexique, n’essayez pas cet exercice de prononciation seul chez vous, vous risqueriez de vous blesser. En face de lui, on retrouve Márton « Mr. Univers » Fucsovics, dont la morphologie ferait passer Thor et Broly pour des crevettes rachitiques au régime. On salue le courage du gars qui a osé applaudir une de ses doubles fautes et qui s’est pris un chapelet d’injures en hongrois (enfin on imagine en tout cas qu’il n’était pas en train de répéter pour son prochain récital de comptines pour enfants). La grille qui nous sépare de l’ire magyare n’est peut-être pas étrangère à cette soudaine témérité d’ailleurs. Cette même grille nous rassure également beaucoup lorsque son adversaire batave a un fusible qui fond irrémédiablement alors que la première manche lui échappe et se lance dans une diatribe du plus bel effet en néerlandais (encore une fois, on subodore qu’il ne s’agissait pas de nursery rhymes) assaisonnée d’un jet de raquette à 15 cm de notre visage. Il s’en sortira néanmoins en 3 sets, Fucsovics finissant visiblement par crouler sous le poids accablant de ses biceps (3-6 7-6 6-1).

« Ouais, pardon, moi c’est Patrick. Je suis célèbre. Je peux passer ? »

Pour le reste, on vous épargnera l’affrontement homérique entre le lucky loser des qualifs Ivan Gakhov et Mackenzie « Happy Meal » McDonald qui n’avait rien du fast food pour passer directement aux véritables Hunger Games organisés pour réintégrer l’enceinte après une malheureuse pause-pipi concédée peu avant le début du Rune/Fritz-Musetti/Bolelli attendu par tout un pays en forme de botte. Lassé de voir sortir les vessies les plus faibles au compte-goutte (littéralement), on a fini par se rabattre sur l’échauffement de Dominic Thiem en préparation de son exécution de l’habitué de la spécialité Richard Gasquet en fin de journée sur le central.

Jamais de Domi-mesure pour Thiem, même à l’échauffement. Mais faudra centrer un peu mieux que ça en match…

Après ce festival de déconvenues, ne restait plus qu’à faire un pèlerinage au Stade Louis-II pour rester dans le thème:

Un stade olympique vintage et souvent vide qui accueille un club rouge et blanc et un meeting de ligue de diamant, ça ne vous dit rien ?

Mardi-mercredi-jeudi

Pause loin des courts. On est presque un peu déçu que le match aller de la confrontation entre les hooligans du FC Bâle et ceux de l’OGC Nice qui fait si peur à tout le monde se déroule en Suisse, on serait bien allé faire un tour à l’Allianz Riviera. Pour le reste, on vous passe toutes les horreurs qu’on a vues entre Nice et Roquebrune en passant par Saint-Jean Cap-Ferrat, ça risquerait de vous mettre mal à l’Eze(-sur-mer). Quel coin de pays hideux. A noter qu’on a failli pousser jusqu’à Menton, il s’en est vraiment fallu d’un poil.

La fameuse brise de Nice.

Avant de repartir pour le Monte-Carlo Country Club demain matin, on est obligé de vous dire qu’on est tombé sur un article québécois consacré à la première (et seule) victoire de Novak Djokovic dans le tournoi et figurez-vous qu’à 6-6, on dispute un « bris d’égalité ». Pas sûr qu’on puisse dormir cette nuit.

Vendredi

Comme on fonctionne toujours à l’arrache à CR, on n’a réussi à se procurer qu’un billet pour le Court des Princes, théâtre des quarts de finale de… double. Alors qu’on espérait depuis le début de la semaine être témoin d’un affrontement McDonald-Fritz valant son pesant de nuggets d’or, rien de tout ça au menu. On devra se contenter de voir la paire vedette composée de Holger Rune et donc de Taylor Fritz partager l’affiche avec… euh… une brochette d’inconnus au bataillon. Le double, c’est vraiment pas un sport le même sport.

Quand l’arbitre est plus connue que toi, c’est mauvais signe.

Juste pour le plaisir, on vous balance la liste des autres membres de ce grand huit (fois deux) du #TennisVrai: Kevin « Lenny » Krawietz, Tim Puetz (on se réjouit d’entendre les fans hurler son nom de famille), Marcelo Arevalo, Jean-Julien Rojer (c’est fou comme une lettre peut tout changer), Lloyd Glasspool (il hésitait entre plusieurs tailles de récipients), Harri Heliovaara, Romain Arneodo (un Monégasque !), Sam Weissborn, Wesley Koolhof (Duty), Neal Skupski, Fabrice Martin, Andreas Mies (qui ne mange pas de ce pain-là), Ivan Dodig et Austin Krajicek (rien à voir avec Richard). Croyez-le ou non, vous avez là une bonne partie du top 10. Les numéros 1 mondiaux de la spécialité se cachent même parmi eux, saurez-vous les retrouver ?

Un sacré coup de Puetz.

Alors qu’Andrey Rublev se saisissait d’un Struff sans même être guidé par l’un d’eux pour trouver leur village, que ça se Tsitsipassait mal pour Tétanos face à un Fritz qui avait la patate et que Holger Rune les espoirs de Daniil Medvedev sur le central, il fallait bien se rendre à l’évidence: il nous faudrait voir le Glasspool à moitié plein et prendre notre mal en patience sur le court d’à côté.

« The biggest crowd ever. Tremendous. » Donald T.

Après les qualifications aisées de la paire allemande et du duo austro-monégasque ainsi que celle, plus ardue, du couple franco-allemand (pas François et Helmut) face aux numéros 1 mondiaux britannico-hollandais (vous les avez ?), le temps était enfin venu de voir l’entrée en scène des deux seules frimousses reconnaissables du grand public, à savoir celles de Rune et Fritz, qui venaient d’expédier les affaires courantes en simple. Sauf que, à respectivement 19 et 25 ans, disputer deux sets de double au petit trot n’est pas chose aisée dans l’enchaînement d’un combat tout sauf acharné de moins de deux tours d’horloge, voyez-vous. Après 45 minutes d’attente meublées par l’achat d’une glace soi-disant italienne au goût de cookie bionique à 3 euros la boule atrophiée, la speakerine du stade nous annonce d’une voix tremblante que la paire précitée a déclaré forfait pour son quart de finale (probablement une histoire de Fritz cramées). On vous aurait bien dit que la foule en furie lui a immédiatement jeté tous les objets qui lui passaient sous la main, mais pour ça il aurait fallu que la cinquantaine de badauds présents puisse être qualifiés de foule.

On ne résiste pas à vous rapporter un extrait de ce que Justine Henin en a pensé en live sur Eurosport: « On sait que ça se passe comme ça, qu’il y a des joueurs ou des joueuses qui prétendent avoir un problème physique. Après il y a peut être quelque chose que l’on n’a pas vu non plus mais je suis un peu dubitative. Il faut avoir un certain respect pour la compétition du double sinon on ne s’inscrit pas. Mais aussi du respect pour les adversaires, le tournoi. » Sans parler du respect dû aux pauvres hères ayant lâché 45 euros pour être cantonnés au Court des Princes (renommé Court des Mendiants ce jour-là). Henin, vous vous souvenez ? Mais oui, celle qui avait abandonné à 6-1 2-0 en faveur d’Amélie Mauresmo en finale de Wimbledon 2006, son premier titre majeur. Etonnamment, pas mal de consultants (et d’autres) lui avaient reproché un manque de respect ce jour-là…

Les Fritz sont décidément bien mal accueillis sur les plages françaises.

On se consolera en profitant sauvagement une énième fois de l’accréditation avec option transport de notre estimé confrère et néanmoins ami de Courts Mag pour poser notre postérieur au fond de la banquette arrière d’une Maserati officielle juste après avoir croisé un Björn Borg quelque peu hagard et vu l’infortuné Medvedev se faire happer par une orde de docteurs ès selfies (il paraît qu’on appelle ça un « usie » quand le self devient us et qu’on est plusieurs dessus d’ailleurs) malgré son capuchon enfoncé sur les yeux.

« A l’Hermitage, s’il-vous-plaît. » Enfin on imagine que c’est ce que Borg a dit au chauffeur.

Samedi

Retour en en Suisse en voiture sans histoires en seulement 7 heures cette fois. On relèvera simplement notre passage par une aire de repos nommée Prolex dans la Vallée d’Aoste. Probablement le siège d’une firme spécialisée dans les montres marxistes.

En exclusivité mondiale, la grille de départ du prochain GP de Monaco.

P.S. On a quand même profité du voyage pour apprendre la nouvelle la plus navrante de l’année: la WTA, qui avait décidé de boycotté la Chine et ses tournois en 2021 après la disparition de Peng Shuai (qui ?) et avait promis de n’y revenir qu’en cas de résolution de la problématique entourant l’ancienne joueuse chinoise, a annoncé qu’elle y retournerait cette automne. Les raisons de ce volte-face sont tout simplement tordantes: Steve Simon, le boss dépourvu de colonne vertébrale du tennis féminin, a tout d’abord rappelé que son entreprise et lui-même avaient été félicités pour leur position basée sur de nobles principes et croyaient avoir envoyé un message puissant au monde. Pourquoi pas. Sauf que la réalité, selon lui, est que « praise alone is insufficient to bring about change« . On vous a mis la version originale puisque le double sens de « change » (le changement ou… la monnaie) ne peut pas être un hasard ici. Eh oui, figurez-vous qu’après 16 mois de lutte (sic), les instances du tennis féminin n’ont constaté aucun changement (et probablement des pertes financières énormes) et ont donc décidé de laisser tomber. Et ils ont tellement peu de scrupules qu’ils n’ont même pas peur de dire exactement ça. On s’est aussi laissé dire qu’il était beaucoup plus facile de boycotter la Chine en 2021 en pleine crise du covid, mais ça n’a probablement rien à voir. Bref, là le message envoyé au monde est véritablement puissant, bravo Steve !

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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